Mise en examen d'Agnès Buzyn : le « fiasco des masques » au cœur de l’enquête de la Cour de Justice de la République
La Cour de Justice de la République (CJR) a pris vendredi 10 septembre la décision de mettre en examen Agnès Buzyn, l’ancienne ministre de la Santé pour « mise en danger de la vie d’autrui » dans le cadre de sa gestion de la crise sanitaire liée à l’épidémie de SARS-COV-2. Une première judiciaire qui si elle met la classe politique en émoi, répond aux besoins d’information non seulement des professionnels de santé mis en première ligne sans protection, mais aussi des premières victimes de la pandémie. La gestion des masques en ce début d’année 2020 est au cœur l’enquête des magistrats.
La CJR retient deux chefs d’accusation contre Agnès Buzyn
Après 6 heures d’interrogatoire mené par les 3 magistrats de la commission d’instruction et 3 heures de délibérés, la CJR a mis en examen Agnès Buzyn pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Il s’agit d’une infraction qui, selon le Code pénal, consiste à « exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». La mise en examen implique que selon les juges il existe des indices graves et concordants soutenant la culpabilité de l’ancienne ministre de la Santé. Elle encourt une peine de 15 000 euros d’amendes et d’un an d’emprisonnement.
Cette mise en examen sonne d’autant plus comme une première défaite dans le long combat judiciaire qui s’annonce que ce chef d’accusation avait initialement été écarté par la commission des requêtes de la CJR. Me Éric Dezeuze, son avocat a vainement plaidé que la mise en danger de la vie d’autrui n’était pas applicable dans le cadre d’une pandémie, car selon lui aucun texte ne régit de telle période d’exception sauf le Règlement sanitaire international, que la ministre atteste avoir respecté pleinement. Les magistrats auraient considéré que la ministre était à minima tenue par son décret de nomination qui lui impose de protéger la Santé des Français.
Ce n’est pas le seul grief qui pourrait être reproché à Agnès Buzyn par la CJR. En effet, l’ancienne ministre a été placée sous le statut de témoin assisté pour « abstention volontaire de combattre un sinistre ». Le statut de témoin assisté est un statut intermédiaire entre celui de mis en examen et celui de simple témoin. Il signifie que, selon les magistrats, il existe des indices rendant vraisemblable la participation de la ministre à cette infraction que le Code pénal définit par « quiconque s’abstient volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant, sans risque pour lui ou pour les tiers, de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes ». Si elle n’est pas à ce stade directement mise en cause pour ce motif, elle pourrait le devenir selon l’évolution de l’instruction. Ce statut lui permet d’accéder aux pièces du dossier, de garder le silence ou d’être confronté à ses accusateurs. Cette infraction peut être punie de 30 000 euros d’amendes et de 2 ans de prison.
« C’est une excellente opportunité pour moi de m’expliquer et de rétablir la vérité des faits. Je ne laisserai pas salir l’action du gouvernement ou mon action en tant que ministre » Agnès Buzyn à la presse avant son audition.
Cette mise en examen découle d’une enquête ouverte en juillet 2020 au cours de laquelle les bureaux du ministre de la Santé, d’Édouard Philippe et de Sibeth Ndiaye avaient été perquisitionnés en octobre 2020. La CJR a jugé recevables 16 plaintes sur plus de 14 000 déposées. Défaut d’anticipation, négligence, manquements à l’obligation de prudence, mensonges d’État, refus de prise en charge médicale, les reproches formulés par les plaignants sont multiples. Parallèlement à cette enquête de la CJR, le parquet de Paris a ouvert 4 informations judiciaires mettant en cause les autorités sanitaires et notamment le directeur général de la santé (DGS) Jérôme Salomon.
« Même Trump, qui a suggéré des injections d’eau de Javel pour guérir le Covid, n’a pas eu droit à un traitement de faveur pareil ; je suis la seule dirigeante de la planète à subir un tel sort » Agnès Buzyn selon le JDD après sa mise en examen.
Politisation de la justice et judiciarisation de la vie politique
La mise en examen d’Agnès Buzyn a mis la classe politique en émoi et a suscité une salve de critiques à l’encontre de la CJR oscillant entre la politisation de la justice et les risques de judiciarisation de la vie politique.
Mario Stasi, avocat du cabinet Obadia Stasi, et militant pour la suppression de la CJR dénonce pour le point « Cette immixtion du judiciaire sur le terrain politique est préoccupante pour les libertés individuelles. ». « Il s’agit de nourrir le désir de l’opinion publique de désigner des responsables dans une atmosphère de haine civile », commente l’ancien bâtonnier de Paris Christian Charrière-Bournazel.
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger s’est lui aussi ému de la situation d’Agnès Buzyn sur FranceInter. Il considère que la CJR « jette à la vindicte populaire des responsables politiques qui ont sans doute fait leur travail comme ils ont pu. Peut-être avec des erreurs, sûrement avec des erreurs ». « C’est facile de refaire le match un an après ».
« Le principe de précaution dévoyé et la menace de poursuites judiciaires sont deux principes qui tueront la prise de décision politique. Espérons que cette mise en cause d’Agnès Buzyn nous y fasse tous réfléchir. On ne doit rendre des comptes politiques que devant les électeurs », le député LREM de Paris Sylvain Maillard sur twitter.
Si pour Sylvain Maillard les comptes politiques doivent être rendus devant les électeurs, pour les juristes, les ministres ne sont pas au-dessus des lois.
« De la même manière qu’un chef d’entreprise est responsable pénalement et civilement, c’est la même chose pour un dirigeant politique. Ces derniers sont responsables politiquement de leurs actes, mais aussi civilement et pénalement », explique sur Mediapart Antony Taillefait, professeur de droit public à l’Université d’Angers. « La responsabilité devant les électeurs n’épuise pas la responsabilité de nature juridique ».
#BuzynGate
& mdash ; Doc/Prof. Laurent Thines (@LaurentThines) September 12, 2021
Face à une affaire de cette ampleur il apparait d’autant plus nécessaire d’engager la responsabilité pénale des hommes politiques que même après une condamnation ferme et définitive, ils ne sont pas toujours sanctionnés par les électeurs loin de là.
« Chercher des responsabilités oblige à revenir dans le passé pour interroger la prévention des pandémies, en se penchant sur le niveau de préparation et les décisions prises à ce sujet par certains hauts fonctionnaires, ministres ou bien même médecins. » déclarait à Bastamag Marie-Odile Bertella-Geffroy, ancienne juge d’instruction du pôle santé publique qui a instruit l’affaire du Sang Contaminé. Interroger la prévention des pandémies, c’est bien ce que semblent chercher les magistrats de la CJR.
En effet selon le Figaro et le Monde, ils s’intéresseraient en priorité à la responsabilité de la ministre face au manque d’efficacité et d’anticipation de son administration au début la crise sanitaire notamment en ce qui concerne la gestion des stocks de l’équipement de protection individuel (EPI) et particulièrement les masques FFP2 et les masques chirurgicaux.
L’abandon de la préparation au risque de pandémie a entrainé une pénurie de masques dès le mois de mars 2020
Rappelons de façon synthétique qu’en 2010, la France dispose d’un stock d’un milliard de masques chirurgicaux et de 700 millions de masques FFP2. En janvier 2020 quelques jours avant le déclenchement de l’épidémie, les stocks sont respectivement de 100 millions et de zéro selon le rapport d’enquête parlementaire publié par le Sénat le 10 décembre 2020, un rapport remarquable, mais néanmoins consternant à bien des égards, tant il énumère de nombreux dysfonctionnements de l’appareil d’État et met en lumière des comportements indignes de la fonction publique. Les sénateurs lèvent le voile sur l’abandon de la préparation de l’Etat au risque de pandémie pour des raisons budgétaires et politiques, mais en dépit de la doctrine en vigueur et contre l’avis des scientifiques qui documentent ce risque depuis plus de 30 ans.
Jérôme Salomon ordonne la destruction de 600 millions de masques en 2018
Concernant les masques chirurgicaux, le rapport sénatorial charge clairement Jérôme Salomon. Celui-ci aurait ordonné à partir de 2018 la destruction de plus de 600 millions de masques non conformes à la réglementation et n’en aurait commandé que 50 millions d’unités pendant cette période. Les sénateurs dénoncent une commande « sans lien avec la doctrine et les pratiques en vigueur », une commande faite par un seul homme, et contre l’avis d’un groupe d’expert sur qui Jérôme Salomon aurait par ailleurs exercé des pressions pour qu’ils modifient les conclusions initiales de leur rapport qui préconisait la constitution d’un stock d’État de 1 milliard de masques.
Si, en ce qui concerne la gestion des masques FFP2, les responsabilités sont probablement partagées entre les différents ministres en poste depuis 10 ans, il n’en demeure pas moins que l’abandon des stocks stratégiques de masques FFP2 s’est fait en dépit :
- Du plan gouvernemental de prévention et de lutte « pandémie grippale » publié en 2006 et mise à jour en 2009 et 2011
- De l’avis du HCSP publié en 2011 redéfinissant les indications de masque suite à la pandémie H1N1 de 2009
- De la doctrine élaborée par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), en date du 16 mai 2013, relative à la protection des travailleurs
Au cours de leur audition par le Sénat, les autorités sanitaires ont à plusieurs reprises justifié la disparition du stock de masques FFP2 par une « interprétation tronquée et exagérément restrictive des deux doctrines élaborées en 2011 et 2013 conduisant à un désarmement alarmant de l’État en cas de crise ».
Les sénateurs poussent plus avant leur critique et dénoncent clairement une réécriture de l’histoire a posteriori visant à dédouaner l’actuel gouvernement.
« L’absence de préparation du pays à une crise sanitaire […] ne découle en rien d’une décision d’il y a neuf ans, mais d’un enchaînement de décisions initié en avril 2017 et dont l’élément principal a été la décision d’octobre 2018 de ne quasiment pas remplacer les 613 millions de masques à détruire »
La vérité sur cette période 2010-2020 est peut-être sortie de la bouche de Didier Houssin qui a déclaré devant les sénateurs que la préparation interministérielle au risque pandémique aurait été « plus ou moins abandonnée […] pour des raisons à la fois politiques et financières…puisque nous en avions trop fait entre 2005 et 2009 : il fallait cesser d’investir dans la préparation. De mon point de vue, la planification interministérielle a été stoppée et l’Éprus [en charge des masques] a été inclus, pour ne pas dire dissous dans Santé publique France ».
Certains dirigeants politiques en poste depuis 2010 auraient-ils été frappés par le « syndrome Roselyne Bachelot » qu’ils en auraient décidé de ne pas respecter la doctrine en vigueur ? À moins que d’autres y ait vu l’opportunité, « courtermiste » selon les mots de Xavier Bertrand, de faire quelques économies supplémentaires sur le dos du secteur de la Santé, cheval de bataille de tous les gouvernements depuis une dizaine d’années. La question mérite pour le moins d’être posée et pourrait raisonnablement l’être à celui qui a occupé les fonctions de ministre de l’Économie avant de devenir l’actuel président de la République s’il n’était pas couvert par son « immunité présidentielle ».
« Vous savez, le problème dans ce cas-là, c’est que vous subissez aussi le “syndrome Roselyne Bachelot” tout le monde vous regarde comme quelqu’un qui perd ses nerfs ». Agnès Buzyn devant le Sénat le 23 septembre 2020.
Cet abandon de la préparation au risque pandémique, s’il est établi, est-il opposable juridiquement voire pénalement aux responsables politiques et à Agnès Buzyn en particulier ? Si cela semble faire débat parmi les experts en droit, pour beaucoup de professionnels de santé, il semble évident que les textes définissant la réponse que l’État doit apporter en matière de préparation aux risques d’épidémie de virus respiratoires n’ont pas été respectés du moins concernant les masques.Tant et si bien que dès le démarrage de la phase épidémique, le système de santé français est gangréné par la pénurie de moyens de protection individuelle. Une pénurie qui sera déniée pour ne pas dire occultée par l’ancienne ministre, son DGS, mais aussi par Olivier Véran qui lui succèdera dès le 16 février 2020.
La gestion des masques en phase pré-épidémique défaillante
Alors que depuis 2018, Jérôme Salomon connait parfaitement l’état des stocks de masques, il ne juge pas pertinent d’en informer sa ministre, et ce même malgré les signes avant-coureurs du déclenchement de la pandémie et les premiers messages d’alerte émis par son service dès le 9 janvier.
C’est Agnès Buzyn qui prend en effet l’initiative d’interroger Santé Publique France (SPF) sur le niveau des stocks le 24 janvier, 2 jours après la confirmation de la transmission interhumaine du coronavirus SARS-Cov-2. Elle est donc informée le 24 janvier que les stocks de masques sont positionnés à un dixième de ce que recommande la doctrine en vigueur pour les masques chirurgicaux et que l’Etat ne dispose pas de FFP2 alors que les stocks d’État auraient dû être de plusieurs centaines de millions. Elle ne connait pas à ce moment le niveau des stocks de masques utilisés pour la consommation courante des hôpitaux ni celui des libéraux.
Pourtant, le 26 janvier devant les caméras, Agnès Buzyn balaye d’un revers de la main tout risque de pénurie : « nous avons des dizaines de millions de masques en stock. […] Si un jour nous devions proposer à telle ou telle population ou personne à risque de porter des masques, les autorités sanitaires distribueraient ces masques aux personnes qui en auraient besoin ». Un ton rassurant qui tranche avec 2 décisions qu’elle prendra par la suite.
- le 28 janvier, elle demande en effet aux ARS d’évaluer les stocks de certains produits (dont les masques FFP2) dans les 600 établissements de santé ayant des services d’accueil des urgences et des services de maladies infectieuses et tropicales.
- Le 30 janvier elle ordonne sa première commande de masque FFP2 qui ne sera que de 1,1 million d’unités.
Le 6 février une note de la DGS sonne l’alerte sur l’absence de stock de masques des professionnels libéraux et sur le niveau inquiétant des stocks des hôpitaux de plusieurs régions.
« Vous ne pouvez pas dire que je n’ai pas anticipé, je ne laisserai pas dire que les services n’ont pas anticipé. » Agnès Buzyn devant les sénateurs.
Le 16 février Agnès Buzyn démissionnera pour briguer la mairie de Paris et sera remplacée par Olivier Véran. Plusieurs mois seront nécessaires pour constituer des réserves en adéquation avec les besoins réels des professionnels de santé. Elle déclarera au Monde le 17 mars 2020 qu’au moment où elle quitte ses fonctions ministérielles qu’elle « savait que la vague du tsunami était devant nous ».
Chronologie de la gestion des masques de janvier à mars 2020
- Le 24 janvier Agnès Buzyn est informée par Santé publique France de l’état des stocks de masques (100 millions de masques chirurgicaux et aucun FFP2)
- Le 26 janvier Agnès Buzyn face aux caméras écarte les risques de pénurie de masques en cas de pandémie
- Le 30 janvier, l’Organisation mondiale de la santé qualifie l’épidémie de coronavirus d’urgence de santé publique de portée internationale. La France compte alors 6 cas sur son territoire et quelque 200 Français vont être rapatriés de Wuhan.
- Le 30 janvier, selon un document que s’est procuré Mediapart au cours d’une enquête édifiante, la DGS passe la commande de 1,1 million de masques FFP2 et 500 000 surblouses afin d’approvisionner les hôpitaux
- Le 6 février une note de la DGS sonne l’alerte sur l’absence de stock de masques des professionnels libéraux et sur le niveau inquiétant des stocks des hôpitaux de plusieurs régions
- Le 7 février, la DGS aurait selon Mediapart passé la commande de 28,4 millions de masques FFP2 à Santé Publique France, qui ne contacte que les 3 principaux fabricants français.
- Durant le mois de février, les stocks de masques officinaux sont dévalisés, la demande mondiale explose, les vols se multiplient, les délais de livraison s’envolent.
- Le 11 février, selon Mediapart, les autorités réalisent que la livraison espérée des 28,2 millions de masques FFP2 est compromise tant en raison des difficultés de production et de livraison que des procédures de commandes inadaptées à l’urgence de la situation.
- Le 16 février Agnès Buzyn démissionne et est remplacée par Olivier Véran
- Le 24 février Olivier véran déclare en conférence de presse « Il n’y a donc aucun problème d’accès à ces masques pour toutes celles et ceux qui en ont besoin ». Le président de MG France, Jacques Battistoni confiera à Libération «Il n’y a pas de stock de FFP2, Olivier Véran me l’a confirmé »
- Le 26 février Olivier Veran annonce qu’une nouvelle commande publique de plusieurs dizaines de millions masques FFP2 a été passée. Mediapart évoque le chiffre de 175 millions pour tenir 3 mois. Pour Jérôme SALOMON, « Il n’y a pas de sujet de pénurie »,
- Le 3 mars 2020, Olivier Veran affirme à l’Assemblée nationale qu’à la suite d’une « grande concertation » post H1N1, la France aurait cessé de renouveler ses stocks de masques FFP2 depuis 2011. Or ni les médias, ni les hôpitaux, ni les syndicats de médecins n’étaient au courant de cette décision prise en dépit des recommandations du HCSP et de la SF2H alors en vigueur.
- Le 3 mars 2020, le directeur général de la Santé exclut de distribuer des masques FFP2 en médecine de ville pour les réserver aux personnels hospitaliers pratiquant des gestes invasifs. La doctrine de 2011 qui prévoyait des protections de type AIR et donc des FFP2 pour tous les soignants est remplacée par une doctrine de protection « gouttelettes » qui limite les besoins de protection à des masques chirurgicaux. Les syndicats de médecins libéraux sont furieux.
- Le 4 mars 2020, la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) s’appuie sur une recommandation de l’OMS destinée aux pays en manque d’EPI pour émettre un avis qui justifie de réserver les masques FFP2 aux personnels hospitaliers qui réalisent des gestes invasifs. Ces recommandations sont loin de faire l’unanimité.
- Le 4 mars 2020, l’État annonce la réquisition de « tous les stocks et la production de masques de protection »pour les distribuer aux soignants et aux personnes atteintes du coronavirus.
- Le 13 mars la doctrine de gestion des masques change à nouveau. L’état distribue au compte-goutte en médecine de ville, des masques FFP2 parfois périmés.
- Au 21 mars selon Mediapart 40 millions de masques auraient été livrés, dont la moitié aurait été importée
Les avocats des plaignants se félicitent non seulement de la mise en examen rapide de l’ancienne ministre, mais aussi que la CJR ait retenu le chef d’inculpation de mise en danger de la vie d’autrui.
« Dans nos plaintes, nous dénoncions l’inaction du gouvernement, le non-réapprovisionnement en masques et le maintien du premier tour des municipales. Là, c’est encore plus grave, ça implique une action délibérée : quand on est ministre et qu’on fait des déclarations, cela est suivi d’actes. Si l’on vous dit que les masques ne servent à rien, vous n’allez pas porter de masques, et vous allez être contaminé », explique Me Nabil Boudi sur Mediapart.
« Cette mise en examen est totalement logique d’un point de vue purement juridique, puisqu’en droit, lorsqu’il y a des indices graves et concordants laissant présumer qu’une personne ait pu commettre une infraction on doit mettre en examen. Concernant Mme Buzyn, il n’y a pas qu’un indice grave, il y en a un certain nombre. » Me Yassine Bouzrou sur Francetvinfo
Olivier Véran et Édouard Philippe dans le viseur de la CJR
La CJR devrait convoquer dans les semaines à venir l’ancien premier ministre, Édouard Philippe, et l’actuel ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran concernant le motif d’abstention volontaire de combattre un sinistre. Selon le monde, la CJR cherchera notamment à déterminer si la pénurie de masques a été sciemment dissimulée par ces responsables politiques.
Sur cette période post Buzyn de la gestion de l’épidémie, le rapport sénatorial est également accablant pour Olivier Véran et pour l’ensemble du gouvernement.
« Le fiasco des masques a été sciemment dissimulé par le Gouvernement durant la crise » rapport sénatorial
Les sénateurs évoquent en effet non seulement une pénurie, mais aussi un fiasco sciemment dissimulé.
« Plusieurs responsables politiques et sanitaires ont, à plusieurs reprises, nié aveuglément la pénurie des EPI, minimisé grandement la responsabilité des pouvoirs publics en la matière, et présenté une version déformée de la chronologie des faits. Ces arrangements avec la vérité ont eu lieu face aux citoyens et face au Parlement, que ce soit lors des débats parlementaires ou devant la commission d’enquête. »
Lors d’une conférence de presse, le 24 février 2020, le ministre de la Santé a ainsi déclaré que « la France dispose de stocks massifs de masques chirurgicaux, si nous avions besoin d’en distribuer. Sur ces masques, nous disposons de stocks stratégiques dans les hôpitaux, dans un très grand nombre de cabinets libéraux, et dans un grand nombre de services de l’État, qui nous permettent de faire face à la demande […]. La commande permettra de répondre à la totalité des besoins qui pourraient se faire ressentir, quelle que soit la situation que la France pourrait connaitre du point de vue de la menace épidémique. Que les gens soient rassurés. »
Lors d’une audition par la commission des affaires sociales du Sénat le 26 février, Jérôme Salomon a déclaré que « Santé publique France détient des stocks stratégiques importants de masques chirurgicaux. Nous n’avons pas d’inquiétude sur ce plan. […] Il n’y a donc pas de pénurie à redouter. »
Pour les sénateurs « plusieurs éléments permettent d’affirmer que les responsables en place savaient déjà, à cette époque, que la quantité de masques disponibles était loin d’être rassurante » :
- une note de la DGS en date du 6 février 2020 alertait déjà Mme Buzyn que les professionnels libéraux ne disposaient pas de masques et que le stock des hôpitaux de plusieurs régions était inquiétant, contrairement à ce qui a été déclaré par M. Véran le 24 février ;
- à cette date, la DGS a déjà demandé à quatre reprises en un mois à Santé publique France de commander en urgence des masques,
- le 27 février, le ministre aurait affirmé au président de MG FRANCE, le jour même de sa déclaration à la presse, qu’il n’y aurait en réalité pas de stock de FFP2 ;
Les sénateurs reprochent également à l’actuel ministre de la Santé d’avoir exagéré les qualités d’anticipation de l’état.
Le 21 mars, le ministre de la Santé M. Véran explique en effet lors d’une conférence de presse que « c’est parce que nous avons, dès le début, considéré que la disponibilité en masques allait être une difficulté dans la gestion de cette crise qu’il a été décidé de recourir dès le mois de janvier à l’importation de masques, en provenance de tous les pays producteurs, avant même les premiers cas sur le territoire national ».
Or les sénateurs mettent en avant que si une commande a bien été passée fin janvier, elle n’était que de 1,1 million de masques. Il faudra attendre la fin du mois de février pour qu’une commande de 170 millions de masques FFP2 soit passée.
L’épidémie se déclare dans un climat de défiance
L’Etat a non seulement abandonné la préparation au risque pandémique ignorant la doctrine en vigueur, mais il a également dissimulé sciemment la pénurie de masques de protection individuelle.
Cette impréparation et ces mensonges auront pour conséquences :
- de conduire un grand nombre de professionnels de santé à affronter sans moyen de protection adapté la première vague épidémique en ce début d’année 2020 favorisant ainsi les contaminations notamment des personnes les plus fragiles tant à l’hôpital qu’en EHPAD ou en médecine de ville ;
- d’instiller un climat de défiance entre le gouvernement et une partie de la population française, qui se traduira pour certains par une opposition farouche à la vaccination, pourtant probablement la plus belle réussite de ce gouvernement dans sa gestion de l'épidémie et notre meilleur espoir collectif de sortie de crise.
Descripteur MESH : Masques , Santé , Politique , Vie , France , Risque , Gouvernement , Santé publique , Hôpitaux , Face , Médecins , Médecine , Paris , Sécurité , Personnes , Nature , Mars , Logique , Coronavirus , Climat , Population , Gestes , Syndicats , Goutte , Bouche , Avocats , Virus , Économies , Sang , Pandémies , Chronologie , Dos , Haine , Hommes , Mort , Urgences , Éléments , Travail , Lutte , Vaccination , Injections , Culpabilité , Air , Atmosphère , Lumière , Prise de décision
2 réaction(s) à l'article Mise en examen d'Agnès Buzyn : le « fiasco des masques » au cœur de l’enquête de la Cour de Justice de la République
nathalie hurtaud| 21/09/2021-
pour les veuves de nos confrères généralistes qui ont travaillé sans masque
pour tous les soignants dont elle s'est moqué en mentant de la sorte
pour tous les français ...
méprisant gouvernement qui empilait mensonge sur mensonge pour ne pas assumer
gael gg| 21/09/2021-
L'action du gouvernement est condamnée avant que le jugement n'ait eu lieu.
Pourquoi ne parle-t-il pas des recommandations de l'OMS sur le port du masque ?
Les gens ont la mémoire courte, il n'y avait pas de consensus scientifique sur la question !
On entendait aussi sur les antennes M. Raoult qui répétait que le virus se transmettait principalement par contact et non par les airs !
C'est toujours facile de critiquer à postériori.
Quelques questions :
- Pourquoi a-t-il fallut attendre cette épidémie pour que les professionnels de santé portent des masques ?
- Pourquoi les masques ne faisaient pas partie de l'équipement de base des professionnels ?
- Pourquoi les professionnels indépendants dépendent à ce point des fournitures de l'état pour du matériel de protection basique ?
etc...