Alcool et cancer : une consommation même modérée est risquée

Alcool et cancer : une consommation même modérée est risquée Une nouvelle étude publiée dans Nature réévalue les dangers du lien entre l’alcool et le cancer. Loin d’être un simple facteur de risque parmi d’autres, la consommation d’alcool, même modérée, est désormais associée à au moins sept types de cancers. Cette prise de position relance le débat sur la nécessité d’étiquetages sanitaires sur les bouteilles d’alcool, à l’image des paquets de cigarettes. Pour les professionnels de santé, ces résultats soulignent l’urgence d’une meilleure information et d’une intégration accrue du risque alcoolique dans les stratégies de prévention.

Une consommation modérée d'alcool n'est pas anodine surtout chez les femmes

L'impact de la consommation d’alcool, même modérée, est illustré par le graphique ci-dessous, qui montre l'évolution du risque absolu de cancer avant 80 ans en fonction de la quantité d'alcool consommée par jour. Les femmes présentent un risque plus élevé que les hommes à chaque niveau de consommation, en raison notamment de l’effet de l’alcool sur le développement du cancer du sein.

Alcool et cancer : une consommation même modérée est risquée

Si la consommation excessive d’alcool est unanimement reconnue comme un facteur de risque majeur, les chercheurs s’interrogent aujourd’hui sur le seuil minimal à partir duquel le risque de cancer commence à augmenter. Contrairement à d’autres pathologies où une faible consommation pourrait être tolérée, plusieurs experts estiment qu’aucune quantité d’alcool n’est véritablement sans danger.

Le Dr Jürgen Rehm, spécialiste des effets de l’alcool et des drogues au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, souligne que « pour certains types de cancers, comme le cancer du sein, le risque commence à s’élever dès un demi-verre par jour ».

Le risque est particulièrement marqué chez les femmes en raison de la sensibilité accrue des cellules mammaires aux effets de l’alcool. Selon le Dr Peter Sarich, « la relation entre la consommation d’alcool et le cancer du sein est linéaire : chaque verre supplémentaire entraîne une augmentation du risque ».

Un risque équivalent à plusieurs cigarettes par semaine

Une étude publiée en 2019 par Nick Sheron, hépatologue à l’Université de Southampton, a tenté d’évaluer les risques de cancer liés à l’alcool en les comparant à ceux du tabagisme. Les résultats sont frappants : « une bouteille de vin par semaine est associée à une augmentation absolue du risque de cancer de 1 % chez les hommes et de 1,4 % chez les femmes, soit l’équivalent de cinq cigarettes par semaine pour les hommes et dix pour les femmes ».

Cette différence entre les sexes s’explique en grande partie par l’impact de l’alcool sur le risque de cancer du sein, qui est un des cancers les plus fréquemment attribués à la consommation d’alcool chez la femme.

Une remise en question des effets protecteurs sur le cœur et du paradoxe français

L’un des arguments fréquemment avancés en faveur d’une consommation modérée d’alcool repose sur un prétendu effet protecteur contre les maladies cardiovasculaires. Cette idée a été popularisée par le concept du French Paradox, qui suggère que malgré une alimentation riche en graisses saturées, les Français présentent un taux relativement faible de maladies cardiovasculaires, en partie grâce à la consommation modérée de vin rouge.

Des recherches récentes indiquent que les effets protecteurs supposés de l’alcool sur le cœur pourraient être surestimés et s’expliquer davantage par des facteurs confondants, comme un mode de vie globalement plus sain chez les consommateurs modérés de vin.

Le Dr Tim Naimi affirme que « la base scientifique autour des bénéfices cardiovasculaires de l’alcool est extrêmement fragile », suggérant que ces bénéfices potentiels ne justifient pas l’augmentation du risque de cancer.

Un nouveau levier de prévention pour les médecins et les infirmiers

En France, la consommation d’alcool reste élevée par rapport à d’autres pays européens. Selon Santé Publique France, les Français consomment en moyenne 11,7 litres d’alcool pur par an et par habitant, ce qui place le pays parmi les plus gros consommateurs au sein de l’OCDE. Cette consommation, souvent ancrée dans la culture gastronomique et sociale, rend la sensibilisation plus complexe.

Pour les professionnels de santé, ces nouvelles données soulignent l’importance d’intégrer le risque alcoolique dans les consultations de prévention. Alors que la sensibilisation aux méfaits du tabac est bien ancrée dans la pratique médicale, l’alcool reste un sujet moins abordé, notamment chez les patients qui en consomment de manière modérée.

Le Dr Helen Croker, directrice adjointe de la recherche et des politiques au World Cancer Research Fund, insiste sur le fait que « les preuves scientifiques sur le lien entre l’alcool et le cancer sont solides, et il est essentiel que les cliniciens en informent leurs patients ».

L’une des propositions pour améliorer la prévention est d’ajouter des avertissements sanitaires sur les bouteilles d’alcool, à l’image de ceux présents sur les paquets de cigarettes.

  Alcool et cancer : une consommation même modérée est risquée

Boire tue aussi

L’alcool est aujourd’hui reconnu comme l’un des principaux facteurs de risque de cancer évitables, après le tabac et l’obésité. Malgré cela, la perception du danger reste faible, notamment pour les faibles consommations. Cette étude publiée dans Nature rappelle que même des quantités modérées d’alcool peuvent contribuer au développement de cancers, et qu’aucun seuil sûr n’a été établi pour certains types de cancers.

Pour les médecins et infirmiers, il est essentiel d’intégrer ces nouvelles données dans les conseils donnés aux patients et d’encourager des choix éclairés en matière de consommation d’alcool.

 

Nature 639, 290-292 (2025)

doi: https://doi.org/10.1038/d41586-025-00729-5

Descripteur MESH : Risque , Santé , Lumière , Nature , Tumeurs du sein , Femmes , Patients , Hommes , Vin , Verre , France , Médecins , Maladies cardiovasculaires , Tabac , Cellules , Santé publique , Recherche , Vie , Perception , Infirmiers , Santé mentale , Tabagisme , Facteurs de risque , Europe

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