Désorganisation, harcèlement et gouvernance arbitraire sapent le moral des médecins hospitaliers
Une souffrance d’abord exprimée par les femmes
En 2020, 57 déclarations ont pu être analysées dont une large majorité, 63 %, ont été faites par du personnel féminin. 83 % des déclarants travaillaient à plein temps avec une durée médiane de travail de 48 heures hebdomadaires. 37 % travaillaient dans un CHU, 61 % dans un CH et 2 % dans établissement public de santé mentale. L’âge médian des déclarants était de 53 ans et un tiers d’entre eux était eux-mêmes chefs de service. Si 25 spécialités différentes ont déclaré leur souffrance, on retrouve en tête de triste palmarès l’anesthésie-réanimation, la médecine d’urgences, la biologie et la gynéco-obstétrique.
Une souffrance vive associée à des troubles du sommeil et de l’alimentation
Le niveau de souffrance sur une échelle de 1 à 10 a été autoévalué à 8 par les médecins hospitaliers. 58 % d’entre eux se sentaient même en danger de façon imminente.
Cette souffrance n’est pas sans conséquence sur la santé des médecins. 86 % d’entre eux évoquent des troubles du sommeil, 66 %, des troubles anxio-dépressifs (avec nécessité d’un traitement anxiolytique ou antidépresseur dans 30 % des cas) et des troubles alimentaires dans 37 % des cas. La souffrance avait entrainé un arrêt de travail de plus de 2 semaines dans 32 % des cas. La vie personnelle était également impactée. 28 % des médecins déclarent des difficultés dans leur vie de couple couple et 21 % témoignent que leur souffrance au travail a également des conséquences sur leur relation avec leurs enfants. 7 % ont des idées suicidaires, 9 % déclarent des addictions (60 % à l’alcool, 20 % aux tranquillisants, 20 % aux antalgiques). 19 % ont déclaré avoir subi un traumatisme psychologique.
Harcèlement, management arbitraire et désorganisation
La souffrance exprimée par les médecins hospitaliers est souvent multifactorielle. Le harcèlement moral et une gouvernance arbitraire (51 %), une désorganisation grave et chronique du service (46 %), des déficits en personnels médicaux (44 %) sont les 3 causes les plus fréquemment déclarées. 39 % déclarent une surcharge émotionnelle, 26 % mentionnent la désorganisation liée à la crise sanitaire et 16 % une insuffisance de moyens de protection individuels face au risque de contamination du coronavirus.
APH décrit de façon précise les origines des suspicions de harcèlement moral. 34 % auraient pour origine la direction de l’établissement, 34 % la hiérarchie médicale, 31 % un collègue de même spécialité ou de même statut (17 %) et 10 % un infirmier.
Ce harcèlement se traduisait par des attitudes de mépris (83 %), des dévalorisations implicites et sournoises (79 %), des déconsidérations en public (72 %), une dévalorisation explicite du travail (55 %), un isolement et une mise à l’écart du groupe (55 %), des menaces verbales (48 %), un refus de toute communication (38 %), des insultes en public (21 %), des menaces physiques (7 %), des agressions physiques (3 %).
La moitié des déclarants sans médecin traitant
Pour remédier à leur souffrance, les médecins cherchent d’abord une échappatoire : 25 % cherchent une mutation et 40 % envisagent de poser leur démission.
61 % d’entre eux recherchent du soutien auprès de la médecine du travail (61 %), d’un psychologue (42 %) ou de la CME (39 %) ou d’un collègue (37 %).
La sollicitation du médecin traitant n’avait été réalisée que dans 33 % des cas, le CDOM dans 23 % des cas, un avocat dans 19 %, l’ARS 14 %, le CNG 7 % des cas.
L’Observatoire de la souffrance au Travail d’APH est un outil d’appréciation et d’écoute de la souffrance au travail des médecins et pharmaciens hospitaliers. Il a pour objet d’évaluer les difficultés liées à la réorganisation des services hospitaliers induites par les fermetures des lits, le manque de personnel et la crise sanitaire.
Descripteur MESH : Médecins , Harcèlement , Moral , Travail , Médecins hospitaliers , France , Troubles du sommeil , Santé , Vie , Sommeil , Médecine , Temps , Services hospitaliers , Pharmaciens , Obstétrique , Médecine du travail , Biologie , Mutation , Tête , Santé mentale , Communication , Lits , Risque , Réanimation , Tranquillisants , Coronavirus , Face