Cancer de la prostate : baisse sensible du sur-diagnostic et du sur-traitement

illustrationPour la première fois, une étude publiée dans le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'Institut de veille sanitaire (InVS) indique clairement une diminution du nombre d'ablations de la prostate, de dosage du PSA (« Prostate Specific Antigen ») et de biopsies de la prostate pratiqués dans le but de détecter un cancer. Et c'est une bonne nouvelle non seulement pour l'assurance maladie qui y trouve son compte financièrement mais surtout pour les patients qui dans de nombreux cas ne trouveront aucun bénéfice, au contraire, à se voir diagnostiquer un stade précoce du cancer de la prostate.

Les données proviennent du système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie et ne concernent pas moins de 11 millions d'hommes âgés de 40 ans et plus. La proportion d’hommes de 40 ans et plus ayant réalisé un test du PSA était de 30% en 2009 et 27% en 2014. Sur la même période, on constate une diminution du nombre de biopsies qui passe de 0,6% à 0,4%, soit de 60 000 à 40 000 hommes.


Si les ablations de la prostate étaient de l'ordre de 25.000 par an en 2009, elles ont diminué à hauteur de 19.600 en 2014. En revanche, la proportion des patients avec un cancer de la prostate après une biopsie passait de 47 à 50%. Les auteurs de l'étude soulignent également une augmentation de la fréquence d’IRM avec injection intraveineuse de produit de contraste de 45% entre 2012 et 2014 et de 153% pour les IRM avec 6 séquences et plus parmi les hommes ayant subi un dosage du PSA.

Si la tendance est claire, il n'en demeure pas moins que ces chiffres restent à un niveau élevé et ce en dépit des avertissements des autorités de tutelle.

Selon la CNAM, les deux tiers des médecins généralistes déclarent recommander systématiquement un dépistage du cancer de la prostate à leurs patients âgés de 50 à 75 ans. Ce que confirme cette étude qui indique qu' entre 2012 et 2014, 62 % des hommes âgés de 50 à 69 ans et 68 % des hommes de plus de 75 ans ont réalisé au moins un dosage PSA. La quasi-totalité (88 %) des dosages de PSA est prescrite par un médecin généraliste, qui dans 95 % des cas les associe à d’autres dans le cadre d'un « bilan de santé ».

C'est pour lutter contre le développement de ce genre de pratique médicale que la CNAM, l'INCA et le Collège de Médecine Générale relance une campagne de communication tant auprès des professionnels de santé que des patients.

Elle s'articule autour des points suivants :

Une fiabilité limitée :

L’association du dosage du PSA et du toucher rectal est insuffisamment fiable dans le cadre d’un dépistage. Le toucher rectal normal n’exclut pas un cancer, car il ne permet de détecter que des tumeurs palpables. Le test PSA peut être faussement négatif et rassurer à tort, la valeur prédictive négative (VPN) est de 90% ce qui signifie que parmi les hommes qui ont un PSA < 4ng/ml, 9 sur 10 n’ont pas de cancer et 1 sur 10 en a un.

Le bénéfice du dépistage du cancer de la prostate en terme de mortalité n’est pas démontré.

Les deux essais randomisés menés aux États-Unis et en Europe qui avaient pour objectif d’évaluer l’impact d’un programme de dépistage du cancer de la prostate par le PSA sur la mortalité spécifique du cancer de la prostate ont apporté des résultats contradictoires et discutables. Elles ne mettent pas en évidence d’effet significatif en termes de réduction de la mortalité par cancer de la prostate.

Un risque certain de surdiagnostic et de surtraitement

Par contre, il est certain que le dépistage expose à un risque important de surdiagnostic et de surtraitement. Les tests de dépistage détectent de nombreux cancers qui seraient restés asymptomatiques (30 à 50% des cas selon les études). Or il n'y a rien dans l'arsenal thérapeutique qui permette distinguer les cancers qui nécessitent un traitement.
Et si les traitements sont efficaces, leurs effets indésirables peuvent être importants et sont fréquents. La moitié des patients traités en 2012 ont présenté un ou plusieurs effets indésirables avec des troubles de l'érection pour 35% et une incontinence urinaire pour 21% d'entre eux.

 

 

Pour en savoir plus : 

VERS UNE ÉVOLUTION DES PRATIQUES DE DÉTECTION ET DE PRISE EN CHARGE DU CANCER DE LA PROSTATE CHEZ LES HOMMES DE 40 ANS ET PLUS EN FRANCE (2009-2014) ?

Voir le dossier de l'INCA pour les professionnels de santé

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1 réaction(s) à l'article Cancer de la prostate : baisse sensible du sur-diagnostic et du sur-traitement

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    JEAN DOREMIEUX| 24/03/2016- REPONDRE

    En 1965, au moment où nous hospitalisions à STRASBOURG 30 cancers métastasés par an, le service d’anatomie pathologique pratiquait l’autopsie systématique de tous les décès survenus au CHU et il comptait 10 à 20 fois plus de cancers prostatiques jamais métastasés.

    Il n’est donc pas étonnant que la survenue du PSA en 1987 ait multiplié par 10 le nombre de cancers découverts voire plus et ait augmenté le taux de survie post-opératoire.

    Alors qu’HUGGINS, en 1941, avait écrit que les indications de PR n’étaient pas plus fréquentes que la fréquence de la lune bleue sur Chicago, un urologue anglais avec un flegme incroyable, a osé écrire que la prostatectomie radicale avait, certes, de bons résultats sur le plan carcinologique.

    Mais que ces succès se recrutaient dans la population des cancers qui, étant au repos, n’avaient nul besoin de cette chirurgie.

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