L’incidence des cancers a doublé depuis 1990
Dans le dernier BEH, Bénédicte Lapôtre-Ledoux et ses collaborateurs ont présenté une analyse détaillée de l’incidence des cancers en France métropolitaine, en se concentrant sur les tendances depuis 1990 jusqu’à une projection pour 2023. Il en ressort un doublement des chiffres d’incidence qui s’explique essentiellement par le vieillissement de la population, la dégradation de l’environnement et des modes de vies.
Une augmentation marquée du nombre de cas de cancer
Les résultats de l’étude montrent une augmentation presque doublée du nombre annuel de nouveaux cas de cancers entre 1990 et 2023 pour les deux sexes. Les cancers de la prostate, du sein, du poumon et du côlon-rectum demeurent les plus fréquents, à l’instar de la plupart des pays européens en 2020.
Selon les estimations de l’équipe de recherche, le nombre de nouveaux cas de cancers toutes localisations confondues en France métropolitaine pour 2023 s’élève à 433 136, dont 57 % chez les hommes. Le taux d’incidence standardisé monde est de 355 cas pour 100 000 personnes-années chez les hommes et de 274 cas pour 100 000 personnes-années chez les femmes. L’âge médian au diagnostic est de 70 ans chez les hommes et de 68 ans chez les femmes.
Les cancers les plus fréquemment diagnostiqués chez les hommes sont ceux de la prostate (59 885 cas), du poumon (33 438 cas) et du côlon-rectum (26 212 cas). Chez les femmes, les cancers les plus courants sont ceux du sein (61 214 cas), du côlon-rectum (21 370 cas) et du poumon (19 339 cas).
Tendances de l’incidence des cancers de 1990 à 2023
L’étude a également examiné l’évolution de l’incidence des cancers de 1990 à 2023. Pour l’ensemble des cancers, l’incidence chez les femmes a augmenté de façon continue de 0,9 % par an depuis 1990. Chez les hommes, le taux d’incidence a augmenté en moyenne de 0,3 % par an de 1990 à 2023, avec une augmentation jusqu’en 2005, puis une diminution et une stabilisation apparente depuis 2012.
Deux cancers ont montré des tendances récentes significatives : le cancer de la prostate, avec une nouvelle augmentation de l’incidence depuis 2015, et le cancer de la thyroïde, avec une diminution de l’incidence depuis 2014. Pour ces deux cancers, les projections de l’incidence de 2019 à 2023 étaient incertaines et n’ont donc pas été réalisées.
Facteurs influençant l’évolution du nombre de cas
L’évolution du nombre de cas est liée à la fois aux évolutions démographiques (accroissement et vieillissement de la population) et aux évolutions du risque de survenue du cancer. Ce risque, mesuré par le TSM, est influencé par l’évolution de la prévalence des facteurs de risque propres à chaque type de cancer, ainsi que par les modifications des comportements des populations et des pratiques diagnostiques.
Pour les cancers induits en partie par le tabac, notamment les cancers de l’ensemble lèvre -bouche-pharynx, de l’œsophage, du poumon ou de la vessie, une diminution de l’incidence chez l’homme est observée. À l’inverse, chez la femme (sauf pour la vessie), l’incidence augmente considérablement, particulièrement pour le cancer du poumon, en lien étroit avec l’évolution de la consommation de tabac.
L’évolution de l’incidence peut être modifiée par des actions de prévention primaire ou secondaire, comme le dépistage des cancers. En 2023, le cancer du sein reste le cancer le plus fréquent chez la femme en France, avec une incidence en hausse depuis 1990. Après les variations d’incidence observées au cours des années 2000-2009, en lien avec la généralisation du dépistage organisé et les modifications de prescription du traitement hormonal substitutif de la ménopause, les hausses modérées observées sur la période récente (2010-2023) pourraient représenter une tendance pérenne, liée à l’évolution des facteurs de risque.
Conclusion
Pour limiter cette augmentation de l’incidence des cancers chez la femme et encourager leur régression chez l’homme, les auteurs proposent d’intensifier les stratégies préventives au sein des populations et des tranches d’âge à haut risque. Ils recommandent de cibler des causes évitables, comme l’obésité et la sédentarité, qui sont des facteurs de risque pour plusieurs cancers et autres maladies chroniques. De plus, le tabagisme, en particulier pour le cancer du poumon, l’infection à HPV pour le cancer du col de l’utérus, ou encore les expositions aux ultraviolets (naturels ou artificiels) pour le mélanome cutané, doivent être spécifiquement visés. Par ailleurs, la mise en œuvre d’études étiologiques est également nécessaire afin de comprendre et d’identifier les causes encore inexpliquées des tendances à la hausse.
Des études futures seront nécessaires pour évaluer ces impacts et ajuster les projections en conséquence.
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