Déserts médicaux : les propositions du Dr Marty pour rétablir l'accès aux soins
Face à l'aggravation des déserts médicaux en France, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFMLS, propose dans une tribune intitulée "Déserts médicaux : osons réussir" des mesures concrètes pour redonner un accès aux soins dans les zones sous-dotées en 3 ans seulement. De l'accès au secteur 2 pour les généralistes à la création de pôles spécialisés en zones rurales, ces propositions visent à restaurer l'attractivité des métiers médicaux libéraux. Leur mise en œuvre nécessiterait une volonté politique forte et une coordination étroite entre les acteurs du système de santé.
Depuis des décennies, le système de santé français fait face à une crise d'accès aux soins. Les zones rurales, les banlieues et même certaines villes moyennes souffrent d’une pénurie de médecins et de spécialistes, laissant de nombreux citoyens sans prise en charge médicale de proximité. Le Dr Jérôme Marty, président de l'Union Française pour une Médecine Libre et Solidaire (UFMLS), propose plusieurs mesures pour inverser cette tendance, en s'appuyant sur une vision globale de réorganisation territoriale et de valorisation des pratiques libérales.
Redonner de l'attractivité à la médecine générale
Le parcours d’installation des jeunes médecins généralistes en zones sous-dotées est long et semé d’obstacles, décourageant les nouveaux diplômés d’y exercer. Actuellement, il faut compter jusqu’à dix-huit ans entre le début des études et l’installation en libéral, un délai qui freine l’accès aux soins dans ces territoires. Pour y remédier, le Dr Marty propose de faciliter l’accès des généralistes aux honoraires complémentaires (secteur 2) dès leur arrivée dans ces zones. Ce secteur permettrait aux médecins de percevoir des revenus plus élevés, compensant en partie les défis et l’isolement liés à l'exercice en zone rurale ou semi-urbaine.
Le secteur 2 est un régime de tarification en France pour les médecins conventionnés, dans lequel les praticiens peuvent fixer des honoraires libres, souvent supérieurs aux tarifs conventionnés par la Sécurité sociale, tout en respectant certaines limites déontologiques. Créé pour les médecins ayant une ancienneté ou une qualification particulière, ce secteur vise à reconnaître l'expérience ou la spécialisation de certains praticiens, mais il engendre des dépassements d’honoraires, partiellement ou non remboursés par la Sécurité sociale. Ce modèle est souvent critiqué pour son impact potentiel sur l’accessibilité des soins, car il crée des écarts de prix entre le secteur 1, aux tarifs strictement conventionnés, et le secteur 2, où les coûts peuvent être plus élevés pour les patients.
Cette mesure pourrait effectivement attirer davantage de médecins généralistes dans les territoires sous-dotés en leur offrant une stabilité financière accrue. Cependant, elle pourrait également soulever des questions d’inégalité d’accès pour les patients, en raison des dépassements d’honoraires associés au secteur 2. Un équilibre devra être trouvé pour que cette solution ne pénalise pas les patients les plus vulnérables.
Créer des pôles de consultations spécialisés en zones rurales
Outre la médecine générale, le manque de spécialistes en cardiologie, psychiatrie ou rhumatologie aggrave les difficultés d'accès aux soins. Pour répondre à ce problème, Dr Marty propose de multiplier en zones rurales des pôles de consultations et d’hospitalisations à temps partiel, en lien avec des hôpitaux régionaux. Ces pôles offriraient une prise en charge spécialisée de proximité, limitant les déplacements coûteux et chronophages pour les patients.
Cette approche pourrait contribuer à réduire l’isolement des patients et à renforcer le maillage territorial des soins spécialisés. Cependant, le succès de cette initiative dépendra de la capacité des pouvoirs publics à attirer des spécialistes prêts à travailler dans ces zones et à financer des infrastructures adéquates. La coordination entre ces pôles et les structures hospitalières "mères" sera également cruciale pour garantir la qualité des soins.
Une réforme structurelle et territoriale du système de santé
Au-delà des incitations financières, le Dr Marty plaide pour une réorganisation structurelle du territoire médical français. Il propose de rompre avec la centralisation excessive des ressources en santé en renforçant les structures locales, publiques et privées, dans une logique de complémentarité. Pour les généralistes, il imagine un système de "médecins traitants partagés" entre le public et le privé, permettant ainsi de couvrir les besoins des zones déficitaires sans surcharge pour les praticiens. Cela signifierait que les généralistes travailleraient en partie pour le public, en partie pour le privé, avec des incitations salariales pour chacun. Il encourage aussi des mesures fiscales avantageuses pour les médecins libéraux qui s’installent dans ces zones.
Le concept de « médecins traitants partagés » est intéressant dans la mesure où il permettrait aux médecins de diversifier leurs activités tout en répondant aux besoins des territoires. Cela pourrait également aider à combler le manque de généralistes en renforçant leur présence dans les zones sous-dotées. Néanmoins, ce modèle exige une grande flexibilité de la part des médecins, qui devront s’adapter à des conditions de travail variées et naviguer entre le public et le privé. Par ailleurs, le financement de ces incitations salariales et fiscales nécessiterait une réelle implication de l’État et des collectivités locales.
Cette vision structurelle est ambitieuse, mais elle pourrait constituer une réponse durable à la crise des déserts médicaux. En rééquilibrant l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, cette réforme pourrait réduire les inégalités d’accès aux soins et créer des conditions de travail plus attractives pour les médecins. Néanmoins, sa mise en œuvre nécessitera une coopération étroite entre l’État, les collectivités locales, et les professionnels de santé.
Les propositions du Dr Marty offrent des pistes innovantes et pragmatiques pour lutter contre les déserts médicaux en France. En redonnant de l'attractivité aux métiers médicaux dans les zones sous-dotées et en favorisant l’installation de spécialistes en milieu rural, ces mesures visent à garantir un accès équitable aux soins de proximité pour tous. Cependant, leur succès dépendra d'une réelle volonté politique et d'une implication active de tous les acteurs du système de santé. En combinant une vision territoriale et des incitations adaptées, la France pourrait enfin amorcer une sortie de la crise des déserts médicaux.
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