Arrêts maladie en téléconsultation : une généraliste sommée de rembourser 10 500 euros
Révélée par Egora, l'affaire de la Dre Isabelle Ezanno, généraliste dans le Morbihan, suscite une vive indignation parmi les professionnels de santé. Sommée par la CPAM de rembourser 10 500 euros pour avoir prescrit des arrêts maladie en téléconsultation, elle incarne malgré elle les dérives d'une réglementation mal appliquée.
La CPAM reproche à Isabelle Ezanno d’avoir prescrit des arrêts de travail qui auraient entraîné une dépense injustifiée pour l’Assurance maladie, s’appuyant sur l’article L.133-4 du code de la Sécurité sociale. Cet article permet à la CPAM de récupérer les sommes dues en cas de non-respect des règles de facturation par un professionnel de santé. Isabelle Ezanno conteste cette décision, affirmant qu’on lui demande de rembourser les indemnités versées aux patients alors que cela ne devrait pas être à sa charge. Elle précise qu’elle n’a pas enfreint la loi intentionnellement.
Le Dr Richard Talbot, trésorier de la FMF, admet que de nombreux médecins ont pu ignorer cette réglementation, introduite dans un projet de loi adopté sans débat via l’article 49.3. Selon lui, la mesure visait à freiner l’activité des plateformes de téléconsultation, mais elle risque de pénaliser des médecins de bonne foi.
Une réglementation contestée
Depuis le 27 février 2024, une loi limite à trois jours la durée des arrêts de travail prescrits en téléconsultation, sauf exceptions pour les médecins traitants. Cette mesure vise à réduire les abus et à garantir la qualité des soins. Cependant, elle a pris de nombreux médecins au dépourvu, comme le souligne un communiqué de MG France : « Nous demandons qu'une prescription d'arrêt supérieure à trois jours par un non-médecin traitant soit immédiatement repérée par l'informatique des CPAM et signalée au prescripteur » [1].
La Dre Ezanno, qui a renouvelé des arrêts longs pour des patients incapables de se déplacer, se retrouve ainsi pénalisée.
Réactions et colère des médecins
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Pour Richard Talbot, cette affaire illustre un acharnement administratif contre les médecins : « C’est totalement dégueulasse », s'indigne Richard Talbot sur X . « En plus de 10 000 € d’indus, on lui applique la procédure 'fraude' ! » . « Il y a des directeurs de CPAM dont le seul but est de casser du médecin » .
De nombreux médecins s'interrogent également sur le rôle des CPAM dans ce processus. « Il leur suffisait de retoquer ces arrêts ». Cette affaire pourrait bien être le catalyseur d'une mobilisation plus large pour défendre les droits et l'autonomie des praticiens.
Face à cette polémique, il devient urgent pour les autorités sanitaires de clarifier et d'assouplir cette réglementation. La colère gronde parmi les professionnels de santé, qui se sentent injustement ciblés par des mesures punitives. « Alors même que la CNAM avait promis d'étudier les dossiers 'avec bienveillance', ils ne manquent pas d'air ! » dénonce encore Richard Talbot.
L'UFMLS propose une approche collaborative plutôt qu’une chasse aux sorcières
Pour répondre à la hausse des arrêts de travail, perçue comme un problème par le gouvernement, l'UFML-S suggère de modifier le formulaire d'avis d'arrêt de travail envoyé à l'Assurance Maladie. Ce nouveau formulaire inclurait trois options que le médecin pourrait cocher :
- En attente d’un avis spécialisé
- En attente de l’avis du médecin du travail
- En attente de l’avis du médecin-conseil
Cette adaptation permettrait de mieux informer l'Assurance Maladie sur les raisons justifiant la durée d'un arrêt de travail, tout en instituant une démarche collégiale, avec un partage des responsabilités entre les différents acteurs médicaux. En adoptant cette approche, il serait possible de réduire le nombre d'arrêts de travail sans recourir à des mesures coercitives ou des décisions autoritaires.
L'UFML-S appelle l'Assurance Maladie à jouer un rôle proactif en formulant des propositions, plutôt que de se limiter à la sanction et à la contrainte. La prescription des arrêts de travail est un acte médical, encadré par la liberté de prescription des médecins et l'obligation de moyens.
Références :
Descripteur MESH : Maladie , Santé , Médecins , France , Colère , Gouvernement , Travail , Patients , Risque , Rôle , Air , Soins , Informatique , Sécurité sociale , Sécurité