2017 : enfin une embellie pour les professionnels libéraux de santé ?
Nouveau contexte politique, évolution des mentalités et des attentes des patients, émergence des nouvelles technologies… L’environnement des Professionnels Libéraux de Santé (PLS) n’a cessé d’évoluer depuis le lancement du SCAN, en 2011. Pourtant, l’année 2017 semble bien marquer le début d’un retournement de tendance, avec les trois indicateurs-clés du « climat général » à la hausse.
Fiers de leur métier et de la liberté d’exercice dont ils jouissent, les professionnels interrogés accueillent favorablement les mesures annoncées dans le cadre du PLFSS* en discussion à l’époque de l’enquête, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur perception de la situation de leur profession. Mais, confrontés aux évolutions en cours de notre système de santé, ils semblent se sentir menacés par les progrès technologiques, susceptibles d’alimenter un « empowerment » des patients à leur détriment, et nombreuses encore sont leurs réticences face au développement de la e-santé.
CLIMAT : L’ANNÉE DU RETOURNEMENT DE TENDANCE ?
Depuis la création de l’Observatoire CMV Médiforce des Professions Libérales de Santé, sont suivis chaque année trois indicateurs de « climat », qui permettent de saisir les évolutions du sentiment général des PLS face aux évolutions de leur environnement : leur vision de la situation actuelle et future de leur profession, ainsi que prosélytisme. Concernant ces trois indicateurs historiques du SCAN, l’année 2017 pourrait bien être celle du retournement de tendance. En effet, après leur baisse continue sur les premières éditions de l’Observatoire, un mouvement stoppé il y a deux ans et suivi l’an dernier d’un frémissement à la hausse, la tendance à l’embellie se confirme bel et bien cette année. Notons toutefois que cette évolution à la hausse ne parvient pas à compenser la chute des années passées. Cette septième édition révèle ainsi une amélioration de la vision des PLS quant à la situation actuelle de leur profession, avec une note moyenne générale de 5,2 sur 10. Concernant cet indicateur-clé, deux professions se distinguent particulièrement : les chirurgiens-dentistes, qui attribuent la plus mauvaise note (4,3/10) et, à l’opposé, les vétérinaires, beaucoup plus positifs avec une note de 5,9 sur 10.La vision du futur de leur profession s’éclaircit également pour les PLS interrogés. Ainsi, la note moyenne générale progresse elle aussi, passant cette année à
4,4 sur 10. Une évolution qui s’explique par le fait que, excepté chez les kinésithérapeutes- ostéopathes, les visions très pessimistes de l’avenir de sa profession reculent pour tous les PLS depuis deux ou trois ans. Si l’on observe plus précisément les notes attribuées cette année, on retrouve là encore les deux mêmes professions qui s’opposent : quand les chirurgiens-dentistes attribuent à nouveau la plus mauvaise note (3,6/10), les vétérinaires s’accordent quant à eux sur une vision plus optimiste, avec une note de 5,5 sur 10.
Troisième indicateur-phare du climat : le prosélytisme. Pour celui-ci également, on remarque que le frémissement à la hausse se confirme. Les professionnels sondés sont ainsi, cette année encore, 53 % à déclarer leur intention de recommander à un jeune d’exercer sa profession en libéral. On note toutefois des disparités selon les professions : si les kinésithérapeutes-ostéopathes apparaissent les plus enclins au prosélytisme (65 %), suivis de près par les vétérinaires (64 %) et les infirmiers (63 %), à l’opposé seuls 35 % des biologistes le feraient
DES CHANGEMENTS POLITIQUES PERÇUS FAVORABLEMENT
Parmi les raisons invoquées spontanément par les Professionnels Libéraux de Santé de ne pas recommander l’exercice de leur profession en libéral à un jeune, figurent en bonne place le sentiment d’un manque de considération par les pouvoirs publics, mais aussi une grande incertitude sur l’avenir du caractère libéral de leur activité, qui leur semble menacé par des réglementations hostiles. Avec le changement de gouvernement et une certaine volonté de rupture affichée face aux politiques antérieures, CMV Médiforce a souhaité mesurer l’accueil que les PLS faisaient à la nouvelle politique engagée. Ainsi, au moment où l’enquête a été réalisée, en novembre dernier, la « feuille de route » du ministère de la santé prévoyait un certain nombre de réformes, dont certaines étaient intégrées dans le Projet de Loi de Financement pour la Sécurité Sociale, en discussion à l’époque. Les interviewés devaient donc indiquer s’ils étaient ou non favorables à 11 d’entre elles, qui les concernaient directement ou indirectement en tant que Professionnels Libéraux de Santé.
A la lecture de leurs réponses, force est de constater que le contexte politique semble favorable aux PLS : sur les onze mesures proposées, sept remportent les faveurs de plus de 70 % des professionnels interrogés, et seule l’une d’entre elles, « Un Tiers-Payant généralisable courant 2018 » ne recueille pas la majorité des suffrages. Si l’on analyse plus précisément leurs retours, on constate, logiquement, que ce sont les mesures qui manifestent un soutien explicite aux libéraux de santé qui disposent des plus forts scores d’avis « très favorables » : l’instauration de mesures destinées à compenser les effets de la hausse de la CSG de 1,7 point (53 % d’avis « très favorables », et 84 % de « total favorables »), et le transfert de la gestion du Régime Social des Indépendants (RSI) au régime général de la Sécurité Sociale le 1er janvier 2018 (40 % d’avis « très favorables » et 72 % de « total favorables »). Les politiques affichées pour lutter contre le phénomène de désertification médicale - la poursuite de l’incitation à l’installation de jeunes (87 % de « total favorables ») et la politique volontaire de soutien au développement des Maisons de Santé Pluridisciplinaires (79 % de « total favorables ») - sont également très bien accueillies.
Score plus étonnant, la « suppression du numerus clausus pour augmenter le nombre d’étudiants en médecine » ne remporte pas tous les suffrages, loin de là, puisque cette mesure arrive à l’avant-dernière place avec seulement 58 % de « total favorables », les médecins généralistes y étant les plus réticents (seuls 39 % de favorables). On constate également que les mesures dites « de santé publique » sont diversement appréciées par les PLS : si la hausse du prix du paquet de cigarettes reçoit un accueil très favorable (seuls 19 % des PLS interrogés y sont opposés), le fait de rendre 11 vaccins obligatoires pour les enfants passe moins bien (28 % des professionnels interrogés le désapprouvent).
De même, les mesures en faveur du pouvoir d’achat des patients sont accueillies différemment selon les professions. Ainsi, « l’objectif d’un remboursement à 100 % des soins dentaires, d’optique et d’audioprothèse d’ici 2022 », figurant au 3ème rang des « total favorables », est bien perçue par les PLS, mais on constate de larges écarts à la moyenne : si les infirmiers et les pharmaciens plébiscitent la mesure à 92 et 91 %, à l’inverse les chirurgiens-dentistes ne sont que 38 % à y être favorables…
Il est également intéressant de souligner le lien existant entre le « climat » et l’accueil favorable (ou non) des mesures gouvernementales annoncées. En effet, plus le professionnel libéral de santé interrogé est favorable à un grand nombre de mesures politiques envisagées, moins il est négatif quant à la situation de sa profession et plus il sera enclin à en recommander l’exercice en libéral à un jeune.
DES ÉVOLUTIONS DU SYSTÈME DE SANTÉ PLUS OU MOINS SOUHAITABLES…
En 2017, le « Cercle Vivienne », think tank indépendant regroupant des acteurs spécialistes des questions de santé et de protection sociale, a édité un livre intitulé « Aux grands mots les grands remèdes ». Celui-ci décrit 5 scénarios pour notre système de santé français, chacun retraçant des évolutions souvent déjà à l’œuvre, en les poussant à leurs extrêmes. En voici leur description :
> L’irrésistible extension du pouvoir de l’Etat : Au nom de la solidarité et de l’accessibilité de tous aux soins, l’Etat renforce ses interventions sur le système de santé (couverture, populations concernées, financement, gestion des dépenses).
> Le marché gère le risque : L’Etat limite ses interventions directes dans le champ de la protection sociale et transfère de plus en plus au « privé » un certain nombre de prises en charge considérées comme non centrales.
> La prise de pouvoir des militants : Via le développement des réseaux sociaux et des technologies de l’information, on assiste à la montée en puissance de communautés de patients et à l’intervention de « citoyens » de plus en plus informés dans le système de santé (notation des professionnels, prescription « pair à pair », promotion virale de médecines alternatives…
> Un Léviathan prend le pouvoir : Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, un ou plusieurs acteurs économiques mondiaux offrent à tous, en échange de leurs données de santé, des services de diagnostics et de prévention hyper performants et à coûts faibles, contournant ainsi tous les acteurs habituels du système.
>Le Tout local : De véritables collaborations locales entre élus, citoyens et acteurs locaux de la santé (professionnels de santé, associations, municipalités, …), permettent de trouver des solutions locales performantes car adaptées à la situation du territoire et non pas ‘standardisées nationalement.
CMV Médiforce s’en est inspiré pour élaborer, dans le cadre de cette 7ème édition de l’Observatoire, une question destinée à mieux comprendre comment les Professionnels Libéraux de Santé envisageaient les futurs possibles (et souhaitables…) de notre système de santé. Tout d’abord, ils étaient invités à indiquer si, selon eux, chacun de ces scénarios était déjà en cours, probable ou improbable. Puis, dans un second temps, si ces grandes évolutions étaient pour eux souhaitables ou non souhaitables. Premier enseignement, qui ravira sans doute les auteurs de ces scénarios : aucun d’entre eux n’a été jugé improbable par la grande majorité des interviewés.
Ensuite, si l’on étudie les réponses des PLS quant au caractère souhaitable ou non souhaitable de chacun de ces scénarios, les réponses varient alors de façon beaucoup plus tranchée. Ainsi, si l’on s’attache aux résultats obtenus en prenant en compte les réponses données par l’ensemble des interviewés quelle que soit leur profession, on observe que le scénario du « Tout local » arrive largement en tête des futurs souhaitables, avec un score moyen de 87 %. Celui de « L’irrésistible extension du pouvoir de l’Etat » recueille quant à lui 72 % des souhaits. A l’opposé, « Le marché gère le risque » est rejeté par 65 % des interviewés. De même, les deux scénarios s’appuyant sur les potentialités des évolutions technologiques, « La prise de pouvoir des patients militants » et « Un Léviathan prend le pouvoir », sont rejetés par respectivement 67 % et 65 % des professionnels libéraux de santé.
Remarque importante : on constate que plus le nombre d’évolutions jugées souhaitables est élevé, plus on a une vision positive de la situation (actuelle comme future) de sa profession, et plus on est enclin au prosélytisme.
… ET DES FREINS « CULTURELS » QUI DEMEURENT FACE AU DÉVELOPPEMENT DE LA E-SANTÉ
La e-santé se définit comme « l’application des technologies de l’information et de la communication à l’ensemble des activités en rapport avec la santé ». Les réponses des PLS aux questions afférentes à cette thématique révèlent une réelle diffusion des pratiques numériques au quotidien. Ainsi, plus de 75 % des sondés indiquent que, régulièrement ou de temps en temps, ils recherchent des informations de santé sur internet, communiquent par courrier électronique avec d’autres professionnels de santé, ou encore suivent des formations en ligne. Du côté des pratiques moins « banalisées », entre 5 et 6 PLS sur 10 disent utiliser des outils d’aide au diagnostic, communiquer par e-mail avec leurs patients ou encore échanger avec d’autres professionnels de santé sur les réseaux sociaux. A l’opposé, les objets connectés semblent moins prisés par les professionnels interviewés, qu’il s’agisse d’en prescrire l’usage ou de les utiliser eux-mêmes pour le suivi de leurs patients. Ces deux propositions arrivent en effet en avant-dernière et dernière place du classement des pratiques des PLS interrogés. On note également que, du fait de leur métier, les radiologues et les biologistes se révèlent relativement plus utilisateurs du numérique de façon générale.
Pourtant, un quart seulement des interviewés déclare que la e-santé, dans leur cabinet ou officine, « c’est déjà présent ». Un tiers d’entre eux indique même que « c’est plutôt lointain ». Lorsqu’il s’agit de répondre pour leur profession en général, ces scores évoluent et passent respectivement à 37 % et 17 %, montrant que, conscients de la tendance en cours, les PLS interrogés s’estiment pourtant un peu en retard face aux évolutions de leur profession.
Mais alors, quelles sont les principales raisons pour lesquelles ces professionnels se montrent réticents face au développement de la e-santé ? En premier lieu, 66 % des interviewés indiquent que « les possibilités offertes par la e-santé ne sont pas adaptées à leurs patients, qui sont peu équipés eux-mêmes ». C’est une raison particulièrement avancée par les infirmiers (87 %), mais beaucoup moins par les radiologues (51 %) et les biologistes (47 %). Puis est cité le fait que « les technologies posent des problèmes de sécurité des données personnelles et de préservation du secret médical » (63 %), les généralistes étant les seuls à l’affirmer plus que la moyenne (75 %).
Autre raison avancée, « mon métier est avant tout un métier de contact, je ne vois pas ce que les technologies de e-santé m’apporteraient » (56 %). Là, ce sont les généralistes (69%) et les vétérinaires (70 %) qui le soulignent le plus, à l’opposé des radiologues (32 %) et des biologistes (30 %).
À propos de l’Observatoire CMV Médiforce des Professions Libérales de Santé :
CMV Médiforce a créé en 2011 le premier Observatoire dédié aux Professions Libérales de Santé. Dans le cadre de cette 7ème édition, CMV Médiforce et l’institut Vision & Talents ont réalisé,du 27 octobre au 17 novembre 2017, une enquête quantitative auprès de 483 Professionnels Libéraux de Santé, répartis en 8 professions : biologistes, chirurgiens-dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes-ostéopathes, médecins généralistes, pharmaciens, radiologues, vétérinaires.
À propos de CMV Médiforce :
CMV Médiforce est une société du groupe BNP Paribas, qui propose depuis plus de 40 ans des solutionsde financements réservées aux Professionnels Libéraux de Santé. Depuis le 1er janvier 2018, BNP ParibasLeasing Solutions est devenu l’unique actionnaire de CMV Médiforce. Présents dans toute la France, les collaborateurs de CMV Médiforce accompagnent les PLS pendant toute la durée de leur parcours professionnel : installation, acquisition de matériel, développement d’activité.
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