2024-968 : un décret controversé qui soulève l'ire des médecins français

2024-968 : un décret controversé qui soulève l’ire des médecins français Le décret n° 2024-968 du 30 octobre 2024, censé "renforcer la pertinence des prescriptions médicales", a provoqué une véritable levée de boucliers au sein du corps médical français. Cette mesure, qui impose aux médecins de justifier certaines prescriptions, est perçue comme une atteinte grave au secret médical et une surcharge administrative injustifiée.

Un dispositif ciblé pour lutter contre le mésusage

Le décret conditionne désormais le remboursement de certains médicaments à la justification de leur prescription par le médecin. Thomas Fatôme, directeur général de l'Assurance maladie, précise que cette mesure concerne principalement les antidiabétiques comme l'Ozempic ou le Trulicity, parfois détournés à des fins d'amaigrissement."Le champ des prescriptions concernées sera extrêmement limité", assure M. Fatôme, estimant qu'en moyenne, "trois prescriptions par an par médecin généraliste" seront visées. L'objectif affiché est de faire respecter les Indications Thérapeutiques Remboursables (ITR), comme le souligne la Fédération des Médecins de France (FMF).

Pour rassurer les praticiens, l'Assurance maladie promet une mise en œuvre simple et rapide. "Ce sera très simple et extrêmement rapide, moins d'une minute", affirme Thomas Fatôme. Concrètement, les médecins devront répondre à 3 ou 4 questions en cochant des cases sur le portail Améli pro selon la CNAM.

 

Des inquiétudes persistantes chez les médecins

Malgré ces assurances, de nombreux professionnels de santé restent sceptiques. Plusieurs organisations, dont l'Union Française pour une Médecine Libre (UFML), dénoncent une atteinte au secret médical et une surcharge administrative injustifiée."Ce n'est pas le moment de nous rajouter de la paperasse", s'insurge le syndicat MG France.Certains praticiens craignent également une standardisation excessive des pratiques au détriment de la personnalisation des traitements.Face à ces critiques, Thomas Fatôme réfute catégoriquement toute atteinte au secret médical et assure que ce dispositif "n'a pas vocation à se généraliser".

 

Une décision bureaucratique déconnectée des réalités du terrain

Sous couvert d'améliorer la pertinence des soins, ce décret semble ignorer les difficultés quotidiennes auxquelles font face les praticiens. Dans un contexte de pénurie médicale, où sept millions de Français n'ont pas de médecin traitant, l'ajout de nouvelles contraintes administratives apparaît comme une aberration.

"Ce décret est méprisant et déconnecté de la réalité du terrain", dénonce l'Union Française pour une Médecine Libre (UFML). Une critique partagée par de nombreux professionnels qui voient dans cette mesure une nouvelle preuve de la méconnaissance des autorités quant aux conditions réelles d'exercice de la médecine.

Dans un communiqué, le collectif « Médecins pour demain » dénonce l’intention de l’État de renforcer le contrôle des prescriptions médicales par une démarche administrative supplémentaire. Selon elle, cette procédure vise à vérifier la conformité des prescriptions aux critères de remboursement ainsi qu’aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) — recommandations qui, rappelons-le, sont indicatives et non contraignantes.

L’association craint que ce dispositif de « surveillance préalable » transfère la responsabilité financière des remboursements de l’Assurance Maladie aux médecins eux-mêmes, avec un risque d'indus en cas de prescriptions jugées non conformes. Elle souligne également que cette mesure vient alourdir davantage une charge administrative qui occupe déjà plus de 25 % du temps médical.

Enfin, « Médecins pour demain » s'étonne que ce décret reprend une disposition de l’article 16 du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2025, largement rejetée par la commission des affaires sociales du Parlement, mais imposée par le gouvernement avec effet au 1er novembre 2024.

Une menace pour le secret médical et la relation patient-médecin

L'obligation de préciser la pathologie du patient sur l'ordonnance ou un document dédié soulève de sérieuses inquiétudes concernant le respect du secret médical. "C'est la fin du secret médical, puisqu'il faudra noter l'indication de la pathologie pour chaque médicament", s'alarme un praticien sur les réseaux sociaux.

Cette atteinte à la confidentialité pourrait avoir des conséquences néfastes sur la relation de confiance entre le médecin et son patient, pierre angulaire d'une prise en charge efficace.

Une logique comptable au détriment de la qualité des soins

Derrière les arguments de "bon usage" et de "juste prescription" se cache une volonté à peine voilée de réaliser des économies. Pour l'AFP M. FATOME a déclaré "Si nous ne surveillons pas les conditions dans lesquelles ils sont prescrits, je peux vous dire que les centaines de millions d'euros de dépenses, on va les avoir extrêmement, extrêmement, rapidement". Pour le Dr Jérôme Marty qui s'exprime dans la Dépêche, c'est tres clair : "On ne sait pas trop d'où vient cette idée, mais c'est toujours une histoire d'argent au final".

Cette approche purement comptable de la santé risque de se faire au détriment de la qualité des soins et de la liberté de prescription des médecins, pourtant essentielle pour adapter les traitements aux besoins spécifiques de chaque patient.

Face à ce qu'ils considèrent comme une attaque en règle contre leur profession, certains syndicats appellent à la désobéissance. "Quand la loi menace la qualité et l'accès aux soins, il est du devoir des médecins de désobéir", affirme l'UFML dans un communiqué.

Cette réaction forte témoigne de l'exaspération d'une profession qui se sent méprisée et incomprise par les pouvoirs publics. Et ce sentiment est plus que légitime car le gouvernement, dans sa "sagesse", a jugé inutile de consulter les médecins avant de promulguer le décret 2024-968, comme si l’avis des principaux concernés n’avait pas de valeur. Cette décision éclaire sans doute mieux que jamais l’idée que se font les autorités du quotidien des praticiens : des règles administratives imposées d’en haut, sans débat, ni regard sur la réalité du terrain.

 

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