Fin de la liberté totale d’installation pour les dentistes 1er janvier 2025

Fin de la liberté totale d’installation pour les dentistes 1er janvier 2025 La liberté totale d’installation des dentistes prendra fin à partir du 1er janvier 2025, avec la mise en place d’une régulation visant à réduire les inégalités territoriales en matière de soins dentaires. Décryptage des enjeux, des détails techniques et des tensions qu’elle suscite.

Une réforme qui cible les zones sur-dotées

À compter du 1er janvier 2025, les chirurgiens-dentistes souhaitant exercer en zones « non prioritaires » (ou sur-dotées) seront soumis à des règles strictes d’installation. Ces zones, qui regroupent environ 5 % de la population et 9 % des dentistes, incluent principalement les grandes villes comme Paris, Lyon et Bordeaux. Dans ces territoires, tout nouveau praticien ne pourra s’installer que pour remplacer un confrère partant, selon le principe « un départ pour une arrivée ».

Les modalités précises de la régulation sont les suivantes :

  1. Cession d’activité : Le praticien sortant doit avoir exercé au moins deux jours par semaine dans la zone concernée l’année précédant son départ.
  2. Délai de désignation : Il dispose d’un an pour désigner son successeur. Passé ce délai, le conventionnement sera attribué à un autre praticien par la commission paritaire départementale (CPD).
  3. Validation finale : Le conventionnement du nouveau dentiste est approuvé par la caisse locale d’Assurance Maladie, après consultation de la CPD.

Cette régulation s’étend également aux centres dentaires, qui ne pourront plus recruter ou augmenter leurs effectifs dans ces zones non prioritaires. Cette mesure vise à freiner un « développement anarchique » souvent critiqué, notamment pour des cas d’opacité et de pratiques commerciales jugées douteuses.

Des incitations renforcées pour les zones sous-dotées

À l’opposé, les zones sous-dotées, couvrant 30 % de la population, bénéficient d’incitations substantielles pour attirer de nouveaux praticiens. Ces aides comprennent :

  • Une prime d’installation doublée, passant de 25 000 à 50 000 euros.
  • Une aide annuelle au maintien de l’activité, augmentée de 3 000 à 4 000 euros.

Ces mesures visent à répondre à une situation critique : certains territoires, notamment ruraux comme la Corrèze, enregistrent jusqu’à sept fois moins de dentistes par habitant que des zones sur-dotées comme Paris. Pour les patients de ces régions, la pénurie de praticiens entraîne des délais d’attente parfois insoutenables et des renoncements aux soins dentaires essentiels.

Les centres de santé dentaires sous contrôle

Les centres de santé dentaires, qui se sont multipliés ces dernières années, sont particulièrement ciblés par la réforme. Depuis la suppression de l’obligation d’agrément en 2009, ces structures ont connu une forte croissance, notamment dans les grandes métropoles, où leur nombre dépasse aujourd’hui les 900 en région parisienne. Leur essor a parfois été qualifié d’"anarchique", contribuant à une concentration excessive dans les zones déjà bien pourvues.

Face à des dérives documentées, comme des pratiques frauduleuses ou des surfacturations, la réforme rétablit l’obligation d’agrément pour la création de nouveaux centres et limite les recrutements dans ceux existants en zones sur-dotées. Cette régulation, selon le Dr Patrick Solera de la FSDL, "permettra de rééquilibrer l’offre et de mieux répondre aux besoins réels des territoires".

Les dérogations et tensions autour de la réforme

Bien que saluée pour ses objectifs de rééquilibrage, cette réforme n’échappe pas aux critiques et aux ajustements nécessaires :

  • Dérogations prévues : Certaines situations permettent de contourner la régulation, notamment pour les chirurgiens-dentistes spécialistes (orthodontistes, chirurgiens oraux) ou dans des cas personnels spécifiques comme une mutation professionnelle ou un divorce. Cependant, ces dérogations ne diminuent pas le nombre total de places disponibles dans une zone.
  • Critiques des syndicats : Les syndicats de dentistes, tout en acceptant la réforme, expriment des réserves. Le Dr Pierre-Olivier Donat, président du syndicat Les Chirurgiens-dentistes de France (CDF), qualifie la mesure de « point noir », notamment pour les jeunes praticiens qui voient leur liberté professionnelle restreinte. De son côté, le Dr Patrick Solera (Fédération des syndicats dentaires libéraux) minimise l’impact, rappelant que seules 5 % des zones sont concernées.

Un regard prospectif sur les conséquences

Pour les dentistes : Cette régulation pourrait décourager certains jeunes diplômés de s’installer dans des zones très attractives. En revanche, elle pourrait dynamiser les territoires sous-dotés, où les aides financières offrent un réel soutien au démarrage d’activité.

Pour les centres dentaires : En limitant leur développement dans les zones sur-dotées, la réforme cherche à endiguer les dérives dénoncées par les syndicats. À terme, cela pourrait mieux structurer l’offre de soins dentaires sur l’ensemble du territoire.

Pour les patients : En zones rurales, l’arrivée de nouveaux praticiens pourrait réduire les délais d’attente, mais ces effets dépendront de l’attractivité réelle des incitations proposées.

Un modèle étendu à d’autres professions ?

La réforme visant à réguler l’installation des dentistes illustre les efforts des pouvoirs publics pour répondre à une crise de répartition des professionnels de santé. En ciblant à la fois les zones sur-dotées et les zones sous-dotées, cette mesure cherche à garantir une offre de soins plus équitable sur l’ensemble du territoire. Cependant, l’équilibre entre incitations et coercition reste fragile.

Si l’objectif de combler les déserts médicaux est partagé par l’ensemble des acteurs, les solutions proposées divisent. Les syndicats dentaires dénoncent notamment un risque de démobilisation des jeunes praticiens, craignant que ces nouvelles règles n’entravent leur liberté professionnelle. De leur côté, certains gestionnaires de centres dentaires soulignent la nécessité de préserver l’attractivité de leurs structures tout en respectant les nouvelles obligations réglementaires.

Enfin, cette réforme pourrait faire école. La question de l’encadrement de la liberté d’installation se pose aussi pour les médecins généralistes. Une proposition de loi, déposée en 2024, envisage d’appliquer des mesures similaires à cette profession. Cependant, les syndicats médicaux s’opposent fermement à cette idée, invoquant la baisse démographique des médecins et des besoins différents par rapport aux dentistes.

Une réflexion critique s’impose sur l’efficacité réelle des dispositifs coercitifs pour résoudre les problématiques d’accès aux soins. Comme le souligne la littérature scientifique, ces approches pourraient demeureur contre-productives en limitant l'attractivité de la profession. Au-delà des chèques ou des contraintes, les recherches montrent que seule une stratégie globale centrée sur la valorisation d’un cadre de travail motivant permet de répartir équitablement et durablement les professionnels de santé sur un territoire.

 

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