Loi de santé 2015 : les principales mesures
Le projet de loi santé a été définitivement adopté par les députés ce jeudi 17 décembre 2015. Même si le nombre de ses articles a été triplé, il n'est guère différent de celui présenté en conseil des ministres le 15 octobre 2014. Certes elle a dû renoncer à la vaccination par les pharmaciens et a été contrainte d'assouplir la loi Evin, mais Marisol Touraine n'aura, in fine, pas cédé beaucoup de terrain à ses opposants concernant les mesures les plus sujettes à controverse à savoir le tiers payant et le paquet de cigarettes neutre.
La loi pourrait être promulguée en ce début d'année 2016, une fois que le conseil constitutionnel, probablement bientôt saisi par l'opposition parlementaire, aura rendu son avis sur la loi. Sa mise en œuvre effective devrait durer plus d'un an.
Voici une synthèse de ses principales mesures
Tiers payant généralisé
C'est la mesure la plus controversée de la loi. Selon un sondage Odoxa pour le Figaro Sept Français sur dix y sont favorables. Pourtant, les Français comprennent aussi l’opposition des médecins à cette généralisation du tiers payant.
Et cette opposition est particulièrement vive de la part des syndicats de médecins libéraux qui y voient une mesure électoraliste et surtout redoutent que :
- le recouvrement des créances soit particulièrement chronophage en raison du très grand nombre de complémentaires santé
- leur liberté de prescription soit menacée à terme dans la mesure où les payeurs pourraient être amenés à conditionner leur règlement au respect de certaines pratiques.
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a appelé ses adhérents à la « désobéissance civile » et à ne pas appliquer ce tiers payant généralisé. Les éventuelles sanctions n'ont pas été précisées.
Le gouvernement a publié le calendrier de la mise en application
Nicolas Sarkozy, François Fillon et Alain Juppé, les principaux candidats à la primaire à droite, ont déclaré qu’ils abrogeraient le tiers payant généralisé si ils étaient élus lors de l'élection présidentielle de 2017. Or même si la généralisation de la dispense d’avance de frais ne sera pas achevée à ce moment là, il semble pour beaucoup qu'il sera techniquement difficile de revenir sur cette mesure qui remporte l'adhésion des patients et ce d'autant plus si elle montre entre temps un minimum de simplicité et de fiabilité.
Celà dit des inconnues demeurent encore, notamment sur la façon dont l'assurance maladie récupérera le forfait d'un euro par consultation
Tabagisme :
- Adoption des paquets neutres à partir du 20 mai 2016
- Interdiction de fumer dans les voitures avec des enfants de moins de 12 ans
- Interdiction du vapotage dans les lieux publics sauf pour les cafés, bars, restaurants
- Interdiction d'arômes artificiels comme le menthol à partir de 2020
- Les débitants de Tabac devront s'assurer de la majorité de leur client
- Droit de prescription de substituts nicotiniques pour les médecins du travail et les infirmiers
Organisation des soins
Afin de rendre les projets régionaux de santé plus efficaces et de faciliter le parcours des patients, la loi fusionne le schéma régional de prévention, le schéma régional d’organisation des soins (SROS), et le schéma régional d’organisation médico-social (SROMS) dans un unique schéma d’organisation.
Chaque projet régionaux de santé pourra être adapté aux différents contextes régionaux et locaux par les agences régionales de santé (ARS) qui devraient ainsi « définir ses découpages territoriaux selon les finalités poursuivies : autorisations, service territorial de santé ou premier recours ». Les conférences de territoires sont supprimées au profit des conseils territoriaux de santé qui réunissent l’ensemble des parties prenantes du territoire », précise le texte.
Afin de prévenir les hospitalisations inutiles ou évitables ainsi que les ruptures de parcours, la loi intègre des fonctions d’appui aux professionnels pour la coordination des parcours de santé complexes. Concrètement, selon Marisol Touraine, il s'agit de mettre en place des plateformes polyvalentes, à l'initiative des professionnels, pilotées par les ARS en lien avec les collectivités territoriales, l’assurance maladie et les autres acteurs du territoire pour soutenir en particulier l’offre de soins de proximité et le médecin traitant. « Ces communautés regrouperont des équipes de soins primaires qui pourront être constituées en maison de santé, mais ça n’est pas le seul modèle » « Elles devront établir des liens avec les acteurs sociaux et médico-sociaux.
Afin de traduire concrètement le virage ambulatoire de la stratégie nationale de santé, au détriment d'un système hospitalo-centré, la loi institue donc une coopération entre professionnels avec la mise en place des « communautés professionnelles territoriales de santé » : selon les projets de leurs fondateurs, les équipes de soins primaires pourront être rejointes par des médecins spécialistes, ou des acteurs médico-sociaux et sociaux. Sur la base des projets de santé des équipes de soins primaires et des communautés professionnelles territoriales de santé, l’ARS peut conclure des contrats territoriaux de santé. Le contrat territorial de santé « définit l’action assurée par ses signataires, leurs missions et leurs engagements, les moyens qu’ils y consacrent et les modalités de financement, de suivi et d’évaluation ».
Le groupement hospitalier de territoire a pour objet de permettre aux établissements de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient, dans le but d’assurer une égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité. Il assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établissements. Dans chaque groupement, les établissements élaborent un projet médical partagé garantissant une offre de proximité ainsi que l’accès à une offre de référence et de recours.
Médecins
- Médecin mercenaire à l'hôpital : le gouvernement siffle la fin de la récré
- Les médecins hospitaliers pourront continuer de travailler jusqu'à 72 ans jusqu'au 31 décembre 2022.
- Encadrement renforcé de l'activité des médecins exerçant en libéral à l'hôpital public.
Professions paramédicales
- Pour répondre aux problématiques posées par l'évolution du système de santé, l'état, en instituant le principe de pratiques avancées cherche à promouvoir de nouveaux métiers pour les professions paramédicales. La loi santé jette les bases de l'exercice en pratiques avancées pour les auxiliaires médicaux
- En rédéfinissant l'organisation des soins, le loi cherche à améliorer la situation et les conditions des pédicures-podologues, des podo-orthésistes, et des psychologues dans le parcours de soins ;
- La réorganisation du parcours de soins ne manque pas d'inquieter le conseil de l'ordre des infirmiers qui souhaite relayer les fortes inquiétudes des infirmiers de premier recours au sujet l’article 12 bis du projet de loi qui vise à créer des « communautés professionnelles de territoire de santé ». Nouvelle dénomination du service territorial de santé au public initialement proposé, ces communautés restent le fruit d’une vision technocratique et médico-centrée des soins de proximité dans laquelle les infirmiers qui interviennent dans les soins de proximité ne se reconnaissent pas. Avec le tiers-payant généralisé le projet de loi mène la santé vers des territoires trop fortement administrés au détriment de la coordination et de la souplesse du système.
« Lire que ces communautés professionnelles seront des équipes constituées autour d’un médecin généraliste est à milles lieues de la réalité du terrain. Nous aurions aimé que la loi vise à faciliter le travail des professionnels du premier recours en fluidifiant le lien ville-hôpital et la coordination des soins, coordination qui peut être soignante et sociale et ne se confond pas avec la synthèse médicale assurée par le médecin traitant. Notre crainte est hélas, une complexification du parcours de soins au détriment d’une prise en charge optimale des patients chroniques» conclut Didier Borniche, président de l'ordre national des infirmiers.
- Il s'en est fallu de peu que l'Ordre National des Infirmiers disparaisse, conformément à la volonté de beaucoup d'entre eux, au cours de l'examen de cette loi. En effet en première lecture de la loi au mois d'avril, les députés avaient adopté l'amendement d'Annie Houérou, supprimant l'Ordre National des Infirmiers. Examiné ensuite au Sénat cet été, l'amendement avait été retiré, réhabilitant l'Ordre dans la loi de Santé. C'est l'assemblée nationale qui aurait le dernier mot lors de la seconde lecture de la loi. A la fin de l'été, les pronostics n'étaient pas favorables à la survie de cette organisation pour le moins contestée. C'est donc un peu par surprise et surtout par soucis de cohérence avec une loi censée renforcer la profession, que la ministre de la santé s'est déclaré finalement en faveur du maintient de l'Ordre National des Infirmiers, ce qui a fini par remporter l'adhésion d'une majorité de député de la majorité mais aussi de l'opposition.
Assouplissement de la loi évin
Une distinction est établie entre la publicité pour l'alcool et les informations œnologiques.
La présidente de l'Inca s'en insurge, la filière viticole s'en réjouit.
Jeunesse
- Le consentement parental n'est plus obligatoire si des mesures de prévention, de dépistage ou de traitement s'impose pour sauvegarder la sante sexuelle et reproductive d'un mineur. Seul, le consentement du mineur est requis dans ces cas.
- Un parcours éducatif en santé est instauré de la maternelle au lycée.
- Les parents pourront choisir un médecin traitant pour leur enfant de moins de 16 ans.
- Alcoolisme des jeunes : L'incitation à une consommation excessive d'alcool pourra être sanctionnée de 15 000 euros d'amende et un an d'emprisonnement, l'incitation à une consommation régulière de 45 000 euros d'amende et deux ans de prison.
- Les cabines de bronzage sont interdites pour les mineurs. Leur publicité est proscrite
Service public hospitalier
Les missions de service public hospitalier sont rédéfinies. Les dépassements d'honoraires sont prohibés dans ce cadre, même lorsque le patient est transféré temporairement dans un établissement privé.
Dossier médical
Le dossier médical personnel est mort vive le dossier médical partagé
Interruption volontaire de grossesse
Suppression du délai de réflexion de sept jours.
L'IVG médicamenteuse peut être prescrite par une sage-femme.
Droit de la santé
- La loi rend possible les actions de groupe visant à obtenir la réparation des préjudices résultant de dommages corporels subis par des usagers du système de santé
- Le droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer qui veulent faire un emprunt ou souscrire une assurance passe de 15 à 10 ans
- Don d'organes : à défaut d'être inscrit dans le registre national de refus, tout le monde devient donneur d'organes. La famille du défunt ne sera plus consultée mais simplement informée d'un éventuel prélèvement envisagé.
- Don du sang : nul ne pourra en être exclu en raison de son orientation sexuelle.
Sport sur ordonnance
- Dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection de longue durée, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient. Les activités physiques adaptées sont dispensées dans des conditions prévues par décret.
Mannequinat et maigreur excessive
L’exercice de l’activité de mannequin est conditionné à la délivrance d’un certificat médical. Ce certificat atteste que l’état de santé du mannequin, évalué notamment au regard de son indice de masse corporelle, est compatible avec l’exercice de son métier.
Les agences qui emploient des mannequins ne respectant pas cette obligation sont passibles d'un an de prison et de 75 000 euros d'amendes
Prévention de l'obésité
La mise à disposition, en accès libre, sous forme d’offre à volonté gratuite ou pour un prix forfaitaire, de boissons, avec ajout de sucres ou d’édulcorants de synthèse est interdite dans tous les lieux de restauration ouverts au public, les établissements scolaires et les établissements destinés à l’accueil, à la formation et à l’hébergement des mineurs.
Réduction des risques liées à usage de drogues
Expérimentation de salles de consommation à moindre risque pendant une durée de 6 ans. Ces espaces sont destinés à accueillir des majeurs usagers de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques. La personne qui détient pour son seul usage personnel et consomme des stupéfiants à l’intérieur d’une salle de ne peut être poursuivie pour usage illicite et détention illicite de stupéfiants.
Le professionnel intervenant à l’intérieur de la salle de consommation à moindre risque et qui agit conformément à sa mission de supervision ne peut être poursuivi pour complicité d’usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l’usage illicite de stupéfiants.
Crédits Photos: Ministère de la Santé et AS/DICOM
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