Légalisation du cannabis : vers une explosion des troubles psychotiques ?

Légalisation du cannabis : vers une explosion des troubles psychotiques ? Une étude récente menée en Ontario, Canada, révèle une augmentation significative de la proportion des cas de schizophrénie attribuables au trouble de l’usage du cannabis (CUD) après la légalisation du cannabis à des fins non médicales. Publiée dans JAMA Network Open (Myran et al., 2025), cette recherche met en lumière un phénomène préoccupant qui mérite une attention accrue des autorités sanitaires.

Une proportion de cas de schizophrénie liée au cannabis multipliée par trois

L’étude a suivi 13,6 millions de personnes âgées de 14 à 65 ans en Ontario entre 2006 et 2022, afin d’évaluer l’évolution de la fraction de risque attribuable à la population (PARF) du CUD dans les diagnostics de schizophrénie.

Les résultats indiquent que la proportion de cas de schizophrénie associés à un trouble de l’usage du cannabis a presque triplé en 17 ans, passant de 3,7 % avant la légalisation à 10,3 % après son entrée en vigueur. Cette hausse est particulièrement marquée chez les jeunes hommes de 19 à 24 ans, où la PARF atteint 18,9 %, contre seulement 1,8 % chez les femmes de 45 à 65 ans (Myran et al., 2025).

« L’incidence annuelle de la schizophrénie est restée relativement stable, tandis que l’incidence du diagnostic de psychose non spécifiée a augmenté de 83,7 % après la légalisation », soulignent les auteurs (Myran et al., 2025). Ces résultats suggèrent que l’augmentation des cas de schizophrénie liés au cannabis ne reflète pas une explosion globale de la maladie, mais plutôt un effet direct de la hausse des troubles de l’usage du cannabis au sein de la population.

Une corrélation, mais pas nécessairement une causalité

Si les résultats de l’étude semblent indiquer un lien fort entre l’usage du cannabis et le risque de schizophrénie, les auteurs insistent sur la nécessité d’une analyse nuancée. Ils rappellent que la consommation de cannabis et le taux de THC dans les produits disponibles ont significativement augmenté ces dernières années. « Le taux de THC des produits en Amérique du Nord a plus que doublé au cours de notre période d’étude, avec plus de 70 % du cannabis séché légal vendu en Ontario affichant une concentration supérieure à 20 % » (Myran et al., 2025). Une exposition accrue à ces produits pourrait expliquer en partie l’augmentation des cas de CUD et, par conséquent, leur lien avec la schizophrénie.

Cependant, l’étude ne permet pas d’établir une relation de cause à effet entre la légalisation et l’augmentation des troubles liés au cannabis. Les auteurs reconnaissent plusieurs limites méthodologiques. D’une part, leur définition du trouble de l’usage du cannabis repose uniquement sur les hospitalisations et les visites aux urgences, excluant ainsi les consommateurs problématiques ne consultant pas les services de santé. D’autre part, l’étude ne prend pas en compte certains facteurs de confusion, tels que l’histoire familiale des troubles psychiatriques ou les caractéristiques socio-économiques des patients.

Enfin, les auteurs soulignent que la période post-légalisation étudiée (2018-2022) inclut les premières années de la pandémie de COVID-19, qui ont pu influencer l’accès aux soins et modifier la détection des cas de schizophrénie.

🔎 Pourquoi la légalisation n’a-t-elle pas réduit la teneur en THC ?

L’un des objectifs souvent avancés lors de la légalisation du cannabis est de mieux contrôler la qualité des produits et de réduire leur concentration en THC, la molécule psychoactive associée aux risques de psychose. Pourtant, au Canada, l’inverse s’est produit : la teneur moyenne en THC des produits légaux a augmenté, avec plus de 70 % du cannabis séché vendu dépassant les 20 % de THC. Plusieurs raisons expliquent cette tendance :

Une forte demande pour des produits puissants
Les consommateurs, habitués aux produits du marché noir, ont privilégié les options les plus concentrées en THC, influençant l’offre du marché légal.

La nécessité de concurrencer le marché illicite
Pour capter la clientèle du marché noir, les producteurs autorisés ont proposé des produits comparables en puissance, rendant une régulation stricte du THC difficile à appliquer.

Une absence de réglementation sur la teneur en THC
Contrairement à d’autres pays, le Canada n’a pas instauré de plafond de THC pour les fleurs séchées, limitant ainsi les possibilités de contrôle. Seuls les produits comestibles ont été plafonnés à 10 mg de THC par unité.

L’assouplissement du marché après 2020
Dans les premières années suivant la légalisation, les restrictions sur les points de vente et la diversité des produits ont été levées, facilitant la commercialisation de concentrés et de produits plus puissants.

Ces évolutions soulèvent aujourd’hui des questions de santé publique, notamment en ce qui concerne la prévention des troubles liés au cannabis et la nécessité d’une réglementation plus stricte pour protéger les populations vulnérables.

Vers une meilleure prévention des risques liés au cannabis

Face à ces résultats, les chercheurs appellent à un suivi attentif des conséquences de la légalisation du cannabis sur la santé mentale, notamment à mesure que le marché se diversifie et que des produits à forte concentration en THC deviennent de plus en plus accessibles.

Cette étude met en évidence la nécessité d’une meilleure prévention des troubles liés au cannabis, en particulier auprès des jeunes, population la plus vulnérable aux effets psychotiques de la substance. Une régulation plus stricte des produits et des campagnes de sensibilisation ciblées pourraient être des leviers essentiels pour limiter l’impact du cannabis sur la santé publique.

Source : JAMA Network Open, 2025, "Changes in Incident Schizophrenia Diagnoses Associated With Cannabis Use Disorder After Cannabis Legalization" (Myran et al.).

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