Le développement de pratiques infirmières avancées en soins premiers en France
En France, l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques et de la multimorbidité, la nécessité d'améliorer les parcours de santé, l’implication croissante des patients et usagers, tout comme l'accent mis sur la prévention, invitent à réorganiser le système de santé et redéfinir les missions des professionnels de santé1. C’est dans cette dynamique, et dans un contexte budgétaire contraint, que s’inscrit le récent développement de pratiques infirmières avancées.
Selon la littérature internationale, comparées aux pratiques médicales habituelles, des pratiques infirmières avancées, en autonomie ou en coopération avec des médecins ou des équipes de soins, peuvent générer, en contexte de soins premiers : des soins de qualité équivalente, une satisfaction accrue des usagers, parfois une hausse des coûts liée à l’apparition d’une nouvelle offre de soins 2,3.
Le terme de pratiques avancées regroupe des réalités très diverses selon les pays, que ce soit en termes d'activités, de domaines investis ou de degré d'autonomie ou de supervision médicale3–5. De plus, leur impact semble très dépendant d’éléments contextuels, comme le niveau de concurrence dans l’offre de soins médicaux et la capacité des infirmièr.e.s de pratique avancée à travailler en collaboration avec les autres professionnels de santé2,5,6. Les résultats observés sont donc difficiles à extrapoler au contexte français, caractérisé par une stratégie de renforcement des soins premiers encore récente, une répartition inégale des professionnels de santé sur le territoire et une profession infirmière très réglementée et ayant un exercice en soins premiers majoritairement libéral 6.
En France, depuis 2004, le dispositif ASALEE (Action de santé libérale en équipe) de coopération entre médecins généralistes et infirmièr.e.s dites « délégué.e.s à la santé publique » repose sur des consultations d’éducation thérapeutique par les infirmièr.e.s et ouvre à celles-ci, par dérogation, la possibilité de prescrire des examens complémentaires, selon des protocoles prédéfinis. L’évaluation de ce dispositif a montré, d’une part, qu’il pourrait être efficient, et d’autre part, la motivation des infirmièr.e.s à s’impliquer dans des pratiques avancées et les réactions positives des médecins généralistes du dispositif 7,8.
Le développement de telles pratiques avancées nécessite une réflexion sur les pratiques, activités et domaines à soutenir en priorité en soins premiers, en tenant compte du rôle et de la contribution spécifique des soins premiers au sein du système de santé et de leurs relations avec les soins de second recours9,10. La réussite de ces pratiques sera conditionnée par la définition des missions et la place respective de chaque profession concernée ainsi que les modalités de leur exercice coordonné5. L’évaluation rigoureuse d’un tel dispositif doit tenir compte des conditions de sa mise en œuvre et viser à identifier son impact, dans une temporalité, selon des critères centrés sur les personnes et populations bénéficiant ou susceptibles de bénéficier de ces pratiques9,11.
CONSEIL SCIENTIFIQUE DU COLLEGE NATIONAL DES GENERALISTES ENSEIGNANTS
Références
1.Berland Y, Gausseron T. Mission « Démographie des professions de santé ». Tome I. Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, 2002114p.
2.Laurant M, Reeves D, Hermens R, Braspenning J, Grol R, Sibbald B. Substitution of doctors by nurses in primary care. Cochrane Database Syst Rev 2005;CD001271.
3.Specialized Nursing Practice for Chronic Disease Management in the Primary Care Setting. Ont Health Technol Assess Ser 2013;13:1‑66.
4. Pulcini J, Jelic M, Gul R, Loke AY. An international survey on advanced practice nursing education, practice, and regulation. J Nurs Scholarsh Off Publ Sigma Theta Tau Int Honor Soc Nurs 2010;42:31‑9.
5.Ambrosino F, Barrière C, Danan J-L, Lecointre B. Compétences attendues de l’infirmière de pratique avancée en France : recommandations d’experts à partir d’une étude Delphi modifiée. Rev Francoph Inernationale Rech Int 2018;4:5‑19.
6.Bourgueil Y, Marek A, Mousques J. Pratiques, rôles et place des infirmières en soins primaires dans six pays européens, en Ontario et au Québec. Rech Soins Infirm 2008;94‑105.
7.Bourgueil Y, Le Fur P, Mousques J, Yilmaz E. La coopération médecins généralistes/infirmières améliore le suivi des patients diabétiques de type 2 Principaux résultats de l’expérimentation ASALEE. Quest Déconomie Santé 2008.
8.Fournier C, Bourgeois I, Naiditch M. Action de santé libérale en équipe (Asalée) : un espace de transformation des pratiques en soins primaires. Quest Econ SANTE IRDES 2018;1‑8.
9.Stange KC, Ferrer RL. The Paradox of Primary Care. Ann Fam Med 2009;7:293‑9.
10.Starfield B, Shi L, Macinko J. Contribution of Primary Care to Health Systems and Health. Milbank Q 2005;83:457‑502.
11.Lecocq D, Mengal Y, Pirson M. Comment développer la pratique infirmière avancée dans des systèmes de soins de santé complexes ?, How to develop advanced practice nursing in complex health care systems? Santé Publique 2015;S1:105‑10.
Descripteur MESH : Soins , Santé , France , Patients , Prévalence , Médecins , Coopération , Médecins généralistes , Personnes , Personnes handicapées , Thérapeutique , Santé publique , Rôle , Québec , Professions , Pratique infirmière avancée , Ontario , Motivation , Littérature , Famille