STEMI : comment simplifier la prise en charge ?
« Lors de la prise en charge initiale d’un STEMI par le SAMU-SMUR, les deux principaux objectifs sont d’éviter la mort subite (accès rapide à la défibrillation si nécessaire) et l’insuffisance cardiaque en assurant la reperfusion. »
L’angioplastie primaire est le traitement de référence du SCA STEMI et les délais de prise en charge des patients ont été réduits. La fibrinolyse conserve son intérêt chez les early presenters. Les inhibiteurs des récepteurs P2Y12 plaquettaires de l’ADP tels que prasugrel, ticagrelor sont recommandés dans le traitement de 1ère ligne en association à l’aspirine chez les patients devant bénéficier d’une stratégie invasive, l’utilisation du clopidogrel n’étant à présent recommandée que dans les cas où ces deux autres molécules sont contre-indiquées. Pour le traitement anticoagulant, la bivalirudine se situe désormais au niveau de recommandation IIa, comme l’enoxaparine , l’héparine non fractionnée conservant le plus haut niveau de preuve.
Pour atteindre ces objectifs de reperfusion, il convient de se référer aux dernières Recommandations de l’ESC/EATS version 2014 [1] et rester simple dans les (pré-) traitements de la reperfusion. La fibrinolyse conserve son intérêt dans les délais ischémiques courts (early presenters : délai douleur – 1er contact < 2-3 heures) et sa place dans l’établissement des protocoles de prise en charge. « Les résultats de l’étude STREAM [2] ont montré que la stratégie de thrombolyse ((TNK : bolus de tenecteplase, clopidogrel et enoxaparine) permet d’obtenir des résultats comparables à ceux de l’angioplastie primaire et représente une alternative en terme de stratégie de reperfusion. »
Sur l’évolution des pratiques, les données du Registre français Fast MI 2010 (3 079 SCA dont 1073 STEMI) ont montré un raccourcissement du délai entre le début de la douleur et le 1er appel (74 min versus 120 min en 2000) [3]. En 10 ans, le pourcentage d’angioplasties est passé de 49 à 75 % alors que celui de la fibrinolyse a diminué (de 30 à 14 % dont près de 57 % pour les SMUR). Ceci a permis sur une période de 15 ans (1995-2010) une baisse de la mortalité à J30 de 68 % (4 % versus 14 %).
Chez les patients STEMI devant bénéficier d’une angioplastie, la bithérapie anti-agrégante plaquettaire de première intention doit comporter de l’aspirine et l’un des deux inhibiteurs des récepteurs P2Y12 plaquettaires de l’ADP de référence, le prasugrel (en l’absence d’antécédent d’AVC/AIT et chez les moins de 75 ans et plus de 60 kg) ou le ticagrelor (en l’absence d’antécédent d’hémorragie intracrânienne) [1]. Le clopidogrel doit désormais être considéré en deuxième intention dans cette indication lorsque les deux autres molécules sont contre-indiquées. « Cette bithérapie est à poursuivre pendant 12 mois mais est susceptible d’être adaptée en fonction des profils de risque du patient qu’il s’agisse du risque ischémique ou du risque hémorragique. »
Concernant le traitement en pré-hospitalier, le ticagrelor est le seul à avoir bénéficié d’une comparaison pré- versus intra-hospitalier chez ces patients. Dans l’étude ATLANTIC (1 862 patients STEMI), ont été comparés une dose de charge de ticagrelor 180 mg en pré- hospitalier versus la même dose de charge en intra-hospitalier, les résultats ont été négatifs sur le critère principal (obtention d’un flux TIMI de grade 3 au niveau du vaisseau responsable sur l’angiographie initiale ou résolution de l’élévation du segment ST ≥ 70 % en pré-angioplastie) . Un bénéfice sur un critère secondaire : survenue de thromboses de stents à 30 jours (0,2 % versus 1,2 %; p=0,0025) a été observé [4].
Pour le traitement anticoagulant, la bivalirudine se situe désormais au niveau de recommandation IIa, comme l’enoxaparine, l’héparine non fractionnée - HNF, associées ou non aux anti-GPIIb/IIIa les recommandations 2014 priment sur celles de 2012 [1]. Le fondaparinux est contre-indiqué dans le contexte de l’angioplastie primaire.
Ces recommandations font suite aux résultats des études HORIZONS-AMI [5] et EUROMAX [6]. Cette dernière a en effet démontré l’intérêt de la bivalirudine débutée au cours du transport comparativement à l’HNF en urgence immédiate d’un SCA STEMI, avec recours optionnel aux anti-GpIIb/IIIa, le principal atout étant de diminuer le risque de saignement (2,6 % versus 6 % pour les saignements majeurs ; p < 0,001) tout en confirmant le risque de thrombose de stent, en particulier dans les premières 24 heures (1,1 % versus 0,2 % ; p=0,007) [6]. L’étude ATOLL a, quant à elle, comparé l’enoxaparine en i.v. à la dose de 0,5 mg/kg avec ou sans anti-GP IIb/IIIa et l’HNF à la dose de 50-70 (anti-GP Iib/IIIa) ou 70-100 (absence d’anti-GP Iib/IIIa) UI/kg [7]. A 30 jours, le critère principal de jugement (décès, complications de l’infarctus, échecs de la procédure et hémorragies non liées au pontage) n’a pas été atteint (réduction relative du risque – RRR de 17 % ; p=0,07) mais le critère secondaire principal (décès, récidives ischémiques et revascularisations en urgence) était en faveur du bras enoxaparine (RRR de 41 % ; p=0,016).
« Simplifier la prise en charge ne veut pas dire que tout est simple … » L’évaluation des délais (début de la douleur, délais de transport…) demeure un problème en pratique courante de même que le cas des sujets très âgés, des patients polymédicamentés des patients nauséeux, des insuffisants rénaux, l’appréciation du risque hémorragique ou les délais d’efficacité des médicaments per os.
Références bibliographiques
[1] Windecker S, Kohl P, Alfonso F et al. 2014 ESC/EACTS Guidelines on myocardial revascularization: The Task Force on Myocardial Revascularization of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS) Developed with the special contribution of the European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions (EAPCI) Eur Heart J 2014 ;35(37) :2541-619
[2] Armstrong PW, Gershlick AH, Goldstein P et al. Fibrinolysis or primary PCI in ST- segment elevation myocardial infarction N Engl J Med 2013 ;368(15) :1379-87
[3] Hanssen M, Cottin Y, Khalife K et al. French Registry on Acute ST-elevation and non ST- elevation Myocardial Infarction 2010. FAST-MI 2010 Heart 2012 ;98(9) :699-705
[4] Montalescot G, van't Hof AW, Lapostolle F et al. Prehospital ticagrelor in ST-segment elevation myocardial infarction N Engl J Med 2014; 371(11):1016-27
[5] Stone GW, Clayton T, Deliargyris EN et al. Reduction in cardiac mortality with bivalirudin
in patients with and without major bleeding: The HORIZONS-AMI trial (Harmonizing Outcomes with Revascularization and Stents in Acute Myocardial Infarction) J Am Coll Cardiol 2014 ;63(1) :15-20
[6] Steg PG, van’tHof A, Hamm CW et al. Bivalirudin started during emergency transport for primary PCI N Engl J Med 2013;369(23):2207-17
D’après la communication de Jean Emmanuel de la Coussaye (Nîmes)
13ème édition du Congrès Thromboses et Urgences Coronaires (TUC)
(Du 23 au 25 mars 2016 – Eurosites George V, 28 avenue George V, 75008 Paris)
Compte-rendu du symposium, organisé avec le soutien institutionnel de Daiichi-Sankyo, le 24 Mars 2016
« SCA aux urgences »
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