Revenu des médecins libéraux en France : évolutions et disparités (2017-2021)

Revenu des médecins libéraux en France : évolutions et disparités (2017-2021) Entre 2017 et 2021, le revenu moyen des médecins libéraux a légèrement augmenté pour atteindre 124 000 euros annuels en 2021. Cependant, cette moyenne masque de profondes disparités liées à la spécialité, à l’ancienneté d’installation, au secteur de conventionnement et au genre. Cette analyse, fondée sur les données publiées par la DREES, explore en détail les dynamiques économiques de cette profession au cours de cette période marquée par la pandémie de COVID-19.

Une hausse globale, mais bien en dessous des attentes

En 2021, le revenu moyen des médecins libéraux, incluant ceux exerçant une activité mixte (libérale et salariée), s’établit à 124 000 euros par an, soit environ 10 000 euros par mois. Cette hausse annuelle moyenne de 0,6 % en euros constants sur la période 2017-2021 est bien inférieure à celle enregistrée entre 2014 et 2017 ( 1,9 % par an).

Ce ralentissement reflète une conjoncture particulière, marquée par une inflation plus forte et les perturbations liées à la pandémie de COVID-19. À titre de comparaison, les médecins généralistes (98 300 euros) restent en dessous des spécialistes (153 300 euros), avec des revenus parmi les plus élevés pour les radiothérapeutes (417 500 euros) et les plus faibles pour les pédiatres (88 400 euros).

Des écarts frappants selon les spécialités et le genre

Radiothérapeutes vs pédiatres : deux mondes à part
La spécialité est un facteur déterminant des revenus. Alors que les radiothérapeutes atteignent en moyenne 417 500 euros, d’autres comme les psychiatres (92 800 euros) et les pédiatres (88 400 euros) se situent au bas de l’échelle. Ces écarts illustrent des différences dans la tarification des actes et la demande en soins.

Des inégalités persistantes entre hommes et femmes
Le genre joue également un rôle important : les femmes médecins libérales perçoivent en moyenne 90 000 euros, contre 148 000 euros pour leurs confrères masculins. Cette disparité reflète des écarts dans les spécialités choisies, le temps d’exercice ou encore la prévalence des temps partiels chez les femmes.

Secteur 1 et secteur 2 : des conventions qui façonnent les revenus

Une prime pour les dépassements d’honoraires ?
Les médecins du secteur 2, qui peuvent pratiquer des dépassements d’honoraires, gagnent en moyenne 149 100 euros par an, soit 30 % de plus que leurs homologues du secteur 1 (115 100 euros). Ces écarts sont particulièrement marqués pour des spécialités comme la chirurgie, où la différence peut atteindre 60 000 euros.

Revenus moyens par spécialité et par secteur en 2021

SpécialitéRevenu activité - Ensemble (euros)Revenu activité - Secteur 1 (euros)Revenu activité - Secteur 2 (euros)
Radiothérapeutes 417 400 405 300 486 600
Radiologues 283 300 287 900 226 600
Spécialités de plateau médico-technique 228 700 234 100 211 900
Médecins nucléaires 212 600 216 100 202 900
Anesthésistes-réanimateurs 191 700 178 300 201 200
Ophtalmologistes 191 900 150 100 213 500
Oncologues médicaux 187 000 181 800 202 000
Spécialités chirurgicales 178 300 162 200 181 700
Cardiologues 163 000 164 700 158 000
Spécialités médico-chirurgicales 150 000 124 800 161 900
Gastro-entérologues 149 000 149 300 148 600
Oto-rhino-laryngologistes 133 100 125 700 136 400
Pneumologues 129 800 135 500 111 000
Autres spécialistes 114 900 128 100 97 200
Gynécologues-obstétriciens 117 600 96 700 126 600
Omnipraticiens 98 300 98 800 88 600
Dermatologues 96 800 90 100 105 400
Psychiatres et neuropsychiatres 92 700 93 600 91 600
Rhumatologues 92 100 90 100 93 700
Pédiatres 88 300 86 800 90 100

Cependant, cette dynamique est en perte de vitesse. Les revenus des médecins en secteur 2 ont baissé de 0,3 % par an entre 2017 et 2021, en partie en raison d’une adhésion croissante à l’option pratique tarifaire maîtrisée (Optam), qui limite les dépassements.

Taux de croissance annuel des revenus (2017-2021)

SpécialitéCroissance Secteur 1 (%)Croissance Secteur 2 (%)
Omnipraticiens 0.5 1.9
Anesthésistes-réanimateurs -1.5 -4.5
Cardiologues 0.6 1.0
Dermatologues 0.7 1.3
Gastro-entérologues 0.5 1.0
Oncologues médicaux 0.4 1.8
Pédiatres 0.4 0.7
Pneumologues 0.5 0.9
Psychiatres et neuropsychiatres -0.1 -0.5
Rhumatologues -0.2 -0.5
Autres spécialistes 0.4 0.7
Gynécologues-obstétriciens 0.5 -0.4
Ophtalmologistes 0.7 1.5
Oto-rhino-laryngologistes 0.3 0.5
Spécialités chirurgicales 0.8 -0.4
Anatomo-cyto-pathologistes 1.0 2.0
Médecins nucléaires 0.3 -0.1
Radiologues 0.4 0.6
Radiothérapeutes -0.3 0.4

 

Jeunes médecins et femmes : les défis d’une nouvelle génération

Les nouveaux installés en difficulté

Les médecins installés depuis moins de 10 ans ont vu leur revenu moyen chuter de 2,8 % par an en euros constants entre 2017 et 2021. Ces jeunes praticiens, souvent confrontés à des charges élevées et à un temps d’activité réduit, peinent à rivaliser avec leurs aînés, dont les revenus ont augmenté de 2,6 % par an pour ceux installés depuis 10 à 29 ans.

Raisons des écarts pour les jeunes médecins : 

  1. Moins d’expérience et moins de clientèle fidélisée

    Les jeunes médecins commencent souvent leur carrière avec un réseau de patients moins développé. Il leur faut du temps pour construire une patientèle stable, ce qui impacte directement leur volume d’activité et leurs revenus.
  2. Charges élevées en début d’installation

    Les coûts d’installation (achat ou location de cabinet, équipement médical, etc.) pèsent lourdement sur les revenus nets des nouveaux installés. Cela réduit leur capacité à dégager un bénéfice important dans les premières années.
  3. Temps d’activité plus réduit

    En début de carrière, les médecins peuvent limiter leur temps de travail pour s’adapter à de nouvelles responsabilités ou contraintes (formations complémentaires, adaptation à l’exercice libéral, etc.), ce qui limite les revenus.
  4. Exercice en secteur 1 pour la majorité

    Les jeunes médecins sont souvent majoritairement installés en secteur 1, soumis aux tarifs conventionnels, tandis que les médecins plus âgés ont plus de chances d'exercer en secteur 2, avec des dépassements d’honoraires.
  5. Effets de la crise sanitaire

    Pendant la pandémie de COVID-19, les médecins récemment installés ont été plus durement touchés par la réduction d’activité et les annulations de consultations, impactant leurs revenus moyens.

Une féminisation croissante, mais à quel prix ?

En moyenne, les femmes médecins gagnent 39 % de moins que leurs homologues masculins. En 2021, le revenu moyen des femmes médecins libérales s’élevait à 90 000 euros, contre 148 000 euros pour les hommes, selon les données de la DREES.

Cette différence s’explique principalement pour les raisons suivantes :

  1. Choix des spécialités moins rémunératrices

    Les femmes sont sur-représentées dans certaines spécialités moins bien rémunérées comme la pédiatrie ou la psychiatrie, tandis que les spécialités techniques et mieux rémunérées (chirurgie, anesthésie, radiologie) comptent une plus faible proportion de femmes.
  2. Temps partiel et interruptions de carrière

    Les femmes médecins travaillent souvent à temps partiel ou interrompent temporairement leur carrière pour des raisons familiales (maternité, soins aux enfants ou aux proches), ce qui réduit leur volume d’activité et donc leurs revenus annuels.
  3. Effet plafond de verre

    Les femmes médecins peuvent rencontrer des barrières sociales ou organisationnelles limitant leur accès à des postes ou des structures mieux rémunérées (directions de cliniques privées, postes prestigieux en SEL).
  4. Moins de recours aux dépassements d’honoraires

    Même en secteur 2, les femmes médecins ont tendance à pratiquer des dépassements d’honoraires moins élevés que leurs homologues masculins, en partie pour répondre à une demande sociale ou maintenir l’accessibilité des soins.
  5. Contexte historique et évolution lente

    La féminisation de la profession est récente et en pleine croissance. Les femmes médecins sont sur-représentées parmi les générations plus jeunes (installées depuis moins de 10 ans), ce qui combine les effets négatifs des écarts de genre et de l’ancienneté.

 

La croissance du taux de féminisation à 42 % en 2021, combinée à ces écarts de revenus, explique pourquoi l’augmentation globale des revenus moyens de la profession est plus modérée.

Une révolution silencieuse : l’émergence des SEL

Les sociétés d’exercice libéral (SEL) transforment le paysage économique des médecins libéraux. En 2021, 13,6 % des médecins exerçaient dans ce cadre, contre seulement 4,3 % en 2017. Ces structures, qui permettent de se rémunérer par dividendes, sont particulièrement prisées des radiologues (62,3 %) et des anesthésistes (34,9 %). Les médecins déjà en SEL depuis 2017 ont vu leurs revenus augmenter de 3,5 % par an.

En effet, les sociétés d’exercice libéral (SEL) permettent aux médecins de mieux gérer leur activité grâce à une optimisation fiscale et organisationnelle. En exerçant en SEL, un praticien peut se rémunérer à la fois sous forme de salaire, soumis aux cotisations sociales, et de dividendes, généralement moins taxés. Cette flexibilité permet de réduire les prélèvements obligatoires et d’augmenter les revenus nets. Par ailleurs, la structure juridique d’une SEL protège le patrimoine personnel des médecins en cas de difficultés financières, en séparant biens personnels et professionnels.

Ce mode d’exercice est particulièrement avantageux pour les spécialités nécessitant des investissements coûteux, comme la radiologie, la chirurgie ou l’anesthésie, où il facilite l’amortissement des charges. Cette structure est également prisée pour sa capacité à mutualiser les ressources et à faciliter la transmission progressive de l’activité, rendant l’exercice libéral plus attractif et flexible.

 

Définitions et méthodologie de l’étude de la DREES

L’étude réalisée par la DREES repose sur des données exhaustives issues de l’appariement entre plusieurs sources :

  • Les informations relatives à l’activité des médecins proviennent de la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM).
  • Les données sur les revenus déclarés ont été collectées auprès de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).

Champ de l’étude

  • Médecins conventionnés, âgés de 70 ans ou moins, exerçant en France métropolitaine et dans les DROM.
  • Sont inclus les médecins ayant déclaré au moins un euro de revenu libéral ou salarié. Les remplaçants et ceux ayant démarré leur activité en 2021 sont exclus.

Définitions clés

  • Revenu libéral : revenu tiré des honoraires après déduction des charges.
  • Revenu d’activité total : somme du revenu libéral et d’un éventuel revenu salarié.
  • Secteurs de conventionnement :
    • Secteur 1 : médecins appliquant les tarifs conventionnels.
    • Secteur 2 : médecins autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires.

Cette étude inclut également des particularités telles que la société d’exercice libéral (SEL), permettant à certains praticiens de percevoir des dividendes, et des dispositifs comme l’Optam, visant à maîtriser les dépassements d’honoraires. Les évolutions de revenus sont exprimées en euros constants, corrigées de l’inflation.

 

Analyse des écarts avec les données de la CARMF

Revenus selon la CARMF : un écart significatif
Les chiffres de la DREES sont souvent comparés à ceux publiés par la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), qui se base sur les bénéfices non commerciaux (BNC) déclarés par les médecins pour le calcul des cotisations sociales. En 2021, la CARMF indique les chiffres suivants :

  • 80 844 euros de BNC moyen pour les généralistes.
  • 114 237 euros de BNC moyen pour les spécialistes.

Ces données sont nettement inférieures à celles de la DREES (98 300 euros pour les généralistes et 153 300 euros pour les spécialistes).

Pourquoi ces écarts entre DREES et CARMF ?

Différences méthodologiques
Les écarts s’expliquent par plusieurs différences méthodologiques importantes entre les deux sources :

  1. Revenus pris en compte :

    • La DREES intègre à la fois les revenus libéraux (BNC) et les éventuelles rémunérations salariales. Elle inclut également les dividendes issus des sociétés d’exercice libéral (SEL), qui représentent une part croissante des revenus pour certaines spécialités.
    • La CARMF, en revanche, ne prend en compte que les BNC, excluant ainsi les revenus salariés et les dividendes. Cela peut expliquer une grande partie des écarts.
  2. Périmètre des médecins analysés :

    • La DREES considère l’ensemble des médecins libéraux conventionnés, y compris ceux exerçant en secteur mixte.
    • La CARMF se concentre sur les praticiens libéraux affiliés, excluant potentiellement certains médecins qui auraient déclaré des revenus faibles ou atypiques.
  3. Impact des dispositifs exceptionnels :

    • En 2021, la DREES prend en compte l’impact du Dispositif d’indemnisation de perte d’activité (DIPA), mis en place durant la crise sanitaire. Les sommes versées au titre de ce dispositif peuvent gonfler artificiellement les revenus déclarés pour cette année.
    • La CARMF n’inclut pas ces versements dans le calcul des BNC, ce qui peut contribuer à des chiffres plus bas.
  4. Secteurs de conventionnement :

    • La DREES fournit des données consolidées sur les revenus des secteurs 1 et 2, tandis que la CARMF se focalise davantage sur le secteur 1, où les revenus sont globalement inférieurs.

Pourquoi ces écarts importent ?

Conséquences sur l’analyse économique et sociale
Ces divergences de chiffres reflètent des réalités économiques différentes selon l’angle d’analyse.

  • Les données de la DREES offrent une vision complète et globale des revenus des médecins libéraux, incluant toutes les sources de revenus possibles (libéral, salarié, dividendes). Elles sont utiles pour des analyses politiques et sociales visant à évaluer les inégalités ou l’impact de certaines réformes (comme l’Optam ou les SEL).
  • Les chiffres de la CARMF, plus spécifiques au revenu libéral pur (BNC), sont pertinents pour des analyses liées à la retraite, aux cotisations sociales et à la santé financière des praticiens en exercice libéral.

 

 

Une photographie contrastée de la profession médicale

Entre stagnation des revenus globaux, disparités marquées entre spécialités et générations, et transformations structurelles comme les SEL et l’Optam, l’étude de la DREES révèle les multiples réalités économiques des médecins libéraux. Ces tendances soulèvent des questions sur l’équilibre entre attractivité de la profession et équité.

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