Traitement précoce de la Covid-19 : la colchicine offre un espoir à confirmer

Traitement précoce de la Covid-19 : la colchicine offre un espoir à confirmer L’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM) a annoncé par voie de communiqué de presse le 23 janvier avoir identifié la colchicine comme « le seul médicament oral efficace pour traiter les patients non -hospitalisés » de la Covid-19. Cette annonce, largement médiatisée, offre un espoir réel de mettre dans le maigre arsenal thérapeutique des médecins contre la COVID-19 un traitement précoce, bon marché et plutôt bien toléré en dépit de sa marge thérapeutique étroite. Mais la communication de l’ICM reste à ce stade reste trop vague et les résultats obtenus sont d’autant plus à nuancer que l’étude n’a pas pu aller à son terme et que de l’aveu même de ses promoteurs, le niveau de signification statistique n’a pas été atteint.

La colchicine, un anti-inflammatoire puissant

Extrait des fleurs de colchique, la colchicine est un alcaloïde puissant qui se présente sous la forme de comprimé à avaler. Ce médicament est indiqué dans le traitement et la prévention des crises de goutte, la maladie périodique, la maladie de Behçet et le traitement de la péricardite aiguë idiopathique. Si ce médicament est délivré uniquement sur ordonnance, c’est avant tout pour éviter les risques de surdosage, car la marge entre la dose thérapeutique et la dose toxique est très étroite. Dans le traitement de la goutte, la posologie est habituellement de 1 à 3 comprimés de 1 mg par jour. La dose toxique est voisine de 10 mg par jour et au-delà de 40 mg jour, la dose serait constamment mortelle selon les RCP.

Si la colchicine ne doit jamais être administrée sans avis et prescription médicale, elle présente néanmoins un bon profil de sécurité et est largement utilisée dans le traitement de la goutte. Elle par ailleurs relativement bon marché avec une boite de 20 comprimés qui en France coute moins de 5 €.

En avril 2020, Le Dr Jean-Claude Tardif, directeur du centre de recherche de l’Institut de Cardiologie de Montréal, cherche à évaluer l’efficacité de la colchicine comme modulateur de la réponse inflammatoire et immunitaire des patients COVID-19 qui se traduit souvent par une libération massive de cytokines particulièrement dévastatrice pour l’organisme.

Le Dr Tardif, met alors en œuvre l’étude COLCORONA et cherche à recruter 6000 sujets présentant au moins un facteur de comorbidité (hypertension, diabète, BPCO/asthme, insuffisance cardiaque, maladie coronarienne…)

Une étude « sans contact »

COLCORONA est une étude clinique « sans contact », randomisée, à double insu et contrôlée par placébo. Elle a été déployée en ambulatoire au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud ainsi qu’en Afrique du Sud. Elle vise à déterminer si la colchicine pouvait réduire les risques de complications sévères liées à la COVID-19 et notamment la « tempête inflammatoire » provoquée par « l’orage de cytokines ».

COLCORONA a été menée auprès d’environ 4 500 patients atteints de la COVID-19 n’étant pas hospitalisés au moment de l’inclusion, avec au moins un facteur de risque de complications de la COVID-19.

Les patients dont le diagnostic était confirmé par un test PCR recevaient soit de la colchicine à hauteur de 0,5 mg deux fois par jour pendant 3 jours et une fois par jour les 27 jours suivants soit un placebo. Des consultations de suivi étaient ensuite menées à distance par téléphone ou en vidéo à j 15 et j 30 après le début du traitement.

 Pour l’ICM, il s’agit de la plus grande étude à l’échelle mondiale testant un médicament administré oralement chez les patients non hospitalisés avec la COVID-19.

Des résultats prometteurs pour la colchicine dans la Covid-19

Selon le Dr Tardif, les résultats ont démontré que la colchicine réduisait de 21 % le risque de décès ou d’hospitalisations chez les patients atteints de la COVID-19 comparativement au groupe placébo. « Ce résultat obtenu pour l’ensemble des 4 488 patients de l’étude approchait la signification statistique. L’analyse des 4 159 patients dont le diagnostic de COVID-19 était prouvé par un test nasopharyngé (PCR) a montré que la colchicine réduisait de façon statistiquement significative le risque de décès ou d’hospitalisations comparativement au placébo. Chez ces patients avec diagnostic prouvé de COVID-19, la colchicine a entraîné des réductions des hospitalisations de 25 %, du besoin de ventilation mécanique de 50 %, et des décès de 44 %. Cette découverte scientifique majeure fait de la colchicine le premier médicament oral au monde qui pourrait traiter les patients en phase préhospitalière. »

« Notre étude a montré l’efficacité du traitement utilisant la colchicine pour prévenir le phénomène de “tempête inflammatoire majeure” et réduire les complications liées à la COVID-19 »

Des données dont la fiabilité reste à confirmer

Si l’espoir de soulager les systèmes de santé avec la colchicine comme traitement précoce bon marché est réel, il demeure d’autant plus mince que l’étude est visiblement incomplète et qu’elle n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique.

Le Pr Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux explique pour LCI « Il ne s’agit pas d’une étude complète. À la base, elle devait porter sur 6 000 patients. Or, ce n’est pas le cas. C’est un peu comme donner les résultats d’un tiercé à la mi-course ». Il met également en doute la fiabilité des données de l’étude qui se contentent d’approcher le seuil de la signification statistique sans pour autant l’atteindre. « Pour qu’une étude soit considérée comme fiable, le seuil est fixé à 5 %. Au-delà de ce pourcentage, on estime que la fiabilité des résultats n’est pas suffisante pour en tirer des conclusions ».

D’autres médecins, comme Steven E. Nissen regrette sur Medscape la communication trop vague de l’ICM qui ne mentionne dans son communiqué de presse ni les rapports de risque, ni les intervalles de confiance, ni les valeurs P.

La société Française de Pharmacologie dénombre 27 études dans le monde testant l’efficacité de la colchicine chez des patients infectés par le Sars-CoV-2, notamment dans l’étude britannique RECOVERY. Dans un avis mis à jour le 16 janvier 2021, elle publie « En l’état actuel des connaissances, l’efficacité de la colchicine dans la prévention ou le traitement des infections à COVID-19 n’a pas été démontrée. Son utilisation ne peut donc pas être recommandée au vu des données actuelles pour le traitement de la COVID-19. Des études de plus grande ampleur et de meilleure qualité méthodologique sont nécessaires pour démontrer l’efficacité éventuelle de la colchicine dans la prise en charge de la COVID-19. » 

 

Pour répondre à ses détracteurs, l’ICM explique que la publication scientifique est en cours de rédaction et sera soumise dans les prochaines semaines dans une revue à comité de lecture.

Feu vert en Grèce pour la colchicine dans le traitement ambulatoire de la Covid-19

Si pour certains médecins déjà échaudés par le débat sans fin sur l’hydroxychloroquine, la communication de l’ICM suscite une certaine défiance, ce n’est visiblement pas le cas de l’Agence grecque des médicaments qui a donné lundi 25 janvier son feu vert pour la prescription de la colchicine dans le cadre de la Covid-19.

Si pour le moment, cette autorisation se limite au traitement à domicile des patients de plus de 60 ans, elle pourrait néanmoins être étendue rapidement aux patients covid présentant des facteurs de comorbidités cardiaques ou respiratoires.

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