Une tribune pour la justice : 250 médecins dénoncent le sort réservé aux praticiens étrangers
Une grève de la faim qui secoue l’hôpital public
Du 5 au 12 mars 2025, près de 300 praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) ont observé une grève de la faim dans plusieurs établissements hospitaliers. Ce mouvement rare, mené sans interrompre la permanence des soins, visait à alerter sur leur situation professionnelle jugée intenable. Ces médecins, souvent en première ligne dans les services en tension, dénoncent un traitement inégalitaire et une absence de reconnaissance institutionnelle.
Dans une tribune soutenue par plus de 250 praticiens, syndicats et associations, les signataires pointent une politique de titularisation jugée opaque et injuste. Le décret du 12 mai 2024 prévoyait 4000 postes pour les PADHUE, mais seuls 3228 auraient été effectivement attribués. Les critères de sélection manquent de transparence et laissent de nombreux praticiens expérimentés sans perspective.
Des inégalités structurelles et un concours contesté
Sur le plan salarial, l’écart est manifeste : ces praticiens perçoivent environ 2000 euros nets par mois pour un temps plein, contre environ 5000 euros pour leurs homologues diplômés en France, à responsabilités équivalentes. Leur statut contractuel les prive en outre d’évolution de carrière et de stabilité.
Les résultats des Épreuves de Vérification des Connaissances (EVC) de 2024 ont amplifié les tensions. 4000 postes avaient été annoncés, mais seuls 3235 candidats ont été admis sur la liste principale, et 638 sur liste complémentaire. Des cas aberrants ont été signalés : des candidats recalés avec des moyennes supérieures à 14, tandis que d’autres ont été admis avec des notes inférieures à 10. En médecine générale, 263 postes ont été supprimés, alors que les besoins restent élevés.
Cette frustration s’est incarnée dans le témoignage du Dr Abdelhalim Bensaidi, président de l’association IPADECC. Il dénonce un "document de l’humiliation" que les recalés sont invités à signer, les engageant à repasser les EVC en 2025, malgré des résultats honorables. "Comment peut-on parler d’échec à un urologue noté 14,16, ou à une généraliste avec 11,99 alors que des postes ont été supprimés ?" interroge-t-il. Il conclut en interpellant les autorités : "La France veut-elle encore être le pays des droits de l’Homme ou celui des injustices ?"
La réforme annoncée pour 2025 par le ministre de la Santé Yannick Neuder – instaurant une voie interne simplifiée pour les PADHUE en poste – constitue une avancée. Mais elle ne répond pas à l’urgence des situations actuelles ni à la détresse des praticiens injustement exclus.
Un engagement ignoré malgré les alertes
La tribune publiée par IPADECC (association à but non lucratif, apolitique, engagée pour la régularisation des médecins diplômés étrangers exerçant en France) dénonce la précarité persistante et l’iniquité du système. Les PADHUE assurent des missions essentielles : urgences, gardes, suivi des patients, souvent dans des contextes de sous-effectifs marqués. Leur engagement est d’autant plus remarquable que leurs conditions de travail sont précaires, sans sécurité de l’emploi, ni reconnaissance statutaire.
Durant la crise sanitaire, leur rôle a été salué par un statut temporaire. Depuis, la loi Valletoux les a replacés dans une insécurité juridique, les contraignant à repasser un concours sans considération pour leur expérience sur le terrain.
Les signataires dénoncent :
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La suppression arbitraire de centaines de postes ouverts aux EVC,
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L’activation injustifiée de la liste complémentaire,
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L’absence de reconnaissance de l’expérience acquise en France.
Ils réclament :
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La titularisation effective des 4000 postes prévus,
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Une priorité donnée aux candidats de la liste principale,
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L’accès à un parcours de consolidation pour tout candidat ayant obtenu la moyenne,
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Une révision des cas injustement recalés.
Alors que certains hôpitaux comptent jusqu’à 50 % de PADHUE dans leurs effectifs médicaux, leur éviction brutale compromettrait le fonctionnement même de nombreux services. La situation actuelle, jugée incohérente et injuste, appelle à une réforme rapide et équitable. À titre de comparaison, des pays comme l’Allemagne ou l’Espagne ont mis en place des procédures plus lisibles et progressives pour intégrer les médecins étrangers, souvent avec une valorisation partielle de l’expérience professionnelle. La France gagnerait à s’inspirer de ces exemples pour restaurer la confiance des praticiens étrangers et assurer la continuité des soins sur l’ensemble du territoire.
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