Une signature olfactive de la COVID-19 mise en évidence par une équipe de chercheurs français
Il existe dans l’air expiré une signature spécifique des infections à COVID chez les patients intubés et ventilés, dits « patients à COVID grave ». C’est ce que démontre une étude réalisée par les équipes de recherche de l’Hôpital Foch et de l’hôpital Raymond-Poincaré AP-HP, associées aux équipes du CEA, de l’INSERM, de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines et de l’Université Paris-Saclay, publiée le 4 décembre 2020 dans la revue eBioMedicine, du groupe The Lancet. Cette étude ouvre des perspectives à de nouvelles approches pour réaliser le diagnostic de la COVID-19, employant une méthode moins invasive et plus rapide que la réalisation de tests PCR.
Les premiers résultats mondiaux d’une signature de la COVID-19 dévoilés
De fin mars à fin juin 2020, l’équipe a analysé, tous les matins, via un spectromètre de masse, l’air expiré de près de 40 patients. Ce procédé non invasif permet notamment d’analyser les composés organiques volatils d’un patient placé sous assistance respiratoire, et d’obtenir des résultats rapides, en moins de deux minutes. Les COV mesurés chez les patients atteints de la COVID-19 ont été comparés avec ceux de patients non atteints par l’infection COVID, dits « patients témoins ».
Les données des deux cohortes ont permis de révéler qu’il existait une signature de la COVID-19 et que certains COV seraient caractéristiques de cette infection. La fiabilité de la détection de la COVID-19 chez ces patients était de 93 %.
Une piste pour détecter précocement la COVID-19 ?
Les résultats de cette étude permettent aujourd’hui d’ouvrir des perspectives de nouveaux procédés de test, en parallèle des tests PCR, pour détecter la maladie COVID-19. Ce test non invasif peut fournir des résultats de manière très rapide et avec une grande fiabilité.
D’autant que si le spectromètre de masse utilisé à des fins de recherche scientifique nécessite un savoir-faire, il est possible d’utiliser d’autres techniques pour la détection de cette empreinte olfactive :
- des nez électroniques : dispositifs portables dont les capteurs permettent de réagir aux COV identifiés dans l’air expiré et ainsi classer les patients en deux catégories distinctes « atteint/non atteint ».
- l’olfaction animale : un travail en étroite collaboration avec les écoles vétérinaires est en cours : les chiens ont en effet démontré leurs excellentes capacités d’analyse et de dépistage de la COVID-19 dans des prélèvements d’air expiré et de sueur.
Cependant, si cette preuve de concept permet d’ouvrir la voie à une nouvelle façon de détecter la COVID-19, elle concerne pour le moment la détection dès leur arrivée en réanimation des patients atteints de COVID 19 de formes graves. Des éléments complémentaires sont nécessaires pour savoir si ces marqueurs permettront de détecter la maladie de façon plus large. Pour cela, ces résultats devront être confirmés par les travaux d’autres équipes de recherche et reproduits sur des effectifs plus importants ainsi que sur des populations différentes, notamment les patients non sévères ou asymptomatiques.
La genèse d’un projet de recherche multi-institutionnel
Les équipes du Professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation médicale de l’hôpital Raymond-Poincaré — AP-HP et Doyen de l’UFR Simone Veil — Santé à l’UVSQ, conduisent depuis 2019 — et pour une durée de 5 ans — un projet de recherche (RHU RECORDS*) consacré aux infections sévères chez les patients admis en réanimation (choc septique, sepsis…). Ce programme ayant débuté lors de l’épidémie de COVID-19, les équipes de recherche ont décidé de consacrer un volet de leur projet à cette infection, cause de nombreuses hospitalisations en réanimation.
Les équipes de l’Hôpital Foch participent également à ce projet et, sous la direction du Professeur Stanislas Grassin Delyle, pharmacologue à l’UVSQ/Hôpital Foch, se sont dotées depuis 2017 d’un spectromètre de masse afin de détecter en temps réel les molécules appelées « composés organiques volatils » (COV) présentes dans l’air expiré. Cette machine extrêmement puissante est actuellement utilisée dans plusieurs études cliniques réalisées chez des patients atteints de pathologies sévères (cancer, asthme, rejet de greffe, BPCO…).
Les COV sont le reflet du fonctionnement de l’organisme et de la pathologie et ce type d’analyse pourrait ainsi permettre à terme de mieux dépister, de prédire la réponse aux traitements et ainsi d’améliorer la prise en charge de ces pathologies en permettant la mise en place de stratégies thérapeutiques personnalisées, adaptées à chaque patient.
Les équipes des instituts CEA Joliot et CEA List complètent ce consortium et c’est sous la direction du Docteur Etienne Thévenot, chercheur en sciences des données métabolomiques que sont développés les algorithmes innovants et les outils logiciels pour traiter en temps réel les données du spectromètre de masse, pour rechercher les signatures de COV et développer les modèles prédictifs pour l’aide au diagnostic et au pronostic des pathologies pulmonaires.
Les équipes du Professeur Annane, du Professeur Grassin Delyle et du Docteur Thévenot ont donc décidé, à la mi-mars 2019, d’analyser les composés organiques volatils des patients de réanimation atteints de la COVID-19 et ainsi détecter une signature de la présence du virus dans l’organisme.
Le spectromètre de masse de l’Hôpital Foch a, de ce fait, été déplacé temporairement au sein du service de réanimation médicale de l’hôpital Raymond-Poincaré — AP-HP.
Cette étude reflète un véritable travail de collaboration entre les différentes parties prenantes : l’AP-HP a permis d’inclure des patients dans un projet de recherche national et son expertise dans le domaine du sepsis, SDRA et de la COVID-19, l’Hôpital Foch a mis à disposition son expertise scientifique et sa technique d’analyse de l’air expiré en spectrométrie de masse, tandis que l’équipe du CEA (Dr Etienne Thévenot et Camille Roquencourt) a apporté son expertise mathématique dans le traitement des données et les analyses statistiques, en développant dans des délais contraints des algorithmes spécifiques pour l’analyse des données issues de ce projet.
Voir l'étude complète
* RHU RECORDS, Programme d’Investissements d’Avenir, ANR-18-RHUS-0004, liste des partenaires : Assistance Publique — Hôpitaux de Paris, Beckman Coulter France, Biothelis, Commissariat à l’Energie Atomique et aux Énergies Alternatives, Easy Life Science, Institut National de la Sante et de la Recherche Médicale, Lumedix, Université Paris Est Créteil, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.
À propos de l’Hôpital Foch
Avec un effectif de 2 300 collaborateurs dont près de 400 médecins, 600 lits installés, 188 000 consultations externes, 61 000 passages aux urgences et plus de 62 000 séjours par an, l’hôpital Foch fait partie des plus importants établissements hospitaliers d’Ile-de-France. Ses prises en charge pluridisciplinaires de haut niveau dans la quasi-totalité du champ médical et chirurgical de l’adulte, sa forte implication dans l’enseignement, la formation et la recherche, son plateau médicotechnique de pointe, sa tradition d’accueil en font l’un des hôpitaux privés à but non lucratif les plus performants de France. La plupart de ses services bénéficient d’une fréquentation élevée en croissance exceptionnellement rapide. La Fondation Foch, qui a créé et construit l’Hôpital Foch demeure aujourd’hui un acteur essentiel dans sa gestion et lève des fonds pour financer des programmes de recherche, de la formation de personnel soignant et du matériel de haute technologie notamment. https://www.hopital-foch.com/
À propos de l’AP-HP
Premier centre hospitalier et universitaire (CHU) d’Europe, l’AP-HP et ses 39 hôpitaux sont organisés en six groupements hospitalo-universitaires (AP-HP. Centre — Université de Paris ; AP-HP. Sorbonne Université ; AP-HP. Nord — Université de Paris ; AP-HP. Université Paris Saclay ; AP-HP. Hôpitaux Universitaires Henri Mondor et AP-HP. Hôpitaux Universitaires Paris Seine–Saint-Denis) et s’articulent autour de cinq universités franciliennes. Etroitement liée aux grands organismes de recherche, l’AP-HP compte trois instituts hospitalo-universitaires d’envergure mondiale (ICM, ICAN, IMAGINE) et le plus grand entrepôt de données de santé (EDS) français. Acteur majeur de la recherche appliquée et de l’innovation en santé, l’AP-HP détient un portefeuille de 650 brevets actifs, ses cliniciens chercheurs signent chaque année près de 9000 publications scientifiques et plus de 4000 projets de recherche sont aujourd’hui en cours de développement, tous promoteurs confondus. L’AP-HP a obtenu en 2020 le label Institut Carnot, qui récompense la qualité de la recherche partenariale : le Carnot@AP-HP propose aux acteurs industriels des solutions en recherche appliquée et clinique dans le domaine de la santé. L’AP-HP a également créé en 2015 la Fondation de l’AP-HP pour la Recherche afin de soutenir la recherche biomédicale et en santé menée dans l’ensemble de ses hôpitaux. http://www.aphp.fr
À propos du CEA :
Acteur majeur de la recherche, du développement et de l’innovation, le CEA allie recherche fondamentale et technologies de pointe pour contribuer à l’avancée des connaissances et apporter des solutions dans le domaine de la santé. Implanté sur 9 sites, le CEA compte 20 181 salariés, dont 1 233 doctorants. Il est le 1er organisme de recherche déposant de brevets en France et en Europe. Le CEA tire parti de son socle de connaissances fondamentales et des développements technologiques qu’il conduit pour proposer des approches innovantes en diagnostic, thérapie et vaccinologie. Ces travaux bénéficient de l’expertise du CEA dans des technologies de pointe (criblage à haut débit, biologie à grande échelle, imagerie…) et des infrastructures de recherche de premier plan (MIRCen, NeuroSpin, IDMIT). Le CEA dispose d’une recherche technologique de haut niveau dans le domaine des systèmes numériques depuis les micro et nanotechnologies jusqu’à leur intégration dans les applications à travers le développement de systèmes embarqués, cognitifs et interactifs, de capteurs et d’outils de traitement du signal et des données.www.cea.fr
À propos de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines :
Créée en 1991, l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines compte plus de 19 000 étudiantes et étudiants, 1000 femmes et hommes enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs pour 35 structures de recherche. Répartie sur 5 campus dans les Yvelines, elle est profondément ancrée sur son territoire aux côtés de ses partenaires et porte 220 accords internationaux. Pluridisciplinaire avec 5 grands domaines d’enseignement, l’UVSQ offre plus de 200 formations diplômantes. Parmi elles, DUT, licences, masters, doctorats, diplômes d’ingénieur et également diplômes de médecine, obtenus pour ces derniers à l’UFR Simone Veil — Santé.
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