Les violences sexistes et sexuelles envers les infirmières : une problématique systémique à traiter d’urgence

Les violences sexistes et sexuelles envers les infirmières : une problématique systémique à traiter d’urgence Avec près d’une infirmière sur deux déclarant avoir subi des violences sexistes et sexuelles, le secteur de la santé fait face à une crise structurelle. À travers des chiffres alarmants et des témoignages, l’Ordre National des Infirmiers appelle à une mobilisation collective pour prévenir, accompagner et sanctionner.

Une prévalence alarmante des violences

Selon une enquête de l'Ordre National des Infirmiers (ONI), 64 % des infirmières et infirmiers déclarent avoir été victimes de violences dans leur cadre professionnel, et 49 % rapportent des violences sexistes ou sexuelles. Ces chiffres révèlent une situation préoccupante au sein du milieu infirmier.

Les formes de violences rapportées incluent des réflexions inappropriées ou dégradantes (39 %), des outrages sexistes (21 %), des agressions sexuelles (4 %) et, dans de rares cas, des viols (0,13 %). Ces comportements inacceptables affectent profondément la vie professionnelle et personnelle des victimes.

Des répercussions significatives sur les carrières et la santé

Les conséquences des VSS sur les infirmières sont multiples. Selon l'étude, 37 % des victimes ressentent un sentiment d'insécurité au travail, 19 % constatent une détérioration des relations professionnelles, et 12 % ont dû changer de secteur d'activité.

Pour Sylvaine Mazière-Tauran, présidente de l'ONI, ce changement d’activité peut parfois être perçu comme une nécessité, voire une fuite, pour se protéger ou échapper à une situation insupportable. Elle a également pointé du doigt la représentation du métier, souvent associé à une image de profession « légère », qui contribue à un imaginaire favorisant des comportements inappropriés.

Pour infirmiers.com elle rappelle la dimension systémique de ces conséquences : « Ce changement d’activité représente quelquefois une fuite ou paraît obligatoire pour se protéger, pour échapper à la situation »

35 % des victimes évoquent également des effets négatifs sur leur santé mentale ou physique, tandis que 26 % signalent des répercussions sur leur vie sociale et intime.

Ces violences surviennent dans divers contextes professionnels, des hôpitaux (75 %) à l'exercice libéral (31 %), et même durant la formation initiale (près d'un quart des répondants). Les étudiants en soins infirmiers sont particulièrement vulnérables, avec des taux d'abandon atteignant 30 % pour les diplômés de moins de cinq ans.

Des solutions pour lutter contre les violences

Face à ce constat alarmant, l'ONI propose un plan d'action structuré autour de trois axes : prévention, accompagnement et sanction. Les recommandations incluent :

  • Former dès la formation initiale : Intégrer la lutte contre les VSS dans les cursus des Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) et renforcer les modules de formation continue pour les professionnels et administratifs.

  • Mettre en place des référents dédiés : Chaque établissement devrait disposer d'un interlocuteur formé et indépendant pour accompagner les victimes.

  • Faciliter les démarches : Simplifier les systèmes de déclaration et garantir une prise en charge rapide et confidentielle des signalements.

  • Sanctionner les auteurs : Renforcer les sanctions administratives et judiciaires, tout en protégeant les victimes par des mesures comme la suspension préventive des agresseurs.

Une mobilisation nécessaire de tous les acteurs

Bien que certains outils soient déjà en place, comme les référents violences au sein des conseils départementaux de l’ONI ou les plateformes de signalement dans certains établissements comme l’AP-HP, l’enquête montre que :

  • 38 % des victimes n’ont entrepris aucune démarche après une agression ;
  • Seules 2 % vont jusqu’à porter plainte ou déposer une main courante.

Les raisons avancées incluent :

  • La peur des répercussions sur la carrière (36 %) ;
  • Le manque d’information sur les droits et démarches (19 %) ;
  • L’appréhension face à la solitude dans ces démarches (10 %).

La méconnaissance des dispositifs est un frein majeur, avec 46 % des infirmières indiquant ne pas bien connaître leurs droits, et 18 % déclarant les ignorer totalement.

60 % des participants perçoivent une prise de conscience croissante dans le secteur, offrant une lueur d'espoir.

L'ONI appelle à une mobilisation des pouvoirs publics et des établissements de santé pour faire de la lutte contre les VSS une priorité. En 2025, une campagne de sensibilisation sera déployée pour mieux informer les professionnels et renforcer les dispositifs d'accompagnement.

La sanction des auteurs de violences sexistes et sexuelles passe par une révision de la circulaire de 2013 pour améliorer la communication entre le Parquet et les Ordres de santé. Cette modification vise à accélérer les signalements et les procédures disciplinaires contre les soignants impliqués, conformément au code de déontologie. Sylvaine Mazière-Tauran souligne l'importance d'un changement culturel et éducatif au sein de toutes les professions de santé, appelant les Ordres à collaborer activement sur ce sujet.

L’ONI insiste également sur un changement culturel nécessaire dans le secteur de la santé. La lutte contre les VSS doit être un critère d’évaluation des établissements et inclure des actions de sensibilisation auprès des patients.

Comparaison avec l’enquête de l’Ordre des médecins

L’enquête menée par l’Ordre des médecins, publiée trois semaines avant celle de l’ONI, révèle des tendances similaires en matière de violences sexistes et sexuelles dans le secteur de la santé. Parmi les faits marquants, environ 50 % des femmes médecins déclarent avoir été victimes de violences sexistes au travail. Comme pour les infirmières, les comportements les plus signalés incluent des réflexions sexistes, des propos inappropriés, et des agressions physiques ou sexuelles.

Ces similitudes montrent que les VSS ne sont pas confinées à une seule profession ou à un type d’établissement, mais qu’elles s’inscrivent dans une problématique systémique. Les deux enquêtes mettent également en évidence un silence persistant des victimes. Dans les deux professions, une grande majorité des répondants craignent des répercussions sur leur carrière ou doutent de l’efficacité des démarches.

Cependant, des spécificités émergent :

  • Chez les médecins, les auteurs sont souvent des collègues médecins ou des supérieurs hiérarchiques.
  • Chez les infirmières, les violences proviennent fréquemment de patients, en particulier dans le cadre libéral.

Cette comparaison souligne l'importance d’adapter les réponses en fonction des spécificités des professions tout en travaillant à un changement culturel global dans le milieu de la santé.

Les spécificités des infirmières libérales : une vulnérabilité accrue

L’enquête de l’ONI montre que les infirmières exerçant en libéral sont particulièrement exposées aux violences sexistes et sexuelles. Ces professionnelles, souvent isolées dans leur pratique, sont confrontées à des situations délicates, notamment lors de visites à domicile. 80 % des infirmiers libéraux ayant subi des violences les attribuent à des patients ou à leur entourage, un chiffre bien supérieur à celui observé dans les hôpitaux.

Cette exposition particulière s’explique par plusieurs facteurs :

  1. Isolement professionnel : Contrairement aux hôpitaux où les soignants travaillent en équipe, les infirmières libérales interviennent souvent seules, sans témoin pour les protéger ou attester d’une agression.
  2. Environnement non contrôlé : Les visites à domicile exposent les infirmières à des contextes variés, parfois dangereux, où les règles de sécurité de l’hôpital ne s’appliquent pas.
  3. Rapports de proximité : Le lien direct avec les patients peut rendre les frontières professionnelles floues et favoriser des comportements inappropriés.

Mesures spécifiques pour les protéger :

  • Une révision du code déontologique est en cours pour permettre aux infirmières libérales de se retirer d’une situation dangereuse, malgré l’obligation de continuité des soins.
  • L’ONI propose d’étendre la coordination avec les Agences Régionales de Santé (ARS) pour assurer un suivi des cas signalés et sécuriser l’intervention des soignants.

Ces efforts visent à répondre aux besoins des infirmières libérales, en adaptant les mécanismes de prévention et de protection à leurs contraintes professionnelles uniques. Toutefois, leur succès dépendra de la mise en place effective des mesures et de la sensibilisation accrue des professionnels comme des patients.

Cette enquête met en lumière une réalité systémique des violences sexistes et sexuelles dans le milieu infirmier. Les dispositifs existants sont insuffisants pour protéger les soignantes et soignants, mais des solutions concrètes sont envisageables. La mise en œuvre rapide des recommandations de l’ONI pourrait transformer le milieu professionnel et garantir un environnement de travail sûr et respectueux.

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