Propagation de foyers épileptiques : les mécanismes élucidés
L'équipe Inserm de Yehezkel Ben-Ari (Institut de Neurobiologie de la Méditerranée, Inserm) vient d'apporter la première confirmation expérimentale d'un concept majeur dans le domaine de l'épilepsie : l'orage électrique déclenché par une crise importante peut se propager vers d'autres zones cérébrales et les transformer en foyers autonomes ; de fait, de nouvelles crises envahissent alors les régions cérébrales interconnectées. Utilisant une nouvelle préparation in vitro, les chercheurs ont pu étudier les conditions nécessaires et suffisantes pour transformer un circuit sain en réseau épileptique. Parmi les propriétés du tissu épileptique, on observe une transformation des synapses à GABA – acide gamma amino-butyrique : principal neurotransmetteur inhibiteur– qui deviennent excitatrices entraînant un changement radical du fonctionnement du circuit. En permettant de distinguer les propriétés des crises pathogènes par rapport aux crises bénignes, cette découverte pourrait avoir des retombées sur le plan clinique, notamment chez l'enfant. Ces travaux sont publiés dans la dernière édition de Nature Neuroscience.
18 novembre 2003
L'équipe Inserm de Yehezkel Ben-Ari (Institut de Neurobiologie de la Méditerranée, Inserm) vient d'apporter la première confirmation expérimentale d'un concept majeur dans le domaine de l'épilepsie : l'orage électrique déclenché par une crise importante peut se propager vers d'autres zones cérébrales et les transformer en foyers autonomes ; de fait, de nouvelles crises envahissent alors les régions cérébrales interconnectées. Utilisant une nouvelle préparation in vitro, les chercheurs ont pu étudier les conditions nécessaires et suffisantes pour transformer un circuit sain en réseau épileptique. Parmi les propriétés du tissu épileptique, on observe une transformation des synapses à GABA – acide gamma amino-butyrique : principal neurotransmetteur inhibiteur– qui deviennent excitatrices entraînant un changement radical du fonctionnement du circuit. En permettant de distinguer les propriétés des crises pathogènes par rapport aux crises bénignes, cette découverte pourrait avoir des retombées sur le plan clinique, notamment chez l'enfant. Ces travaux sont publiés dans la dernière édition de Nature Neuroscience.
Depuis plusieurs décennies, un paradoxe taraude les spécialistes de l'épilepsie. Chez l'adulte, les crises ne génèrent pas de foyers secondaires, même après des années d'évolution, et la chirurgie reste efficace. En revanche, chez l'enfant, des structures cérébrales " naïves " ne générant aucune crise épileptique peuvent se transformer en foyers épileptiques si elles sont connectées à des zones distantes ayant subi une activité paroxystique. Dans ces cas, les chances de succès de la chirurgie sont faibles.
Faute de préparation expérimentale adéquate, ce paradoxe n'avait jamais été résolu, et son mécanisme restait inexpliqué.
Un outil de recherche performant dédié à la compréhension de l'épilepsie
Grâce à un système in vitro spécifique, les chercheurs de l'Inserm apportent aujourd'hui de nouveaux éléments de réponse. Ce système, doté de trois chambres séparées qui maintiennent en survie artificielle deux structures cérébrales intactes, ainsi que les fibres nerveuses qui les connectent, leur permet en effet de perfuser chaque compartiment indépendamment les uns des autres.
Les chercheurs de l'Inserm et leur collègue américain ont choisi comme objet d'étude deux hippocampes** provenant l'un de l'hémisphère droit et l'autre du gauche, et la commissure qui les relie. Dans quelles conditions une crise survenant dans l'un des hippocampes se propage-t-elle dans l'autre et y génère un foyer dit " en miroir " ?
** hippocampe : structure sous-corticale impliquée dans la mémoire, sensible aux crises épileptiques chez l'homme.
Pour répondre à cette question, Yehezkel Ben-Ari et ses collègues ont tout d'abord perfusé le compartiment contenant l'un des hippocampes à l'aide d'un agent qui génère des crises (l'acide kainique). Du fait de la séparation des compartiments, cet agent est incapable de diffuser vers les fibres ou l'autre hippocampe. Le déclenchement, de cette manière, d'une seule crise ne produit aucun effet délétère dans l'hippocampe opposé. En revanche, la survenue de 6 à 10 crises détériore le tissu " naïf " ; celui-ci est à l'origine de crises même lorsque le transfert d'informations via les fibres commissurales est bloqué dans la chambre intermédiaire. Ces crises se manifestent soit spontanément, soit en présence d'un agent qui provoque la convulsion, et ce pendant des durées prolongées.
Les auteurs ont mis en évidence une autre condition nécessaire à la formation d'un foyer en miroir : la crise initiale doit être associée à une activité électrique à haute fréquence. Les crises bénignes, à basses fréquences, ne transforment pas le tissu naïf en un nouveau foyer.
Le GABA et ses propriétés variables
Quid des mécanismes neurochimiques expliquant la transformation du tissu naïf ? Comment ses neurones, inhibiteurs en temps normal, deviennent-ils spontanément excitateurs ?
Pour le savoir, les chercheurs ont enregistré les courants ioniques générés par l'activation des récepteurs et notamment par le GABA, le principal transmetteur inhibiteur du cerveau. Ils ont observé que la formation d'un foyer en miroir s'accompagne d'un changement radical du fonctionnement des synapses à GABA. En effet, le canal GABA qui est perméable au chlore, devient dans le tissu épileptique excitateur –et n'exerce plus d'effets inhibiteurs- car il y a une accumulation importante du chlore intracellulaire. La conséquence est que le gradient du chlore est inversé –le chlore va sortir et non plus entrer dans la cellule pendant l'activation du récepteur GABA- et le GABA exerce des effets excitateurs. Le GABA va donc participer à la genèse de crises.
Désormais validé, ce modèle expérimental devrait se révéler un outil de choix pour développer de nouveaux agents anti-épileptiques et des stratégies cliniques plus adaptées selon que le patient est un enfant ou un adulte. Les implications de ce travail sont particulièrement importantes chez l'enfant et le nouveau-né, bien plus menacés par les crises et la formation de foyers multiples. En effet, on peut avec cette approche enfin déterminer les composantes pathogènes des crises et tester de nouveaux médicaments potentiels dans des conditions idéales les produits candidats étant testé sur les crises générés dans l'autre hémisphère.
Pour en savoir plus :
"In vitro formation of a secondary epileptogenic mirror focus by interhippocampal propagation of seizures" Ilgam Khlilov (1), Gregory L. Holmes (2), Yehezkel Ben-Ari (1)
1 = INMED-Unité Inserm 29, Marseille,
2 = Dartmouth médical School, le banon, New-Hampshire, USA. Nature Neuroscience, volume 6, number 10, pp. 1079-1085, oct 2003.
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