François Bayrou annonce un Pacte contre les déserts médicaux

François Bayrou annonce un Pacte contre les déserts médicaux Face aux inégalités persistantes d'accès aux soins, François Bayrou annonce la mise en place d'un « pacte » impliquant médecins, paramédicaux et centres de santé. Ce plan entend diversifier les leviers d'action sans imposer de régulation stricte de l'installation des praticiens. Les modalités précises du financement et de l'organisation de ce dispositif restent toutefois à préciser.

Une solidarité imposée aux médecins : 1 à 2 jours de consultations par mois en désert médical

La mesure phare du pacte repose sur une nouvelle exigence envers la profession : "Les médecins ont une obligation de fraternité", a déclaré François Bayrou. Chaque médecin exerçant dans un territoire bien pourvu devra consacrer un ou deux jours par mois à des consultations dans les zones les plus en difficulté. Cette solidarité prendra la forme de consultations avancées et reposera sur plusieurs volets :

  • Une solidarité obligatoire dans les territoires prioritaires, identifiés par les ARS en lien avec les préfets et les élus locaux. Les médecins des territoires voisins devront s'organiser collectivement pour assurer une continuité d'exercice en médecine de premier recours, avec des plannings définis à l'avance sur le modèle de la permanence des soins. Les médecins pourront se faire remplacer dans leur cabinet principal pour remplir cette mission.

  • Une extension progressive de la mission à l'ensemble des zones sous-denses au-delà des seules zones les plus prioritaires et du seul champ du premier recours.

  • Un renforcement de la permanence des soins (soirs, nuits et week-ends), en rappelant que près de 47 % des médecins de ville s'engagent déjà à assurer des gardes couvrant environ 97 % du territoire. Des consignes seront données pour identifier les zones non couvertes et, si nécessaire, recourir plus automatiquement à la réquisition de médecins.

En complément, un nouveau statut de "praticien territorial de médecine ambulatoire" sera proposé aux jeunes médecins en début de carrière souhaitant s'installer dans les zones dites "rouges". Cet engagement, d'une durée minimale de deux ans, donnera droit à une garantie de revenu et une exonération des obligations de solidarité territoriale. Ce statut n'ouvrira pas l'accès au secteur 2.

Par ailleurs, la solidarité territoriale sera également soutenue par les établissements de santé, qui déploieront des consultations de spécialistes "hors les murs" vers les territoires en tension. Les ARS auront pour mission de lever les freins administratifs pour faciliter ces déploiements, en concertation avec les élus locaux et les collectivités territoriales.

Cette stratégie est présentée par le gouvernement comme une alternative politique à la régulation à l'installation défendue par la proposition de loi du député Guillaume Garot, préférant l'engagement volontaire encadré à une contrainte administrative plus stricte.

Pacte contre les déserts médicaux vs proposition de loi Garot : deux stratégies divergentes

Alors que la proposition de loi de Guillaume Garot défend une régulation ferme de l'installation des médecins, imposant des quotas ou conditionnant l'installation en zones surdotées, le gouvernement fait le choix d'un modèle fondé sur l'engagement et la solidarité organisée. Plutôt que d'interdire aux médecins de s'installer librement, le pacte prévoit de les mobiliser ponctuellement pour assurer des consultations dans les zones sous-dotées. Il s'agit d'une réponse politique visant à éviter un affrontement direct avec la profession tout en affichant une action rapide face à l'urgence territoriale. Cette option soulève néanmoins des interrogations sur sa capacité à produire des résultats concrets sans outils de contrainte véritable.

Autres mesures concernant les médecins : formation, organisation des cabinets et simplification administrative

Déploiement d'assistants médicaux aux missions élargies

Dans le cadre du renforcement de l'organisation des cabinets médicaux, le gouvernement prévoit de déployer 15 000 assistants médicaux d'ici 2028. Le développement de ces postes passera par la levée des freins actuels, notamment en matière de capacité de formation. Par ailleurs, leurs missions seront élargies : en plus de la préparation administrative des consultations, les assistants médicaux pourront réaliser certains actes du quotidien pour mieux soutenir l'activité clinique des médecins.

Suppression des certificats médicaux sans fondement

Dans la continuité de la rationalisation administrative, le gouvernement entend supprimer les certificats médicaux sans base juridique ou médicale. Une instruction interministérielle sera publiée en mai 2025 pour encadrer cette évolution, et la CNAM sera chargée d'en assurer le suivi. Cette mesure vise à alléger la charge bureaucratique pesant sur les médecins et à recentrer leur activité sur les soins effectifs.

Réforme de la formation médicale

Le gouvernement prévoit également la diversification des profils recrutés, l'ouverture de premières années de santé dans chaque département dès 2026, et des stages obligatoires en zones sous-dotées. Le volume d'étudiants en santé augmentera de 20 % d'ici 2030.

Encadrement des activités esthétiques

Les actes esthétiques réalisés par les médecins généralistes conventionnés seront plafonnés à 10 % de leur chiffre d'affaires, afin de recentrer leur activité sur le soin de premier recours.

Étendue de l'accès direct aux professions paramédicales

Pour renforcer l'accès aux soins primaires, le gouvernement prévoit d'étendre l'accès direct et de développer de nouveaux actes pour plusieurs professions paramédicales. Désormais, les patients pourront consulter directement certains professionnels, sans passer par la case médecin dans plusieurs situations :

  • Les pharmaciens pourront renouveler et ajuster certaines prescriptions pour les affections saisonnières simples ou les maladies chroniques stabilisées.

  • Les orthophonistes auront un accès direct pour réaliser des bilans de langage et engager des rééducations précoces.

  • Les audioprothésistes pourront adapter les dispositifs auditifs sans prescription systématique.

  • Les kinésithérapeutes pourront effectuer des bilans et démarrer des actes de rééducation fonctionnelle en accès direct dans le cadre d'une organisation territoriale coordonnée.

Par ailleurs, certaines compétences seront élargies :

  • Les orthophonistes pourront réaliser des aspirations endotrachéales et bénéficieront du déploiement de la Plateforme Prévention Soins Orthophonie (PPSO) pour structurer la réponse aux besoins.

  • Les audioprothésistes seront habilités à procéder au retrait de bouchons auriculaires.

  • Les pédicures-podologues pourront effectuer des retraits de verrues à l'azote.

  • La liste des prescriptions possibles par les kinésithérapeutes sera actualisée.

  • L'expérimentation d'un accès direct aux kinésithérapeutes dans les CPTS de 20 départements, prévue par la loi Rist de 2023, débutera en juin 2025.

  • Les ergothérapeutes et les professionnels de l'appareillage verront leur exercice facilité.

  • La future réforme de la profession infirmière permettra aux infirmiers de prendre en charge directement certaines plaies et d'assurer des consultations de prévention ou d'éducation en santé.

S'agissant des infirmiers la réforme de la profession prévoit de leur confier de nouvelles responsabilités. Ils pourront assurer directement la prise en charge de certaines plaies simples et réaliser des consultations de prévention ou d'éducation en santé. Cette évolution s'inscrit dans une volonté de mobiliser pleinement les compétences infirmières pour renforcer la continuité et la proximité des soins dans les territoires.

Infirmiers en pratique avancée : un rôle pivot élargi

Les infirmiers en pratique avancée (IPA) pourront diagnostiquer, prescrire des examens, réaliser des primo-prescriptions et ajuster des traitements, contribuant à renforcer l'offre de soins primaires au sein des CPTS.

Que pourra faire un infirmier en pratique avancée demain ?

  • Diagnostiquer certaines pathologies courantes

  • Prescrire des examens complémentaires

  • Réaliser des primo-prescriptions

  • Renouveler et ajuster des traitements

  • Assurer le suivi clinique des pathologies stabilisées

  • Orienter vers un médecin en cas de situation complexe

Étudiants en santé : encourager l'installation en zones sous-dotées

Le plan prévoit un accompagnement renforcé via des logements clés en main et un guichet numérique unique pour faciliter l'installation des jeunes professionnels dans les territoires en tension.

Centres de santé : des leviers de proximité renforcés

Le gouvernement prévoit de consolider 650 centres de santé, structures clés pour l'accès aux soins primaires. Ces centres salarient médecins et paramédicaux, assurent la continuité des soins, développent des actions de prévention et accueillent des étudiants en stage. Leur financement sera pérennisé pour élargir leur champ d'intervention, notamment dans les zones prioritaires.

Évaluation et suivi trimestriel

Un tableau de bord public sera actualisé tous les trois mois avec des indicateurs clés : nombre de patients en ALD suivis par un médecin traitant, consultations en zones sous-dotées, délais d'accès aux spécialistes et déploiement des assistants médicaux.

Le gouvernement ambitionne de générer jusqu'à 50 millions de consultations supplémentaires par an grâce à cet ensemble de mesures. 

 

Un pacte sans pactisants

Après le « conclave » des retraites, voici le « pacte » contre les déserts médicaux : le gouvernement semble avoir trouvé dans le lexique religieux une source intarissable pour habiller ses décisions politiques. Mais si l’apparat est soigné, le fond reste décevant : aucun véritable dialogue, aucune co-construction avec les professionnels concernés. Plus qu’un pacte, c’est une injonction en robe de bure. Face à l’ampleur du problème, la méthode laisse songeur : sans concertation, sans moyens clairs, sans élan collectif véritable, il faudra bien plus qu’un serment ou une proclamation pour inverser la tendance.
À ce rythme, la solution tiendra moins de la politique publique que du miracle ; il serait peut-être prudent d’allumer quelques cierges dès maintenant.

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