Vaccination à l'officine par les pharmaciens : l'académie de pharmacie campe sur ses positions
Depuis 2011, l'académie de pharmacie s'alarme de la baisse de la couverture vaccinale qui pourrait atteindre un niveau tel que l'immunité de groupe ne pourrait plus être garantie pour certaines infections et que ce sont les individus les plus fragiles, en particulier les nourrissons, les personnes âgées, les patients allergiques ou immunodéficients qui en pâtiraient le plus. Pour y remédier elle se déclare en faveur de la vaccination à l'officine par les pharmaciens.
Elle a été rejointe en ce sens par l'IGAS qui en 2011 dans son rapport sur les pharmacies d'officine suggère d'associer les pharmaciens au suivi vaccinal et d'étudier si dans certaines hypothèses et sous réserves de formation qualifiante, le pharmacien pourrait réaliser l'acte de vaccination sur prescription ou de sa propre initiative pour les rappels des adultes. L'IGAS pointe particulièrement du doigt la complexité du parcours de soins en ambulatoire: " Le patient doit se faire prescrire le vaccin, se rendre dans une pharmacie pour la délivrance du vaccin puis se faire vacciner par son médecin traitant".
Passer de trois étapes à une seule, travailler en équipe de soins, former les pharmaciens, informer les médecins traitants et réaliser des économies tel est l'esprit des propositions que Marie Sol Touraine reprend dans le projet de loi qu'elle présente en octobre 2014 non sans provoquer des réactions hostiles de certaines organisations professionnelles représentant les médecins et les infirmières. Mais ce sont finalement les députés qui, après en avoir débattu, ont purement et simplement supprimé l'article 32 qui donnait aux pharmaciens le droit de vacciner.
"A ce jour, les pharmaciens ne disposent ni des compétences, ni de la formation indispensables à la réalisation des vaccins", écrit le rapporteur Jean-Louis Touraine dans l'exposé des motifs de son amendement.
Il met par ailleurs en exergue les faiblesses de l'étude jointe au projet de loi qui ne permet pas de mesurer l'impact de cette mesure ni en terme de couverture vaccinale ni en terme d'économies budgétaires.
C'est donc dans un contexte pour le moins contrasté que l'Académie de Pharmacie réaffirme prudemment sa position :
La contribution des pharmaciens, sous certaines conditions et en complément des médecins et des infirmiers, permettrait de faciliter l'accès à la vaccination non seulement par ce que les pharmaciens sont, pour le public, les plus accessibles des professionnels de la santé mais surtout par ce que d'autres pays ont obtenus des résultats probants en confiant cette nouvelle mission aux pharmaciens :
- aux Etats-Unis, les pharmaciens peuvent vacciner depuis une vingtaine d'années dans 50 Etats ;
- au Canada "25 % de ceux qui n'étaient pas habituellement vaccinés et 21 % des sujets à risque ont saisi l'opportunité d'une vaccination en pharmacie" ;
- au Royaume-Uni, la vaccination en pharmacie est autorisée depuis 15 ans et semble plébiscitée. Une étude a ainsi démontré qu'en 2012- 2013, une partie des patients éligibles pour une vaccination gratuite dans leur centre de santé a préféré se rendre en pharmacie et payer pour sa vaccination. La vaccination contre la grippe a même été prise en charge par les pharmaciens sur 90 % du territoire anglais pour la saison 2014-2015" ;
- au Portugal, la majorité des pharmacies proposent la vaccination, "ce qui a amélioré la couverture vaccinale des plus de 65 ans" ;
- les Suisses du canton de Zurich ont récemment opté pour la possibilité de se faire vacciner en pharmacie dès l'automne 2015.
L'institution rappelle par ailleurs les facteurs clés de succès d'une telle réforme :
-l’autorisation de vacciner ne doit concerner que des pharmaciens volontaires ;
- aucun pharmacien ne saurait être habilité à vacciner sans une formation préalable adaptée. Ainsi, un complément d’enseignement professionnel continu doit être mis en place ainsi qu’une formation à la vaccination dans le cursus des études de pharmacie ;
- Les pharmaciens ne doivent pouvoir contribuer à l’effort d’amélioration de la couverture vaccinale qu’en étroite relation avec les autres professionnels de santé, les médecins en particulier.
En attendant une éventuelle expérimentation, le gouvernement temporise et a sollicité un nouveau rapport au député Sandrine Hurel pour formuler des recommandations afin de faire évoluer le principe de l’obligation vaccinale et lever les obstacles financiers à la vaccination, sur la base de l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique, publié en septembre 2014. Sandrine HUREL devra également faire des propositions concrètes pour améliorer le taux d’adhésion des Français et des professionnels de santé à la vaccination.
Ses conclusions sont attendues cet été.
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