60 % plus létal, le variant anglais serait associé à deux fois plus de risque de formes sévères nécessitant une prise en charge en réanimation

60 % plus létal, le variant anglais serait associé à deux fois plus de risque de formes sévères nécessitant une prise en charge en réanimation De plus en plus d’études comparant les effets du variant anglais aux souches historiques convergent pour établir qu’au-delà d’une plus grande contagiosité, le variant anglais serait corrélé à une augmentation du risque de décès de l’ordre de 60 % et à un doublement du risque de subir une forme sévère nécessitant des soins intensifs dans les services de réanimation.

+ 64 % de risques de décès selon une étude de cohorte appariée

Fin janvier, le NERVTAG, avait déjà vendu la mèche. Ce groupe d’expert qui conseille le gouvernement anglais sur la gestion de l’épidémie, avait qualifié de réaliste, le fait que la létalité du variant B.1.1.7 soit supérieure de 30 à 40 % à celle des autres lignées génétiques. Il avait basé son analyse sur plusieurs études, dont celle qui vient d’être publiée le 10 mars dernier dans le prestigieux BMJ.

Il s’agit d’une étude de cohorte appariée portant sur l’analyse des données de plus de 110 000 sujets britanniques. Elle a permis d’établir que pour 1000 cas détectés, le variant anglais est associé au décès de 4,1 personnes contre 2,5 pour les souches « historiques ».

Pour être inclus dans l’étude, les patients devaient être âgés de 30 ans ou plus, ne pas être hospitalisés au moment de l’inclusion et présenter un seul résultat de test PCR positif avec un nombre maximum de cycles d’amplification. Les tests positifs ne précisant pas la valeur du CT ont donc été systématiquement exclus.

54 906 couples de cas positifs entre le 1er octobre 2020 et le 29 janvier 2021 ont été appariés en fonction de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique, de l’indice de privation multiple, de la région et de la date du test. L’un des deux patients de chaque couple était infecté avec le variant anglais (B.1.1.7) alors que l’autre l’était avec une autre lignée génétique.

227 décès se sont produits dans le groupe « B.1.1.7 » contre 141 décès pour l’ensemble des autres lignées. Le variant anglais serait donc 64 % plus mortel (IC 95 % [1,32 ; 2,04]) que les autres souches estiment les chercheurs.

Si les auteurs conviennent de biais possibles liés tant au design de l’étude qui s’est limitée aux patients non hospitalisés qu’au moment où elle a été réalisée à savoir la flambée épidémique qui a lourdement touché le Royaume-Uni au début du dernier hiver, pour eux il est clair que le variant anglais « B.1.1.7 » a le potentiel pour être significativement plus mortel que les souches historiques.

+ 67 % de risques de décès selon une seconde étude non encore validée

Une autre étude publiée en preprint le 8 mars et non encore évaluée par des pairs a permis d’obtenir des conclusions équivalentes avec un risque accru de décès de 67 % pour un IC à 95 % de [34 ; 109] en cas d’infection avec le variant anglais versus un autre variant.

Les données ont été extraites de la plateforme de recherche OpenSAFELY, qui couvre 40 % de la population anglaise enregistrée auprès d’un médecin généraliste.

Les vaccinations contre le SRAS-CoV-2 et les diagnostics antérieurs à la période de l’étude étaient des critères d’exclusion. La lignée du variant à l’origine de l’infection était connue pour 184 786 cas sur les 441 161 cas disponibles dans la base de données. 91 775 cas étaient infectés avec le variant anglais (groupe VOC) et 93 011 cas étaient infectés avec un virus d’une autre lignée génétique (groupe non VOC)

Un total de 867 décès sont survenus toutes causes confondues avant le 5 février 2021, 419 dans le groupe VOC et 448 dans le groupe non-VOC.

Si le nombre absolu de décès est comparable d’un groupe à l’autre, les groupes n’étaient pas homogènes. Les patients inclus dans le groupe VOC étaient sensiblement plus jeunes et avaient moins de facteurs de comorbidités.

Pour redresser les résultats, les auteurs ont donc calculé un risque relatif en utilisant le modèle à risques proportionnels de Cox.

« Dans une analyse entièrement ajustée tenant compte des données démographiques et des comorbidités, les risques étaient deux tiers plus élevés dans le groupe VOC : 1,67 (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 1,34 - 2,09 ; P <0,0001). Les risques accrus étaient cohérents dans toutes les analyses de sous-groupes pré-spécifiées, y compris la semaine épidémiologique, le groupe d’âge, le nombre de comorbidités, l’origine ethnique et le quintile de l’indice de privation multiple. »

Pour les auteurs, cette étude souligne l’importance des campagnes de vaccination et des mesures de contrôle de la circulation virale qui si elle n’était pas maitrisée pourrait être à la fois plus rapide et plus mortelle qu'avec les souches historiques.

Deux fois plus de risque de formes sévères et 59 % de risque de décès supplémentaires avec le variant anglais

Enfin une dernière étude publiée également en PrePrint le 12 mars s’est intéressée au risque relatif de mortalité et d’entrée en réanimation selon que le virus à l’origine de l’infection était le variant anglais ou un autre variant.

2 cohortes ont pu être extraites en croisant les données issues de la base QResearch comprenant 45 millions de dossiers médicaux anonymisés, la base de données anglaise CMP des soins intensifs ainsi que la base de données PHE relative aux tests PCR Covid-19.

La première cohorte a été utilisée pour explorer l’association entre le B.1.1.7 et l’admission en soins intensifs et la mortalité à 28 jours. La seconde a été utilisée pour évaluer le risque relatif de mortalité.

Les données brutes ont été ajustées à l’aide des modèles de Royston-Parmar pour l’âge, le sexe, la région, les autres données sociodémographiques et les comorbidités (asthme, BPCO, type I et II, hypertension).

La première cohorte comprenait 198 420 patients, dont 80 494 avaient le variant B.1.1.7. 712 étaient gravement malades et suivis en soins intensifs. 630 sont décédés avant 28 jours. La deuxième cohorte comprenait 3 432 patients gravement malades. Parmi eux, 2019 avaient le variant anglais et 822 sont décédés à la fin des soins intensifs.

En utilisant la première cohorte, les auteurs ont estimé que les rapports de risque ajustés pour l’admission en soins intensifs et la mortalité étaient respectivement de 1,99 (IC 95 % : 1,59, 2,49) et 1,59 (IC 95 % : 1,25-2,03) pour le variant B.1.1.7 par rapport au groupe de la souche « historique ».

Le rapport de risque ajusté pour la mortalité en soins intensifs, estimé à l’aide de la deuxième cohorte, était de 0,93 (IC 95 % : 0,76-1,15) pour les patients avec le variant B.1.1.7, par rapport à ceux qui ne l’avait pas.

Pour les auteurs, le variant anglais B.1.1.7 semble être plus à même de provoquer des formes sévères nécessitant une admission en soins intensifs. Il serait également lié à une augmentation du risque de décès comparativement à ceux qui ont été infectés par un autre variant. Cependant si on limite l’analyse aux patients en réanimation, la lignée génétique n’a pas de conséquences sur les risques de décès.

Une épidémie dont l'évolution est plus que jamais incertaine

Si le variant anglais est plus enclin à générer des formes suffisamment graves de la covid-19 pour nécessiter une prise en charge dans les unités de soins intensifs, cela pourrait contribuer à expliquer pourquoi depuis des semaines, les urgentistes sont de plus en plus nombreux à témoigner voir des patients avec des profils plus jeunes.

« Au début de la seconde vague, on avait des patients plus âgés. Et là, depuis 10-15 jours, on a des patients plus jeunes. On a encore un patient de 40 ans qui a été admis aujourd’hui en réanimation. » témoignait le 7 mars pour LCI, la présidente de la commission médicale du centre hospitalier de la région Saint-Omer, Cécile Franck. Rappelons que le département du Nord fait partie des départements le plus touchés par le variant anglais selon Santé Publique France.

 

La plus grande virulence du variant anglais pourrait également expliquer pourquoi depuis plusieurs semaines, les rapports entre les hospitalisations et les entrées dans les services de réanimation ne sont plus les mêmes notamment en île de France ou plus généralement dans les régions où le variant anglais est majoritaire.

 

Selon BFMTV, un conseiller du gouvernement a déclaré le 12 mars : « Les indicateurs épidémiologiques sont rassurants, mais on ne sait pas pourquoi ça monte encore en réa, ni quand le pic sera atteint. »

Entre les effets positifs de la vaccination, l’amélioration de la prise en charge dans les services de réanimation par rapport à la première vague et les effets probablement délétères d’un virus devenu plus virulent et plus contagieux, l’évolution de l’épidémie de Sars-Cov-2 est plus que jamais incertaine.

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