Épidémies d'arboviroses en France : les médecins en première ligne

Épidémies d’arboviroses en France : les médecins en première ligne La progression du moustique tigre (Aedes albopictus) en France métropolitaine entraîne une hausse du risque d'épidémies de dengue, chikungunya et Zika. L'Anses, dans une expertise récente, alerte sur la probabilité croissante de ces épidémies dans les cinq prochaines années. Les professionnels de santé doivent s'adapter pour faire face à cette nouvelle réalité sanitaire.

Moustique tigre et arboviroses : une menace en expansion

Le moustique tigre est désormais présent dans 78 départements de France métropolitaine, exposant une grande partie de la population à des maladies comme la dengue, le chikungunya et le Zika. Depuis son introduction en 2004, Aedes albopictus a colonisé des territoires de plus en plus vastes, atteignant aujourd'hui environ 45 % de la population française.

Dans son rapport publié en septembre 2024, l'Anses estime qu'une épidémie d'arbovirose en France dans les cinq prochaines années a une probabilité de 6 à 7 sur une échelle de 0 à 9. La multiplication des foyers autochtones ces dernières années souligne l'importance de cette menace. En 2022, 66 cas autochtones de dengue ont été recensés, soit autant que le total cumulé des dix années précédentes.

La probabilité d'une épidémie majeure dépend de plusieurs facteurs : la densité du moustique tigre, des conditions climatiques favorables, l'arrivée de personnes infectées en provenance de zones à risque, et l'efficacité des mesures de lutte anti-vectorielle (LAV). Les médecins doivent donc rester particulièrement vigilants pendant la période active du moustique, de mai à novembre, lorsque ces conditions sont réunies.

Diagnostic et surveillance

Face à la montée du risque, les professionnels de santé ont un rôle central dans la détection des cas d'arboviroses. La dengue, le chikungunya et le Zika partagent des symptômes communs (fièvre, douleurs articulaires, éruptions cutanées) qui peuvent facilement être confondus avec d'autres infections virales. Le diagnostic repose sur une confirmation biologique par PCR ou sérologie, en particulier chez les patients revenant de zones endémiques ou résidant dans les régions touchées par le moustique tigre.

Le système de surveillance épidémiologique repose sur la déclaration obligatoire des cas. Les médecins doivent signaler les cas confirmés aux Agences Régionales de Santé (ARS), déclenchant ainsi des enquêtes épidémiologiques et des actions de LAV dans les foyers identifiés. L'Anses souligne que la gestion des arboviroses peut rapidement saturer les moyens de prévention et de lutte. En cas de multiplication des foyers, une priorisation des actions de démoustication serait nécessaire, comme le souligne l'avis publié en mars 2024.

Les médecins doivent donc anticiper cette éventuelle surcharge en renforçant la sensibilisation au diagnostic précoce et en participant activement à la surveillance des foyers épidémiques. Ils jouent un rôle clé dans la prévention de l'extension des foyers autochtones.

Prévention : un engagement collectif nécessaire

Les experts de l'Anses appellent à une adaptation des moyens de lutte anti-vectorielle face à l'augmentation du risque. Un plan interministériel est recommandé pour mieux coordonner les actions des différents acteurs impliqués, y compris les citoyens. La lutte contre les arboviroses doit également s'inscrire dans une démarche plus large de lutte contre les changements climatiques, qui favorisent la prolifération du moustique tigre.

Sur le plan individuel, les médecins doivent informer leurs patients sur les gestes de prévention à adopter : éliminer les gîtes larvaires autour des habitations (coupelles, récipients d'eau stagnante), se protéger des piqûres en portant des vêtements longs et clairs, et utiliser des répulsifs. Les personnes revenant de zones à risque doivent être particulièrement vigilantes et consulter rapidement un médecin en cas de symptômes.

La formation des professionnels de santé est également essentielle pour faire face aux formes graves de la dengue, du chikungunya et du Zika. Ces formes peuvent entraîner des complications sévères, telles que des hémorragies ou des syndromes neurologiques. L'expérience des épidémies dans les départements et régions d'Outre-Mer (DROM) doit être valorisée pour améliorer la gestion des arboviroses en métropole.

Vers une saturation des systèmes de soins ?

L'Anses met en garde contre le risque de tension sur le système de santé en cas d'épidémie d'arbovirose à grande échelle. Si une épidémie survient pendant une période de forte activité des services d'urgence ou coïncide avec une autre crise sanitaire, comme cela a été le cas aux Antilles en 2020 avec la dengue et la Covid-19, la capacité des systèmes de soins pourrait être rapidement dépassée.

Les médecins généralistes, en première ligne face à ces infections, devront redoubler de vigilance pour détecter et gérer efficacement les cas d'arboviroses. La saturation des services d'urgence et de réanimation, en particulier dans les zones fortement touristiques, est un scénario plausible à prendre en compte.

 

L'implantation durable du moustique tigre en France métropolitaine et l'augmentation des cas d'arboviroses posent des défis majeurs pour les professionnels de santé. Il est impératif de renforcer la surveillance, d'améliorer les protocoles de diagnostic et de mise en œuvre des mesures de lutte. Le rapport de l'Anses publié en septembre 2024 souligne que le risque d'épidémie d'arbovirose est désormais bien réel et que la préparation des systèmes de santé et des acteurs locaux est cruciale pour y faire face.

Référence :

Anses, « Maladies transmises par le moustique tigre : quels risques et quels impacts ? », expertise publiée le 13 septembre 2024.
https://www.anses.fr/fr/system/files/ASE2022SA0146RA.pdf

 

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