PPL Valletoux : les syndicats de médecins dénoncent une tartuferie et une resucée de la loi HPST
L’UFML-S, Médecins pour demain et Jeunes médecins n’ont pas tardé à réagir à l’agenda politique qui prévoit l’examen de la PPL Valletoux le 12 juin prochain. L’UFMLS y voit un tartuferie et une menace existentielle pour l’exercice libéral de la médecine, Médecins pour demain lance un appel à la grève le 9 juin prochain et Jeunes médecins sonne l'alarme.
Sur la forme, l’UFML-S dénonce une tartuferie
Guillaume Garot, député du Parti Socialiste, et Frédéric Valletoux, député Horizon ont élaboré deux propositions de loi qui, selon le Dr Marty, président de l’UFML-S pourraient fusionner via le truchement des amendements et représenter une entrave significative à l’exercice de la médecine libérale.
Pour l’UFML-S, ce texte aspire à instituer par la loi ce qui a été préalablement refusé lors des discussions conventionnelles, y compris le contrat d’engagement territorial (CET) et ses obligations déraisonnables. L’UFMLS dénonce d’abord une hypocrisie politique qui consiste à présente une PPL expurgée de toute coercition alors que les partis politiques auraient convenu de les remettre au cœur du débat parlementaire sous forme d’amendements. La PPL Valletoux ne représenterait donc qu’une version tronquée et dépouillée des futurs amendements, susceptible d’incorporer des sections entières de la PPL Garot, une initiative transpartisane contre les déserts médicaux, prônant la contrainte à l’installation.
Pour l’UFMS-S, cette loi symboliserait une NÉGATION du paritarisme et constituerait un VÉRITABLE PAS EN ARRIÈRE pour la médecine libérale.
Sur le fond, elle y voit une menace sérieuse contre l’exercice libéral de la médecine
L’intégration systématique des médecins dans les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) pourrait, selon le Dr Marty, mener à la fin du paiement à l’acte, la fragmentation de la profession et la soumission des médecins libéraux aux ARS et aux hôpitaux.
De plus, l’obligation de participer à la permanence des soins serait instaurée, quels que soient l’âge du médecin, ses problèmes personnels ou son niveau de fatigue, sans possibilité de repos compensateur.
D’autres mesures évoquées risquent d’entraver la relève médicale. L’accès au remplacement serait rendu plus difficile en raison de la suppression de l’intérim médical pour les jeunes médecins, et la liberté d’installation serait limitée par la mise en place d’un conventionnement sélectif. Il serait même instauré une obligation de préavis de six mois avant de pouvoir quitter un territoire en tension, où la présence de médecins est jugée insuffisante.
Enfin l’UFMLS dénonce le principe d’une démocratie sanitaire qui confierait désormais la responsabilité aux praticiens libéraux via le Conseil territorial de santé de résoudre les problèmes d’accès et d’organisation des soins au niveau territorial sans pour autant donner de nouveaux moyens permettant d’y répondre. Il note bien qu’à défaut de résultats, les Agences Régionales de Santé (ARS) seraient habilitées à intervenir et à imposer leurs propres mesures.
Face à ces enjeux, le Dr Marty incite ses confrères et consœurs à prendre leurs responsabilités. Il les exhorte à agir, non seulement pour eux-mêmes, mais également pour leurs prédécesseurs et successeurs dans la profession.
Pour lui, le seul moyen d’influencer la situation est de se mobiliser via l’action collective de déconventionnement, déjà suivie par plus de 2009 médecins. Il invite ainsi tous les professionnels de santé à se renseigner, à participer aux réunions organisées dans toute la France, et à prendre part à ce qu’il qualifie de « combat le plus important qu’ait jamais mené la médecine libérale ».
Médecins Pour Demain lance un appel à la grève le 9 juin
Le collectif Médecins Pour Demain se montre très critique à l’égard du projet de loi Valletoux, qu’il considère comme démagogique, sans lien avec les besoins réels des acteurs du soin.
« La proposition de loi de Valletoux, démagogique, sans aucun regard pour les besoins réels des acteurs du soin, ne vise que l’électorat de son parti, Horizon, et est soutenue par la majorité. Encore des aberrations contre-productives de politiques ! »
Médecin pour Demain résume la PPL Valletoux à 4 points essentiels :
- Article 1 : Responsabilité —Les professionnels de santé seront responsables de l’état de santé des territoires sans qu’on leur en donne les moyens.
- Article 3 : CPTS — Adhésion obligatoire aux CPTS si conventionnés, pour les médecins de toutes spécialités.
- Article 4 : PDSA — Participation obligatoire à la PDSA, pour les médecins de toutes spécialités.
- Article 7 : Intérim — Interdiction d’intérim aux jeunes médecins.
Face à cette situation, Médecins Pour Demain rappelle la nécessité absolue d’investir massivement dans la médecine de proximité, au risque de faire tomber la dernière digue qui empêche l’hôpital de se noyer. Devant ce nouveau coup porté à l’indépendance et à l’attractivité du métier de médecin, le syndicat a appelé à une grève le 9 juin 2023, avant le passage du projet de loi à l’Assemblée Nationale la semaine du 12 juin.
Interrogé par Legeneraliste, le Dr Luc Duquesnel, à la tête des Généralistes-CSMF, se dit préoccupé par la PPL Valletoux et ses potentiels amendements. Il attend une réunion intersyndicale pour déterminer la participation de la CSMF. Les syndicats FMF et SML envisagent également de discuter de leur implication dans un éventuel mouvement de fermeture des cabinets médicaux.
Une resucée de la loi HPST sans progrès significatifs selon Jeunes Médecins
Selon Jeunes Médecins, la proposition de loi Valletoux serait une redite de la loi HPST, introduisant des modifications dans la gouvernance hospitalière, la réorganisation des organes de démocratie sanitaire et de nouvelles obligations pour les médecins. Tout cela, sans une revalorisation financière du travail médical ou une simplification administrative. L’organisation s’inquiète que cette proposition de loi, tout comme la loi HPST, change tout sans apporter de véritables solutions.
Ils soulignent l’obligation faite aux praticiens libéraux d’assurer la permanence des soins, sans prendre en compte la fragilité et la saturation de l’activité libérale. De plus, ils pointent du doigt l’inaction face à l’épuisement professionnel des médecins généralistes, dont 45 % seraient en burn-out, sans pour autant alléger leur charge de travail.
Une approche qui manque d’ambition et de vision
La PPL Valletoux, selon Jeunes Médecins, manque d’ambition par rapport à la loi HPST. Ils soulignent que Valletoux, député et ancien chef de la Fédération des hôpitaux de France (FHF) de 2011 à 2022, n’a pas réussi à changer le système malgré sa position. De même, ils notent son soutien au Ségur de la Santé, un accord qui a mobilisé 30 milliards d’euros pour l’hôpital sans réussir à sauver le système de santé.
Ils soulignent également que la proposition de loi sera probablement votée le mois prochain, tout en incorporant de nouvelles obligations et mesures contraignantes par le biais d’amendements. Ils craignent que cette approche ne contourne la démocratie sociale et n’impose par la loi des mesures qui devraient être discutées avec les syndicats lors des négociations conventionnelles.
Le cri d’alarme de Jeunes Médecins
Face à cette situation, Jeunes Médecins appelle à une mobilisation. Ils estiment que la PPL Valletoux ne résoudra pas les problèmes du système de santé et pourrait même accélérer sa détérioration. L’organisation met en garde contre le fait de demander davantage à ceux qui sont déjà à bout de forces, et appelle la jeune génération, qui sera la plus touchée, à se mobiliser.
Dans leur livre blanc, Jeunes Médecins propose plusieurs alternatives, comme la refonte des ordonnances Debré, la redéfinition des missions des établissements de santé publics et privés, des statuts de praticiens de second recours plus flexibles et un investissement majeur dans la médecine de premier recours.
Bien que la PPL Valletoux vise à remodeler le système de santé, Jeunes Médecins se montre sceptique quant à son efficacité. Ils mettent en lumière la nécessité d’une refonte plus profonde, d’une vision plus ambitieuse et d’une approche qui prenne en compte les besoins réels des professionnels de santé. Selon eux, la loi ne devrait pas être une contrainte supplémentaire, mais un levier pour une meilleure prise en charge des patients et un meilleur environnement de travail pour les professionnels de santé. L’organisation espère que son cri d’alarme sera entendu et que la jeune génération de médecins se mobilisera pour porter cette vision.
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