Les Français et les personnes séropositives : le sondage qui rassure autant qu’il inquiète.
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, AIDES publie la 3e édition de son rapport VIH/hépatites, la face cachée des discriminations. En préambule de ce rapport, les résultats particulièrement instructifs d’un sondage réalisé pour AIDES par l’Institut CSA sur la perception des personnes séropositives par la population française. Réalisée en octobre 2017 sur un échantillon de 1 000 personnes (élaboré selon la méthode des quotas), cette enquête d’opinion montre à quel point les connaissances des Français-ses sur le VIH n’ont pas été actualisées depuis l’arrivée des premiers traitements, au milieu des années 90. Elle met également en lumière la persistance de peurs irrationnelles et d’attitudes discriminatoires encore en vigueur dans une partie non négligeable de la population, en particulier chez les jeunes adultes.
Une apparente bienveillance à l’égard des personnes séropositives
C’est la partie rassurante de ce sondage. Une immense majorité des répondants considère qu’une personne séropositive sous traitement peut « vivre comme tout le monde » (87 %), « avoir une activité professionnelle » (98 %), ou « exercer des responsabilités managériales » (97 %). Ils-elles sont également 90 % à considérer qu’une personne séropositive sous traitement peut avoir « une vie sexuelle comme tout le monde ». Serions-nous entrés dans une nouvelle ère, celle d’une acceptation quasi unanime des personnes séropositives ? De leur inclusion inconditionnelle dans la société ? De la fin de la peur et du rejet ? Pas si sûr.
Un sentiment de « malaise » encore très présent vis-à-vis de la séropositivité
Car sitôt qu’on évoque des situations concrètes ou un degré de proximité plus étroit et direct avec les personnes séropositives, cette apparente bienveillance se délite. Ainsi, alors que la quasi-totalité des répondants reconnaît aux personnes touchées la capacité de travailler et d’exercer des responsabilités, ils sont paradoxalement 31 % à considérer les personnes séropositives « inaptes à exercer certaines professions », comme pompier ou policier.
Et les contradictions ne s’arrêtent pas là : en creusant un peu, on constate qu’une part non négligeable des répondants se dit encore « mal à l’aise » à la simple idée de côtoyer une personne séropositive dans son quotidien. Ainsi :
• 21 % des parents interrogés (plus d’un sur cinq !) se sentiraient « mal à l’aise » si « l’un-e des enseignants de leur enfant était séropositif-ve ». Ce taux grimpe à 33 % chez les moins de 35 ans.
• 16 % des répondantsen activité se sentiraient « mal à l’aise » à l’idée d’avoir « un-e collègue de travail séropositif-ve ». Ce taux grimpe à 30 % chez les 18-24 ans.
• Enfin, 10 % des répondants se disent gênés à l’idée de « fréquenter le même cabinet médical qu’une personne séropositive ». Ce taux grimpe à 15 % chez les 18-24 ans.
À chaque fois, la première raison invoquée est « la peur de la contamination ». Ces données mettent en lumière une méconnaissance persistante des modes de transmission chez 10 à 20 % des Français. Méconnaissance qui alimente peurs irrationnelles, rejet et comportements d’évitement. Ce constat est encore plus prégnant parmi les 18-35 ans, ce qui révèle un recul alarmant du niveau d’information dans cette population.
Une méconnaissance généralisée des avancées thérapeutiques
Moins surprenant mais tout aussi problématique : le niveau d’information des Français sur les avancées thérapeutiques n’a clairement pas évolué depuis le milieu des années 90. On constate par exemple que le rôle préventif des traitements sur la transmission du VIH est encore très largement ignoré. Ainsi :
• 87 % des répondants considèrent toujours qu’avoir des rapports sexuels sans préservatif avec une personne séropositive sous traitement constitue « un risque élevé voire très élevé » de contamination. À l’inverse, seuls 2 % des Français évaluent correctement ce niveau risque, à savoir « très faible voire quasi nul ».
• Dans la même veine, 71 % des répondants pensent encore qu’une femme enceinte, séropositive et sous traitement, fait courir un risque de contamination « élevé voire très élevé » à son enfant à naître. Là encore, seuls 6 % des répondants évaluent correctement ce niveau de risque, à savoir « très faible voire quasi nul ».
« Cette enquête montre à quel point le niveau d’information des Français sur le VIH, les modes de transmission et les avancées thérapeutiques reste très largement perfectible », explique Aurélien Beaucamp, président de AIDES.
Les connaissances de la majorité de la population n’ont pas été actualisées depuis le milieu des années 90 et l’arrivée des premières générations de traitements. Certes, une grande majorité de Français sait qu’il existe des traitements efficaces qui permettent de vivre relativement normalement avec le VIH. Mais, dans le même temps, les personnes séropositives sont toujours perçues comme un danger potentiel pour la société. Pour preuve, la mauvaise évaluation des risques de contamination, le “malaise” exprimé par une partie des répondants vis-à-vis des personnes touchées, et la justification de l’interdiction de certaines professions. Aurélien Beaucamp, président de AIDES.
Ce sondage le démontre : les représentations erronées et les comportements excluant prennent leurs racines dans l’ignorance et le déficit d’information, tant sur les modes de transmission que sur les avancées thérapeutiques.
AIDES rappelle :
• qu’une personne séropositive dépistée, traitée et en charge virale indétectable ne transmet plus le VIH ;
• que le risque de transmission d’une mère séropositive sous traitement à son enfant à naître est quasi nul ;
• que rien ne justifie les restrictions d’accès à certaines professions, ni sur le plan médical, ni sur le plan de la santé publique ;
• qu’il n’existe aucun risque à côtoyer une personne séropositive dans son quotidien ou celui de ses proches ;
AIDES se bat depuis plus de 30 ans pour une meilleure acceptation et une meilleure intégration des personnes séropositives dans la société.
AIDES appelle à une remobilisation des pouvoirs publics pour la mise en place de dispositifs ambitieux d’information et de sensibilisation du grand public sur les modes de transmission et le rôle préventif des traitements. Un effort tout particulier doit être fait en direction des 18-35 ans, parmi lesquels les fondamentaux semblent loin d’être acquis. Cela passe notamment par le renforcement et la réactualisation des programmes de sensibilisation, d’éducation aux sexualités et de lutte contre les discriminations en milieu scolaire.
Ce sondage le démontre : les représentations erronées et les comportements excluant prennent leurs racines dans l’ignorance et le déficit d’information, tant sur les modes de transmission que sur les avancées thérapeutiques.
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