La hausse inquiétante de l'incidence du cancer du pancréas

Le cancer du pancréas connaît une augmentation alarmante de son incidence depuis plusieurs décennies dans les pays occidentaux. Cette tendance préoccupe fortement la communauté médicale, d'autant que ce cancer reste l'un des plus meurtriers. Décryptage d'un phénomène complexe aux causes encore mal élucidées.

Une progression fulgurante

Les chiffres sont sans appel : l'incidence du cancer du pancréas ne cesse de croître année après année. En France, le nombre de nouveaux cas annuels a triplé en 20 ans, passant de 4 500 en 1997 à plus de 14 000 en 2018[1]. Cette hausse vertigineuse se poursuit, avec près de 16 000 nouveaux cas estimés en 2023[4].

La progression est particulièrement marquée chez les femmes, avec une augmentation moyenne de 3,8% par an entre 1990 et 2018, contre 2,7% chez les hommes sur la même période[5]. Si cette tendance se maintient, les projections indiquent que le cancer du pancréas pourrait devenir la deuxième cause de mortalité par cancer en France d'ici 2030-2040, dépassant le cancer colorectal[4].

Cette évolution n'est pas propre à l'Hexagone. Aux États-Unis, l'incidence annuelle a bondi de 13% en trente ans[1]. Le phénomène touche l'ensemble des pays occidentaux, avec des disparités géographiques notables : l'incidence est nettement plus élevée en Amérique du Nord et en Europe occidentale qu'en Afrique ou en Asie centrale[3].

Des causes multifactorielles encore mal comprises

L'origine de cette hausse spectaculaire reste en grande partie mystérieuse. Si certains facteurs de risque sont bien identifiés, ils ne suffisent pas à expliquer l'ampleur du phénomène.

Le tabagisme, principal facteur de risque connu, ne peut être incriminé puisqu'il est globalement en recul dans les pays occidentaux. L'obésité et le diabète de type 2, dont la prévalence augmente, sont des suspects sérieux. Une étude américaine a ainsi montré que les personnes en surpoids présentaient un risque 1,72 fois plus élevé de développer un cancer du pancréas[1].

Le Pr Vinciane Rebours, cheffe du service de pancréatologie de l'hôpital Beaujon, pointe du doigt le rôle potentiel du gras : "C'est à mes yeux un des vecteurs de risque les plus importants." L'accumulation de graisse autour des organes abdominaux pourrait favoriser l'apparition de lésions précancéreuses[1].

D'autres hypothèses sont avancées, comme l'impact de l'alimentation ultra-transformée, apparue dans les années 1980, ou l'exposition à certains polluants environnementaux. Cependant, les preuves scientifiques manquent encore pour établir des liens de causalité clairs[1].

Un diagnostic toujours trop tardif

L'amélioration des techniques d'imagerie médicale pourrait expliquer en partie la hausse apparente de l'incidence. Néanmoins, le cancer du pancréas reste majoritairement diagnostiqué à un stade avancé, en raison de son évolution silencieuse.

"Au moment du diagnostic, une minorité des cancers du pancréas est opérable (10 % à 20 %), une situation liée principalement à l'évolution silencieuse et sournoise de la maladie", souligne un article récent[4]. Cette détection tardive explique en grande partie le pronostic sombre de ce cancer, avec un taux de survie à 5 ans de seulement 7% tous stades confondus[4].

Des pistes pour améliorer le dépistage

Face à ce constat, la recherche s'oriente vers le développement de nouvelles stratégies de dépistage précoce. Des travaux prometteurs explorent l'utilisation de l'intelligence artificielle pour identifier les personnes à risque.

Une étude danoise, publiée dans Nature Medicine en 2023, a ainsi développé un algorithme capable de prédire le risque de cancer du pancréas à partir de l'analyse des parcours de santé des patients[1]. Ce type d'approche pourrait permettre à l'avenir de cibler les dépistages sur les populations les plus à risque.

En parallèle, les efforts se poursuivent pour identifier des marqueurs biologiques spécifiques et sensibles, qui font cruellement défaut aujourd'hui. "Le CA 19-9 n'a pas d'intérêt en pratique clinique car il n'est ni spécifique ni sensible", rappelle le Dr David Malka, cancérologue à Paris[2].

Conclusion

L'augmentation continue de l'incidence du cancer du pancréas constitue un défi majeur pour la santé publique. Si les progrès thérapeutiques restent modestes, l'espoir réside dans une meilleure compréhension des facteurs de risque et le développement de stratégies de dépistage précoce. La recherche dans ces domaines s'avère particulièrement importante pour inverser la tendance et améliorer le pronostic de cette maladie redoutable.

[1] https://www.lexpress.fr/sciences-sante/cancer-du-pancreas-pourquoi-tant-de-cas-ce-qui-echappe-encore-aux-scientifiques-SW5EFI3SI5FDTMLPDUFNIEFCYQ/
[2] https://www.jim.fr/viewarticle/cancer-du-pancré-hausse-lincidence-encore-2024a1000fn2
[3] https://www.fmcgastro.org/texte-postu/postu-2021-paris/facteurs-de-risque-de-ladenocarcinome-du-pancreas-prevention-et-depistage/
[4] https://www.dna.fr/magazine-sante/2024/04/19/pourquoi-le-cancer-du-pancreas-est-tant-redoute
[5] https://www.arcagy.org/infocancer/localisations/appareil-digestif/cancer-pancreas/maladie/epidemiologie.html/

Citations:

[2] https://www.larevuedupraticien.fr/article/tumeurs-du-pancreas-les-facteurs-de-risque-de-mieux-en-mieux-connus
[3] https://www.fmcgastro.org/texte-postu/postu-2021-paris/facteurs-de-risque-de-ladenocarcinome-du-pancreas-prevention-et-depistage/
[4] https://www.dna.fr/magazine-sante/2024/04/19/pourquoi-le-cancer-du-pancreas-est-tant-redoute
[5] https://www.arcagy.org/infocancer/localisations/appareil-digestif/cancer-pancreas/maladie/epidemiologie.html/
[6] https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-pancreas/Les-points-cles