Perquisition au ministère de la Santé : l'affaire des cabinets de conseil s'intensifie
Mercredi 29 mai, une perquisition a eu lieu au siège du ministère de la santé, rue de Ségur à Paris, dans le cadre d'une information judiciaire pour favoritisme et recel de favoritisme ouverte par le Parquet national financier (PNF). Cette enquête, débutée le 21 octobre 2022, fait suite à un rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.
Le rapport de la commission, publié le 16 mars 2022, souligne l'augmentation notable des dépenses de l'État pour les services de cabinets tels qu'Accenture, CapGemini et McKinsey. En 2021, ces dépenses ont atteint près d'un milliard d'euros, comparé aux 379 millions d'euros en 2018. Le rapport critique cette tendance, la qualifiant de "réflexe" de recours à des sociétés privées pour des missions qui devraient relever de la compétence publique, soulevant des questions de souveraineté de l'État.
Des conditions de marché opaques pendant la pandémie de covid-19
Durant la pandémie de Covid-19, le gouvernement a multiplié les recours aux cabinets de conseil privés pour gérer la crise sanitaire, allouant plus de 50 millions d'euros à des prestations principalement informatiques. Cette décision a été vivement critiquée par la Cour des comptes, qui a pointé du doigt des pratiques de passation de marchés sans mise en concurrence et une opacité dans la gestion des fonds publics. L'ancien ministre de la santé, Olivier Véran, avait défendu ces actions en invoquant l'urgence sanitaire, mais la Cour a contesté cette justification, soulignant que nombre de ces contrats auraient pu et dû être pris en charge par les services publics. En parallèle, des cabinets comme McKinsey ont vu leurs interventions se multiplier, notamment pour la campagne de vaccination, soulevant des interrogations sur la transparence et l'efficacité de telles collaborations, souvent conclues dans des conditions discutables.
McKinsey, dont les pratiques d'optimisation fiscale ont permis d'éviter l'impôt sur les sociétés en France entre 2011 et 2021, fait l'objet d'une enquête pour blanchiment aggravé et fraude fiscale aggravée depuis mars 2022. Une perquisition a été menée au siège français de McKinsey le 24 mai 2022 dans ce contexte.
Des liens étroits avec Emmanuel Macron
Le cabinet McKinsey est également au centre des attentions en raison de ses liens avec Emmanuel Macron. Plusieurs cadres de McKinsey, comme Karim Tadjeddine, ont participé bénévolement à la campagne présidentielle de Macron en 2017, ce qui a suscité des interrogations sur une possible collusion. Ces liens, combinés à l'augmentation des contrats publics attribués à McKinsey, ont conduit à des spéculations sur un éventuel favoritisme, réfuté par Macron.
En novembre 2022, le PNF a confirmé l'ouverture de trois enquêtes pénales : une pour fraude fiscale, une sur les comptes de campagne de Macron en 2017 et 2022, et une troisième pour favoritisme. C'est dans le cadre de cette dernière que la perquisition au ministère de la santé a eu lieu. Le PNF a indiqué que les enquêtes sont en cours, notamment avec l'analyse des documents saisis lors des perquisitions.
La perquisition au ministère de la santé pourrait réveler les dérives d'un gouvernement trop dépendant des cabinets de conseil privés, au détriment de la transparence et de la souveraineté publique. Les indices sont nombreux, concordants et parfois accablants, mais réunir des preuves s'avère très ardu, car le gouvernement et la haute administration s'ingénient, comme le soulignent les sénateurs interrogés par Le Monde, à effacer, cacher et ne pas transmettre les éléments compromettants. Le gouvernement doit rendre des comptes et revoir ses pratiques pour restaurer la confiance des citoyens et garantir une utilisation juste et efficace des ressources publiques.
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Virginie BILLON| 14/06/2024-