PPL Valletoux : la régulation de l’activité médicale, l’engagement territorial et la coercition à l’installation à nouveau l’agenda législatif
Frédéric Valletoux, ancien président de la FHF et député du groupe Horizons dirigé par Édouard Philippe, a déposé un nouveau projet de loi visant à améliorer l’accès aux soins des Français. Il sera soutenu par la majorité présidentielle et débattu à l’Assemblée nationale le 12 juin prochain.
Ce projet est une nouvelle version de la PPL défendue initialement par Thomas Mesnier qui proposait des mesures coercitives à l’installation des médecins censées régler les problèmes posés par les déserts médicaux. Le texte reprend également l’esprit du Contrat d’Engagement Territorial que le gouvernement avait cherché à imposer via la convention médicale.
Si le texte est vendu comme plus consensuel et présentable aux yeux des syndicats de médecins libéraux, dans les faits il réglemente encore un peu plus l’activité des médecins par la mise en place d’une nouvelle gouvernance locale et de nouvelles obligations et contraintes qui sont perçues par les syndicats comme une menace directe et existentielle contre l’exercice libéral de la médecine.
Le territoire, nouvel échelon de la démocratie sanitaire ?
Le Territoire de santé, déjà établi dans le code de la santé publique, est désormais placé comme l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé. Le Conseil territorial de santé (CTS), organe de gouvernance, a la responsabilité de définir et de mettre en œuvre le Projet territorial de santé qui définit l’accès et la permanence des soins sur chaque territoire en veillant notamment à l’équilibre territorial de l’offre. C’est aussi lui qui peut, si nécessaire, revoir les limites actuelles des territoires de santé, en concertation avec l’Agence régionale de santé (ARS), en suivant des frontières qui ne sont pas forcément administratives.
Les professionnels de santé, par l’intermédiaire du CTS, s’organisent pour atteindre les objectifs d’organisation des soins. En cas d’échec, l’ARS, après consultation du CTS, pourra mettre en place des mesures pour améliorer l’accès aux soins. Le CTS se positionne également comme l’organe de démocratie sanitaire du territoire, où tous les acteurs, y compris les usagers, sont représentés. Cette initiative s’aligne avec la volonté exprimée par le Président de la République de pérenniser la démarche du Conseil national de la refondation (CNR) — Santé dans les territoires.
Pour faire vivre cette démocratie sanitaire, l’article 3 propose le rattachement systématique de tous les professionnels de santé aux Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui sont censées jouer un rôle essentiel dans la coopération entre les soignants et dans les projets de soins partagés. Les professionnels pourront néanmoins quitter les CPTS dans des conditions qui devront être fixées par arrêté ministériel.
Participation obligatoire à la permanence des soins pour tous
L’article 4 vise à garantir la participation obligatoire à la permanence des soins pour tous tant en médecine de ville qu’à l’hôpital. Il précise le rôle de tous les établissements de santé et donne la possibilité au Directeur général de l’Agence régionale de santé d’appeler les établissements de santé publics et privés à contribuer à la permanence des soins hospitalière. Associé à la loi Rist qui pose déjà la responsabilité collective » des professionnels de santé pour assurer la permanence des soins, ce nouveau texte permet au législateur de garantir au public un accès aux soins non programmé quitte à user de la contrainte.
L’article 5 élargit le Contrat d’Engagement de service public (CESP) à tous les étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie dès la 2e année du 1er cycle des études de santé. Ce contrat prévoit une allocation mensuelle pour ces étudiants en échange d’un engagement à exercer pendant au moins 2 ans sur un territoire donné après la fin de leur formation.
L’article 6 propose de donner une personnalité morale aux Groupements hospitaliers de territoire (GHT), ce qui reflète une maturité de coopération entre eux. Il donne également au Conseil de surveillance le pouvoir de voter sur le budget des établissements publics de santé, impliquant davantage les parties prenantes dans la gouvernance hospitalière.
L’article 7 interdit l’intérim médical à tous les professionnels, médicaux et paramédicaux, en début de carrière et l’article 8 permet le contrôle des cliniques privées et de leurs sociétés satellites par les juridictions financières et les organismes de contrôle administratif.
Facilitation de l’exercice des médecins étrangers en France
L’article 9 vise à faciliter l’exercice des médecins étrangers, les Praticiens Diplômés hors de l’Union Européenne (PADHUE), sur le territoire national. Il crée une autorisation temporaire d’exercice en établissement de santé, en établissement médico-social ou social, public ou privé à but non lucratif. Cette autorisation permet aux PADHUE de s’inscrire dans une démarche de reconnaissance de leur diplôme. En lien avec l’article 9, l’article 10 propose la création d’une nouvelle carte de séjour pluriannuelle « talent-professions médicales et de la pharmacie », pour répondre au besoin de recrutement de ces personnels qualifiés dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux ainsi que les établissements sociaux, publics ou privés à but non lucratif.
Les mesures coercitives seront bien à l’ordre du jour
Si le texte initial a bien été expurgé de toutes mesures coercitives, tout indique que ces mesures reviendront dans le débat parlementaire sous forme d’amendements. En effet, 205 députés de presque tous les horizons politiques (de la France Insoumise aux Républicains, en passant par Renaissance) ont approuvé une autre proposition de loi, initiée par le socialiste Guillaume Garot.
Elle préconise l’interdiction d’installation dans les territoires déjà largement dotés, pour tous les médecins, y compris les généralistes. Seul un départ à la retraite ou un déménagement pourrait ouvrir la voie à une nouvelle installation. Ce mercredi 17 mai, Guillaume Garot a rencontré Frédéric Valletoux pour l’informer de son intention de déposer des amendements dans cette direction, le 12 juin.
Dans un parlement sans majorité absolue, où de nombreux élus sont confrontés dans leurs circonscriptions à une pénurie de médecins, la question de la régulation n’a pas encore dit son dernier mot et le populisme sur le dos des médecins a de beaux jours devant lui.
Crédit Photo : Richard Ying et Tangui Morlier, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Analyse et conséquences de la loi Valletoux si elle était votée. pic.twitter.com/oYVU6jQJNq
— Dr Jérôme Marty (@DrMartyJerUFMLS) May 14, 2023
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marie-christine gaye-bex| 23/05/2023-