Démographie médicale 2024 : Le nombre de médecins augmente, mais les déserts médicaux persistent
L'Atlas 2024 de la démographie médicale que vient de publier le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), offre une analyse détaillée de l'état de la profession de médecin en France. Malgré une légère hausse du nombre de médecins, les inégalités territoriales et l'évolution des modes d'exercice constituent des défis majeurs pour l'accès aux soins.
Un léger regain, mais des disparités persistantes
Le nombre de médecins en activité a augmenté de 1,4 % entre janvier 2023 et janvier 2024, soit 3 272 professionnels supplémentaires, portant le total à 237 300. Cette hausse, bien que modeste, est le signe d'un certain dynamisme après plusieurs années de stagnation. Cette augmentation concerne principalement les jeunes générations, avec une part croissante de praticiens de moins de 40 ans (48,2 % en 2024, contre 40 % en 2010). De plus, la profession s'est féminisée, les femmes représentant désormais 51,8 % des médecins en activité régulière.
Cependant, cette embellie globale masque de profondes disparités géographiques. Les régions périphériques, souvent rurales et vieillissantes, continuent de voir leurs effectifs médicaux diminuer. À l’inverse, les régions hospitalo-universitaires, comme l’Île-de-France ou Auvergne-Rhône-Alpes, enregistrent une hausse du nombre de médecins. Ces disparités exacerbent les inégalités d'accès aux soins, en particulier dans les départements peu peuplés.
Elle masque également la diminution continue de la proportion du nombre de médecins en activité régulière au cours des dernières années. En 2010, les actifs réguliers représentaient 92,8 % des médecins en activité, mais cette proportion est tombée à 83,9 % en 2024. Cette évolution signe un changement notable dans les modes d'exercice des médecins, avec une augmentation des praticiens intermittents et des retraités actifs. Bien que le nombre de médecins actifs réguliers ait augmenté légèrement de 0,8 % en 2023, ce taux de croissance est nettement inférieur à celui des autres catégories. Le poids des actifs réguliers diminue donc progressivement dans l’ensemble du corps médical.
La diminution continue des médecins généralistes
Depuis 2010, la proportion de médecins généralistes diminue régulièrement. Selon l'Atlas 2024, les généralistes représentaient 48 % de l’effectif médical en 2010, mais cette proportion est tombée à 42,7 % en 2024. Cette diminution s’est accompagnée d’une baisse de 2 % du nombre total de généralistes en activité durant cette période.
Ce déclin s'explique par plusieurs facteurs : la faible attractivité de la médecine générale pour les jeunes médecins, en raison des conditions de travail souvent plus exigeantes, et l’attrait grandissant pour des modes d’exercice salariés ou des spécialisations qui offrent des conditions plus stables. De plus, le départ à la retraite de nombreux médecins généralistes vieillissants aggrave cette tendance. Dans certaines régions, notamment rurales, cette situation accentue les déserts médicaux, où l’accès à un médecin généraliste devient de plus en plus difficile pour la population.
La hausse marquée des spécialistes médicaux et chirurgicaux
À l’inverse, les effectifs de médecins spécialisés continuent de croître. Les spécialistes médicaux représentent aujourd'hui 44,9 % des médecins en activité, contre 40,8 % en 2010. Leur effectif a ainsi augmenté de 21,1 % en quatorze ans. Cette tendance reflète l’évolution des besoins en soins de la population, marquée par un vieillissement généralisé et une augmentation des maladies chroniques nécessitant des soins spécialisés.
Les spécialités chirurgicales suivent une tendance similaire, avec une augmentation de 21,2 % sur la même période, bien que leur proportion au sein du corps médical reste stable (12,3 % en 2024 contre 11,2 % en 2010). Cette hausse est particulièrement visible dans les grandes régions hospitalo-universitaires, où ces spécialités sont davantage représentées.
Une répartition déséquilibrée des ressources médicales
Cette divergence entre les effectifs de généralistes et de spécialistes soulève des questions quant à la répartition des médecins en fonction des besoins de santé publique. En effet, bien que les spécialistes soient de plus en plus nombreux, la baisse du nombre de généralistes affecte directement le parcours de soins des patients, notamment en termes d'accès aux soins primaires. La médecine générale est souvent la porte d’entrée dans le système de soins, et une diminution continue de ces effectifs pourrait entraîner un engorgement des services spécialisés et hospitaliers.
Les chiffres révèlent également une concentration des médecins spécialisés dans les grandes villes et les régions hospitalo-universitaires, ce qui renforce les inégalités territoriales. Les régions périphériques, souvent sous-dotées, peinent à attirer à la fois des généralistes et des spécialistes, contribuant à l’émergence des déserts médicaux.
Les nouveaux modes d'exercice : vers une attractivité accrue du salariat
L'un des phénomènes marquants de cette décennie est l'évolution des modes d'exercice. En 2024, près de la moitié des médecins en activité régulière (48,7 %) optent pour le salariat, contre seulement 41,9 % en 2010. Cette tendance est particulièrement marquée chez les jeunes médecins, dont 58,2 % privilégient ce mode d'exercice. En revanche, les médecins âgés de 60 ans et plus restent majoritairement dans le secteur libéral.
Cette attractivité croissante du salariat s'explique par une recherche de stabilité, tant en termes de revenus que de conditions de travail. De plus, elle pourrait répondre à la demande d'un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, un besoin de plus en plus exprimé par les nouvelles générations.
Les inégalités territoriales, un enjeu majeur
Bien que l'on constate une hausse modeste du nombre de médecins, les disparités territoriales se creusent. L'Atlas 2024 met en évidence une « diagonale du vide », correspondant à une région allant du nord-est au sud-ouest de la France, où le nombre de médecins est particulièrement faible. Ce phénomène est accentué par le vieillissement des médecins dans ces zones, avec des départements comme l'Indre ou la Lozère, où l'âge moyen des médecins est parmi les plus élevés. À l'inverse, les régions de l'ouest, notamment la Loire-Atlantique et l'Ille-et-Vilaine, voient leurs effectifs rajeunir.
Cette situation pose un véritable problème pour l’accès aux soins, les territoires ruraux étant souvent délaissés. La désertification médicale reste un défi majeur, d’autant que la demande de soins ne cesse d’augmenter avec le vieillissement de la population, un phénomène particulièrement marqué dans ces zones.
Le vieillissement de la population : un défi pour le système de santé
La population française vieillit rapidement. En 2021, 26,6 % des Français avaient 60 ans ou plus, et cette proportion est appelée à croître. En parallèle, les besoins en soins des personnes âgées augmentent, notamment en raison de la prévalence plus forte de maladies chroniques dans cette tranche d'âge. Cependant, les projections démographiques de l’INSEE montrent un solde naturel en déclin, avec des naissances en baisse et une mortalité en hausse, rendant la tâche d’évaluer précisément les besoins en santé particulièrement difficile.
Ce vieillissement de la population coïncide avec celui des professionnels de santé eux-mêmes. La proportion de médecins de 60 ans et plus a augmenté de manière significative au cours des dernières années, atteignant 30,7 % en 2024. Ces médecins proches de la retraite risquent de quitter la profession sans être remplacés dans les zones déjà touchées par des pénuries.
Les médecins à diplômes étrangers, une solution aux déserts médicaux ?
Face à la difficulté de renouveler les effectifs, le recours aux médecins diplômés à l’étranger est souvent envisagé comme une solution potentielle pour combler les déficits dans les zones sous-dotées. Entre 2010 et 2024, l’effectif des médecins diplômés hors Union européenne a considérablement augmenté, représentant une part importante des nouvelles recrues dans certaines régions. Cependant, cette solution n’est pas sans poser des questions, notamment sur l’intégration de ces professionnels au sein du système de santé français et leur répartition territoriale, souvent plus concentrée dans les grandes agglomérations que dans les zones rurales.
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