La sécurité sociale au bord du gouffre selon la Cour des comptes
Sous le poids d’une dette colossale et de déficits croissants, la sécurité sociale française se dirige vers une impasse dès 2028, alerte la Cour des comptes. Tandis que les solutions actuelles peinent à enrayer cette descente, le besoin de réformes ambitieuses se fait criant.
La cour des comptes, gardienne d’un système à bout de souffle
Gardienne des finances publiques, la Cour des comptes revient chaque année sur l’état de santé financière de la sécurité sociale. Et en 2024, son diagnostic est sans appel : « 2024 est une année de rupture dans la résorption du déficit de la sécurité sociale depuis le pic atteint en 2020 lors de la crise sanitaire », avertissent les rapporteurs.
Cette année, le déficit atteindra 18 milliards d’euros, soit 7 milliards de plus que prévu initialement. Derrière ce chiffre se cache un déséquilibre chronique, un « effet ciseaux » entre des recettes en chute libre et des dépenses galopantes. Les branches maladie et vieillesse concentrent à elles seules l’essentiel du problème.
Des recettes sous pression
L’économie française, comme figée dans un hiver sans fin, voit sa consommation intérieure stagner, privant la sécurité sociale de son souffle vital. Selon la Cour, « la croissance en 2024 s’est fondée sur une reprise des exportations alors que la demande intérieure, et notamment la consommation, est restée atone ». Cela a réduit les recettes issues de la TVA, dont 28 % alimentent les finances de la sécurité sociale, de 2,2 milliards d’euros.
Autre source de faiblesse : le marché de l’emploi. Malgré un contexte de reprise post-pandémie, la masse salariale du secteur privé progresse moins vite qu’espéré, entraînant un manque à gagner de 2,9 milliards d’euros en cotisations sociales. Enfin, les taxes sur les alcools et tabacs déçoivent également, pesant sur les recettes.
Des dépenses incontrôlées
Mais si les recettes flanchent, les dépenses, elles, galopent à un rythme effréné, creusant davantage le gouffre budgétaire. La branche maladie reste la principale coupable : les dépenses de soins de ville ont dépassé les prévisions de 0,8 milliard d’euros en 2024, notamment chez les spécialistes et via les indemnités journalières.
Le poids des décisions passées aggrave encore la situation. Les hausses de salaires issues du Ségur de la santé pèsent à hauteur de 12 milliards d’euros par an. Et l’activité hospitalière, bien que dynamique ( 4,3 % au premier semestre 2024), contribue à alourdir la facture, tout comme les réformes nécessaires pour améliorer l’attractivité des métiers de la santé.
Des réformes urgentes mais jugées insuffisantes
Face à ce constat alarmant, le gouvernement propose, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2025, un arsenal de mesures. Parmi celles-ci : le report de six mois de la revalorisation des pensions de retraite, une révision des exonérations sociales et une hausse des cotisations des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Ces réformes devraient permettre de limiter le déficit à 16 milliards d’euros en 2025, contre une projection sans action de 28,4 milliards.
Pourtant, la Cour des comptes reste sceptique. « La trajectoire financière pour la période 2025-2028 se dégrade continûment », note-t-elle, soulignant que les mesures envisagées ne suffiront pas à stabiliser durablement les comptes. En 2028, le déficit atteindra encore 19,9 milliards d’euros, avec une dette sociale accumulée proche de 100 milliards.
Vers un horizon incertain : quelles solutions ?
Derrière cette accumulation de déficits se cache une bombe à retardement : la saturation de la caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui fermera ses portes en 2024. La Cour prévient : prolonger la Cades ne ferait que repousser le problème sur les générations futures, sans résoudre les déséquilibres structurels du système.
Pour sortir de l’impasse, la Cour des comptes appelle à des mesures plus ambitieuses. Elle insiste sur la nécessité d’un pilotage rigoureux des dépenses, notamment dans la branche maladie, et d’une réorganisation des dépenses hospitalières. Une maîtrise accrue des coûts, couplée à une réforme des recettes sociales, pourrait offrir une piste pour endiguer cette spirale déficitaire.
Cependant, de telles réformes nécessitent un courage politique souvent difficile à mobiliser. Oser des réformes structurelles, c’est poser la question du financement de notre modèle social et, in fine, de sa soutenabilité.
Entre urgence et ambition
La sécurité sociale, pilier de la solidarité française, vacille sous le poids des déficits. Si le PLFSS 2025 apporte des réponses ponctuelles, il ne s’attaque pas aux racines du mal. Comme le souligne la Cour des comptes, « seule une réforme structurelle ambitieuse, intégrant des efforts soutenus et durables, permettra de stabiliser les finances sociales ».
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