L’avenant n° 19 à la convention pharmaceutique sème la zizanie entre pharmaciens et avec les médecins

L’avenant n° 19 à la convention pharmaceutique sème la zizanie entre pharmaciens et avec les médecins Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), et Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance-maladie, ont signé le 18 novembre l’avenant n° 19 à la convention pharmaceutique. Cet accord qui vise avant tout à entériner une baisse de la rémunération des pharmaciens liée aux honoraires de dispensation sème la discorde entre les syndicats pharmaceutiques d’une part, mais également avec les syndicats de médecins libéraux.

Les honoraires de dispensation s’emballent

Afin de compenser la baisse durable du prix des médicaments, les pharmaciens perçoivent des honoraires de dispensation qui correspondent à l’analyse de l’ordonnance, aux préparations éventuelles préalables à la délivrance et aux conseils délivrés aux patients.

Parmi ces honoraires, on trouve un honoraire dit « de dispensation particulière » d’un montant de 2,04 euros (3,57 euros à partir du 1er janvier 2020) pour toute exécution d’ordonnance comportant un ou plusieurs médicaments dits spécifiques. Or la liste des médicaments spécifiques a récemment été revue à la hausse avec l’intégration de 700 nouvelles références. L’assurance maladie a revu ses projections financières et s’est rendu compte que le réseau pharmaceutique allait percevoir 150 millions d’euros de plus que ce qui était initialement prévu.

Un trop-perçu de 150 millions que veut récupérer la CNAM

Pour récupérer cette somme, 2 options s’offrent à la CNAM : faire prendre au gouvernement un arrêté diminuant d’autant les niveaux de marge du réseau pharmaceutique ou négocier une suppression ou une baisse du niveau d’honoraires par le biais d’un avenant conventionnel à discuter avec les syndicats. Nicolas Revel entame alors les négociations.

Avec la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), les discussions tournent court. Philippe Besset, son président constate que le niveau de la rémunération du réseau officinal reste inférieur à celui de 2016 même avec les 150 millions d’euros en plus et qu’il n’est pas mandaté pour signer un avenant prévoyant une baisse de rémunération pour la profession.

L’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) cherche avant tout à éviter toute décision d’autorité et privilégie la négociation. L’avenant conventionnel est signé le 19 novembre. Pour l’USPO, il se traduit par un revenu supplémentaire de 80 millions d’euros pour le réseau pharmaceutique.

Dans le détail si l’avenant maintient la valorisation progressive de l’honoraire pour médicaments spécifiques et celle de l’honoraire lié à l’âge, il entérine en revanche, une baisse des rémunérations pour ordonnance complexe qui passe de 1,02 € à 0,30 euro au 1er janvier 2020.

Pour l’USPO, ce nouvel avenant accélère également l’évolution du métier de pharmacien : 

- Il reconnaît, pour la première fois, l’intervention pharmaceutique. Cet acte sera lié à la dispensation adaptée qui valorisera, dès 2020 et sans attendre la prescription électronique, la non-dispensation par le pharmacien de tout ou partie des traitements à posologie variable.

- Il prévoit de définir les modalités de déclaration du pharmacien correspondant, dès 2020, qui pourra ainsi participer au suivi des patients chroniques et âgés en coordination avec les autres professionnels de santé, notamment dans le cadre des CPTS.

- Enfin, l’avenant n° 19 simplifie les bilans partagés de médication désormais ouverts à tous les patients de 65 ans et plus et renforce l’accompagnement des personnes résidant en EHPAD, soit un potentiel total d’un million de patients supplémentaires.

Les syndicats pharmaceutiques divisés.

L’Association de pharmacie rurale (APR) s’inquiète des conséquences de la baisse du montant des honoraires complexes sur les pharmacies localisées dans les zones rurales qui dispensent des prescriptions à un grand nombre de patients âgés.

L’Union Nationale des Pharmacies de France (UNPF) s’insurge contre des mesures qu’elle considère comme scélérates. Pour l’UNPF, les mesures décidées vont à l’encontre de l’intérêt de la profession dont l’économie est déjà largement fragilisée par des baisses massives de prix des médicaments.

« Comment peut-on laisser croire aux confrères que la création d’un nouvel acte “ Intervention pharmaceutique ”, la reconnaissance du pharmacien correspondant ou la simplification des bilans de médication, sont des contreparties acceptables alors qu’aucune donnée chiffrée n’est présentée ? .

La vérité est que la diminution du montant de l’honoraire de dispensation à l’ordonnance complexe de 1,02 euro à 0,30 euro au 1er janvier 2020 et la suppression de la ROSP RPPS vont nous faire perdre 70 millions d’euros. »

Les médecins furieux

Le Syndicat des médecins libéraux (SML) dénonce la censure des prescriptions médicales par les pharmaciens qui seront rémunérés pour ne pas dispenser « tout ou partie des traitements à posologie variable prescrits par le médecin ».

« Outre la remise en cause du magistère médical et de la prescription, le SML estime que cette situation pose un véritable problème à la fois éthique et moral, puisque pour la première fois, une profession pourra prospérer en supprimant l’accès des patients aux soins prescrits par le médecin.

L’adoption d’un tel dispositif rendrait l’assurance maladie et l’USPO complices de la dégradation des relations entre médecins et pharmaciens. Ce qui serait un comble pour l’assurance maladie qui ne cesse de clamer son soutien à la coordination des soins à travers les CPTS. »


Du côté de MG France, on estime que si ce dispositif peut s’entendre en cas de redondances ou d’erreurs lors de la rédaction des prescriptions, sa généralisation est inacceptable dans le cadre d’un accord conventionnel signé par un seul syndicat de pharmaciens, en l’absence de concertation avec les syndicats médicaux.

« Si une réflexion commune sur la dispensation des médicaments et le rôle de conseil du pharmacien est nécessaire, elle devrait s’inscrire dans le cadre d’un accord interprofessionnel, et relève de toute évidence de protocoles d’exercice coordonné validés par les professionnels sur le terrain.
MG France met en garde les signataires de l’avenant 19 contre le caractère provocateur et contre-productif d’un avenant signé contre l’avis des professionnels concernés. »

 

 

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