Asalée en péril faute de financement
L’association Asalée, acteur incontournable de la prévention en santé primaire, se trouve aujourd'hui dans la panade. La décision de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie (Cnam) de mettre fin au financement des loyers des espaces de travail utilisés par les infirmières du programme suscite une vive inquiétude parmi les professionnels de santé et prive les patients de soins dont ils ont besoin.
Asalée : un modèle de prévention en santé
Fondé en 2004, Asalée (Action de santé libérale en équipe) illustre une collaboration réussie entre médecins généralistes et infirmières pour améliorer la qualité des soins et favoriser l'éducation thérapeutique des patients. À l'échelle nationale, Asalée implique une collaboration étroite entre environ 9 155 médecins et 2 080 infirmières, selon les données communiquées par l'association elle-même dans un courriel adressé à ses membres que le Concours Pluripro s’est procuré. Cette coopération concerne des protocoles de soins variés, incluant le suivi des patients pour le sevrage tabagique, la gestion du diabète et du pré-diabète, les risques cardiovasculaires, la BPCO, l'asthme, les troubles du sommeil, le repérage des troubles cognitifs, et l’accompagnement des enfants et adolescents en surpoids.
Asalée joue donc un rôle majeur dans l'amélioration de l'accès aux soins préventifs et dans l'optimisation du suivi des maladies chroniques, représentant un maillon essentiel de la stratégie de santé publique française. Son modèle de fonctionnement, basé sur une approche multidisciplinaire et intégrée au sein des structures de soins primaires, est un exemple de l'innovation en santé visant à répondre de manière efficace et adaptée aux besoins de la population.
Le financement d’Asalée : une crise annoncée
Le modèle financier d'Asalée repose largement sur le soutien de la Cnam, notamment pour le paiement des loyers des espaces dédiés aux infirmières dans les cabinets médicaux ou les maisons de santé.
En 2004, la charge financière liée à ces loyers était relativement faible car à cette époque, la majorité des médecins généralistes était propriétaire de leurs locaux professionnels et ne requéraient pas de soutien financier pour les loyers des infirmières Asalée. Mais depuis 2004, un nombre croissant de médecins exerçant en maisons de santé et ne possédant pas les murs de leur cabinet ont souhaité rejoindre le dispositif. Ce qui a eu pour conséquence d’augmenter significativement la charge financière assurée par la CNAM.
L'Assurance maladie, qui contribue à 95% du financement d'Asalée, a exprimé lors des négociations de la dernière convention en décembre 2022, sa décision de ne plus prendre en charge le financement des loyers. Elle justifie cette position en arguant que le paiement des loyers ne fait pas partie de ses missions principales. Face à cette décision, l'association Asalée, représentée par la médecin généraliste Isabelle Rambault-Amoros, maintient que la responsabilité du financement des loyers des employés ne devrait pas incomber aux infirmières ou aux médecins, soulignant ainsi la nécessité pour l'association de continuer à participer au financement de ces coûts opérationnels.
Des négos dans l’impasse
Depuis plusieurs mois, les négociations entre la CNAM et Asalée sont dans une impasse, créant une situation tendue et préoccupante pour l'association. Initialement, un comité de surveillance a été mis en place sous contrainte en 2021, mais son illégalité a été pointée du doigt par différents experts juridiques, ajoutant à la controverse. En outre, la CNAM a retiré les réserves financières d'Asalée, qui s'élevaient à 8 millions d'euros, réserves essentielles pour le paiement ponctuel des salaires et des fournisseurs. Depuis fin 2022, Asalée se voit également interdite de payer les loyers, exacerbant ses difficultés financières.
Le manque de cadre juridique depuis janvier 2023 et l'absence d'une évaluation promise par la CNAM sur l'efficacité d'Asalée ajoutent à l'incertitude. Une proposition d'avenant, faite le 31 juillet 2023 et modifiée le 30 août 2023, a été refusée par Asalée, car elle imposait des conditions jugées inacceptables sur l'organisation et le temps de travail des médecins, ainsi que sur les missions des infirmières. Malgré une rencontre avec des représentants de la CNAM et de la DSS le 15 décembre 2023 et une promesse de réponse sous huit jours, aucune proposition concrète n'a été reçue à ce jour.
Pour France3, Valérie, une infirmière Asalée, souligne l'escalade d'un rapport de force avec la CNAM, liée à des retards de paiement et à un financement inadapté à la croissance d'Asalée. Il y a deux ans, une convention avait établi le financement pour 1 200 équivalents temps plein, en reconnaissance du succès du dispositif. En 2024, Asalée dépasse les 1 600 temps plein sans que la nouvelle convention ne reflète cette expansion, le financement restant calé sur 1 200 temps plein. Cette situation conduit à des retards dans le versement des salaires, avec, au 4 mars, des employés n'ayant toujours pas été payés. Ces retards, devenus récurrents, posent un problème majeur pour la continuité du programme, selon Valérie.
« La CNAM ne paye plus les loyers. Elle estime que cela n'était pas explicite dans la précédente convention, et ne le renouvelle pas dans la nouvelle … Faute de paiement des loyers, certaines collègues ont dû trouver des missions Asalée ailleurs, et tout recommencer. Ce sont les patients les premiers pénalisés. »
Face à cette situation, Asalée a alerté par courriers recommandés le ministère de la Santé et le Premier ministre, restant toutefois sans réponse. L'association souligne l'importance cruciale de son rôle dans la crise des soins primaires, l'amélioration de l'accès aux soins, et sa contribution à l'innovation tant au niveau des protocoles que de l'organisation. Elle rappelle également son droit de salarier des infirmières praticiennes avancées et de passer des conventions avec diverses structures pour des actions de santé complémentaires. Dans ce contexte difficile, Asalée lance une campagne de communication active pour solliciter le soutien des autorités politiques et trouver des solutions à cette crise.
Réactions et mobilisations
Face à cette décision, la mobilisation ne s'est pas fait attendre. Les réseaux sociaux et les plateformes professionnelles ont été le théâtre d'expressions de soutien à Asalée.
La prévention sur toutes les lèvres des responsables de La santé mais on sacrifie un modèle pertinent dans l'éducation thérapeutique pour faire des soi disant économies! Aucune politique de santé à long terme par ce gvt qui gère à la petite semaine! Pathétique
— Fabienne Yvon (@fabienne_yvon) February 27, 2024
Nous sommes très préoccupés par le sort du dispositif Asalee,
— Collectif Santé en Danger (@sedatif) February 29, 2024
Voici le communiqué de presse du collectif santé en danger pic.twitter.com/e7JSIm571y
Malgré les appels à la discussion, les réponses des instances officielles restent, pour l'heure, en deçà des attentes, laissant planer une incertitude sur l'avenir immédiat du dispositif.
Dans ce contexte, la recherche de solutions alternatives devient impérative. Asalée explore notamment le soutien financier des collectivités territoriales, une piste prometteuse qui pourrait assurer une transition vers un modèle de financement plus diversifié. Cette approche nécessite cependant une mobilisation et une coordination sans faille de tous les acteurs concernés.
La prévention, la grande « ambition » du gouvernement
« Conformément à l'objectif fixé par le Président de la République, il s'agit de faire évoluer les pratiques professionnelles et notre culture collective pour passer d'un système français historiquement tourné vers le « tout curatif », à la mise en place d'une société de la prévention. La prévention doit être notre grande ambition pour les prochaines années » Aurélien Rousseau, ministre de la Santé, le 4 octobre 2023 lors du conseil des ministres
Il est fascinant de constater l'abîme qui sépare les discours enflammés du gouvernement sur la prévention santé, érigée en pilier de sa politique de santé publique, des réalités budgétaires imposées par la CNAM à Asalée. On ne peut qu'admirer la dextérité avec laquelle la CNAM, tel un prestidigitateur, fait disparaître les financements pour le maintien d'un dispositif salué de toutes parts pour son efficacité dans la prévention. En effet, à l'heure où les politiques de santé semblent être dictées par des slogans plus que par des actions concrètes, la réduction des financements d'Asalée par la CNAM s'apparente à un tour de magie dont on se serait bien passé. Qui aurait cru que la "priorité à la prévention" se traduirait par une telle prestidigitation budgétaire, laissant les acteurs de terrain dans l'incertitude la plus complète ? Cette situation pourrait presque prêter à sourire, si les conséquences n'étaient pas aussi dramatiquement réelles pour les professionnels de santé et, par extension, pour les patients eux-mêmes. Ainsi, sous le grand chapiteau de la santé publique française, le spectacle continue, entre déclarations grandiloquentes et réalités financières désenchantées.
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Jean-Maurice Parnet| 09/03/2024-