L’Assurance-maladie vise 1,5 milliard d’économies pour 2025 malgré l'incertitude politique
L’Assurance-maladie a présenté son plan de maîtrise des dépenses de santé pour 2025, visant à économiser 1,56 milliard d’euros. Ce plan, détaillé dans le rapport annuel "Charges et produits", repose sur plusieurs mesures clés, notamment la lutte contre la fraude, la régulation des indemnités journalières (IJ) et une utilisation plus efficace des médicaments, en mettant l'accent sur les biosimilaires. Ces propositions devraient être intégrées dans le prochain Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS) discuté cet automne.
Thèmes | Economies visées (en millions d’euros) |
---|---|
Parcours pathologie et populationnel | 80 |
Pertinence et efficience des soins | 1060 |
Actes | 150 |
Médicaments | 425 |
Listes de produits et prestations | 70 |
Biologie | 100 |
Transport | 110 |
Prestations en espèces | 205 |
Contrôles et lutte contre les fraudes | 420 |
Actes | 190 |
Médicaments | 35 |
Listes de produits et prestations | 40 |
Transport | 50 |
Prestations en espèces | 75 |
Autres | 30 |
Total général | 1560 |
Optimisation des soins et renforcement des contrôles
Les économies prévues se concentrent principalement sur l’amélioration de l’efficience et de la pertinence des soins, avec une économie espérée de 1,06 milliard d’euros. Cette optimisation inclut des initiatives pour une meilleure prise en charge des pathologies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète et les troubles de santé mentale. L'Assurance-maladie prévoit également de renforcer la lutte contre les fraudes et les abus, avec une économie de 420 millions d’euros. Pour cela, elle a recruté 60 cyber-enquêteurs pour traquer les fraudes en ligne et mettra en place des formulaires Cerfa d’arrêts de travail infalsifiables dès juin 2025.
Utilisation accrue des biosimilaires pour réduire les coûts
Une part significative des économies, soit 425 millions d’euros, proviendra d’un usage plus judicieux des médicaments. L'Assurance-maladie cible un taux de pénétration de 80 % des biosimilaires, permettant une économie de 90 millions d’euros. Elle encourage également l'utilisation des médicaments hybrides et la rationalisation des prescriptions de médicaments courants tels que les antibiotiques, les antidiabétiques et les antalgiques. La nouvelle convention médicale, signée en juin avec les syndicats de médecins libéraux, inclut des dispositifs incitatifs pour soutenir ces efforts.
Régulation des indemnités journalières et des actes médicaux
La régulation des indemnités journalières (IJ) constitue un autre axe majeur du plan, avec une économie prévue de 205 millions d’euros. L’objectif est de ralentir la croissance des jours d’arrêts de travail indemnisés de 2 % par an. Un nouveau programme, SOS IJ, sera déployé début 2025 pour aider les médecins à mieux gérer les renouvellements d’IJ et les demandes excessives d’arrêts de travail de certains patients. Par ailleurs, des économies de 150 millions d’euros sont attendues sur les actes médicaux, notamment en réduisant les imageries redondantes ou inutiles. Des discussions sont en cours avec les radiologues et les biologistes pour définir de nouveaux protocoles visant à diminuer ces dépenses.
Lutte contre la fraude : des mesures intensifiées
La lutte contre la fraude est un pilier essentiel du plan d’économies, avec des attentes de 420 millions d’euros d’économies. L'Assurance-maladie va renforcer les télétransmissions sécurisées et utiliser de nouveaux outils pour détecter les fraudes sur internet et les réseaux sociaux. Les contrôles des centres de santé, de radiologie et d’orthodontie seront intensifiés. De plus, un nouveau formulaire Cerfa d’arrêt de travail, infalsifiable, sera obligatoire dès juin 2025. Ces mesures visent à sécuriser les paiements des prestations et à réduire les fraudes liées aux cartes Vitale.
Amélioration des parcours de soins et réduction des hospitalisations évitables
Le plan inclut également des mesures pour améliorer les parcours de soins des patients souffrant de maladies chroniques, avec une économie attendue de 80 millions d’euros. L'Assurance-maladie prévoit de réduire de 30 % les hospitalisations potentiellement évitables sur quatre ans.
En 2017, la DRESS estimait que 265 000 hospitalisations dues à des pathologies chroniques auraient pu être évitées, représentant ainsi un séjour hospitalier en médecine sur quarante. Près de la moitié de ces hospitalisations évitables étaient liées à une insuffisance cardiaque. Parmi les personnes hospitalisées de manière évitable, quatre sur cinq avaient 65 ans ou plus, et une sur trois avait 85 ans ou plus. Les hospitalisations potentiellement évitables (HPE) concernent souvent les mêmes patients : 26 % des individus touchés en 2017 avaient déjà vécu un tel événement au cours des cinq années précédentes, et 14 % ont connu plusieurs HPE cette même année.
Promotion des transports partagés et de la téléconsultation
Une feuille de route pluriannuelle pour maîtriser les dépenses de transports des patients sera mise en place, avec un objectif d’économie de 50 millions d’euros. La promotion du transport partagé et l'homogénéisation des prescriptions sont des leviers clés. Par ailleurs, l’Assurance-maladie souhaite lancer des Assises de la téléconsultation pour redéfinir le rôle des plateformes de téléconsultation en complément de l’offre de soins existante, en vue d’améliorer la qualité et la pertinence des prescriptions.
Frédéric Bizard, économiste de la santé, critique sévèrement les propositions de l’Assurance Maladie pour 2025, les qualifiant de "grand vide". Selon lui, le rapport "Charges & Produits 2025" reflète l'impuissance des pouvoirs publics face à la crise du système de santé et de l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO).
Le déficit projeté pour 2025 s'élève à 11,4 milliards d’euros, après un déficit de 11,1 milliards d’euros en 2024, une situation inédite en dehors des périodes de crise exceptionnelle. Pour tenter de contrôler ce déficit, la CNAM propose des économies de 1,6 milliard d’euros, réparties ainsi : 70 % par la réduction des prix des produits et services, 25 % par la lutte contre les fraudes, et seulement 5 % par l'optimisation des parcours des Affections de Longue Durée (ALD).
F. Bizard souligne que bien que les ALD représentent 80 % de la croissance des dépenses de santé remboursées, elles ne constituent que 5 % des mesures de maîtrise proposées. Il critique l’approche comptable de la CNAM, qui privilégie des solutions simplistes comme la réduction des coûts, déjà responsables de la création de déserts médicaux et de pénuries de produits de santé.
Il note également une absence de réflexion stratégique dans le rapport, qualifiant les 30 propositions de maîtrises des dépenses de "vides". À titre d’exemple, il cite la "Proposition 25", qui suggère la mise en place d'un service « SOS IJ » pour aider les médecins dans des situations complexes d’arrêt de travail, et la "Proposition 26" visant à réduire les hospitalisations potentiellement évitables (HPE) par la diffusion d’indicateurs et l’accompagnement des acteurs de santé.
Pour l'économiste, ce rapport est un reflet d’une gouvernance défaillante, incapable de diagnostiquer ou de remédier à la crise actuelle autrement qu’en transférant la responsabilité sur les soignants et les patients.
Si le plan d’économies de l’Assurance-maladie pour 2025 affiche des ambitions louables de redressement financier, il convient de ne pas éluder les implications humaines et sociales de telles mesures. Les économies attendues sur les actes médicaux et les indemnités journalières posent la question de l’impact sur la qualité des soins et la relation patient-médecin. Par ailleurs, la pression accrue sur les professionnels de santé, notamment à travers des contrôles renforcés et des objectifs de réduction des prescriptions, pourrait exacerber les tensions dans un secteur déjà sous forte pression. En visant une efficience accrue, le risque est de basculer dans une approche trop comptable qui pourrait négliger les besoins individuels des patients et les spécificités des pratiques médicales. La véritable réussite de ce plan résidera dans sa capacité à équilibrer rigueur financière et maintien d’un haut niveau de soins pour tous.
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