Syndromes coronaires aigus : quelles stratégies thérapeutiques ?

Introduction

Lors de ce symposium consacré à la prise en charge des syndromes coronaires aigus (SCA), deux cas cliniques ont été présentés et ont permis d’aborder les recommandations de prise en charge des SCA avec sus-décalage du segment ST (STEMI) ou sans sus-décalage du segment ST (NSTEMI) et les résultats d’études récentes.

- L’angioplastie primaire est le traitement de référence du SCA STEMI avec des délais de recours beaucoup plus courts qu’auparavant. Le traitement par une bithérapie anti-agrégante plaquettaire en première intention doit comporter de l’aspirine et un inhibiteur des récepteurs P2Y12 plaquettaires de l’ADP. Selon les recommandations européennes de l’ESC 2012 concernant la prise en charge des SCA STEMI, ceux de référence actuelle sont le prasugrel (en l’absence d’antécédent d’AVC/AIT, chez les patients de moins de 75 ans ou de 60kg ou plus) ou le ticagrelor (en l’absence d’ATCD d’hémorragie intracrânienne).

Toujours selon ces mêmes recommandations, l’utilisation du Clopidogrel est possible en 2ème intention chez ce type de patient en cas de contre-indication au prasugrel ou au ticagrelor.
L’essai ATLANTIC, qui testait l’intérêt d’une dose de charge de ticagrelor 180 mg en pré-hospitalier versus intra-hospitalier a montré que l’administration pré-hospitalière du ticagrelor dans le STEMI n’améliore pas la reperfusion coronaire avant l’angioplastie vs une administration en salle de cathétérisme. Toutefois il a été observé un bénéfice sur un critère secondaire clinique, la survenue de thromboses de stents à 30 jours.

-Dans les SCA NSTEMI, le délai de recours à la coronarographie et à une angioplastie primaire dépend du contexte clinique, du taux de troponine ultra-sensible et de la stratification du risque ischémique et hémorragique.

L’étude ACCOAST réalisée avec du Prasugrel est la seule étude qui a posé la question de l’intérêt de prétraiter par un inhibiteur du P2Y12 ou pas les patients NSTEMI en amont de la coronarographie. Les résultats de cette étude confortent l’utilisation du prasugrel au moment de l’angioplastie chez les patients NSTEMI nécessitant une prise en charge invasive. La priorité chez ces patients NSTEMI n’est pas « de prétraiter » mais de bien diagnostiquer et de permettre une prise en charge rapide et adaptée. Enfin, la durée de la bithérapie anti-agrégante plaquettaire est en principe de 12 mois en post-SCA traité par angioplastie percutanée primaire ou retardée mais cette durée, peut être individualisée en fonction du profil du patient et de l’évaluation précise à la fois de son risque ischémique et hémorragique.

PATIENTS STEMI

D’après la communication de Benjamin Seguy (Bordeaux)

 Les Recommandations de l’ESC concernant la prise en charge des SCA STEMI [1], mettent l’accent sur la stratification du risque dès la prise en charge des patients, la logique pré-hospitalière de soin et la nécessité d’optimiser les délais : réalisation et interprétation d’un ECG 12 pistes dans les 10 premières minutes suivant le 1er contact médical (PCM) et mise en place du monitoring (niveau de preuve IB). L’algorithme est fonction de l’équipement à disposition et de la possibilité d’une angioplastie primaire dans des délais très courts.

Concernant la voie d'abord, l'étude MATRIX publiée en 2015 a démontré chez 8 404 patients SCA devant bénéficier d'une stratégie invasive la supériorité de la voie radiale en comparaison à la voie fémorale : respectivement 9,8 % versus 11,7 % pour le critère principal "clinique" à 30 jours (événements indésirables cardio-vasculaires majeurs saignements majeurs non en rapport avec un pontage (p=0,009) [2]. « Selon les recommandations européennes de l’ESC 2012 concernant la prise en charge des SCA STEMI la bithérapie anti-agrégante plaquettaire de première intention doit comporter de l’aspirine et l’un des deux inhibiteurs des récepteurs P2Y12 plaquettaires de l’ADP de référence actuels, le prasugrel (en l’absence d’antécédent d’AVC/AIT, chez les patients de moins de 75 ans et de 60kg ou plus) ou le ticagrelor (en l’absence d’antécédent d’hémorragie intracrânienne).

Selon ces mêmes recommandations, le clopidogrel doit désormais être considéré en 2ème intention dans cette association en cas de contre-indication au prasugrel ou au ticagrelor. » Ces recommandations font suite aux essais pivot (TRITON-TIMI 38 et PLATO) [3,4] et de leurs sous –analyses réalisés avec les inhibiteurs récents des récepteurs plaquettaires P2Y12. Il a été observé dans ces analyses des sous-groupes STEMI une supériorité sur les critères ischémiques versus clopidogrel sans majoration des risques de saignement majeurs.

« Concernant l'intérêt du traitement en pré-hospitalier, l'étude ATLANTIC, réalisée chez 1 862 patients STEMI devant bénéficier d'une angioplastie, a comparé une dose de charge de ticagrelor 180 mg en pré-hospitalier versus intra-hospitalier avec des résultats négatifs sur le critère principal (obtention d’un flux TIMI de grade 3 au niveau du vaisseau responsable ou résolution = 70 % de l’élévation du segment ST en pré­angioplastie). Aucune différence en termes de saignements majeurs avec ces 2 modalités de prise en charge n’a été identifiée. Toutefois il a été observé un bénéfice sur un critère secondaire clinique, la survenue de thromboses de stents à 30 jours (0,2 % versus 1,2 %; p=0,0025) [5] ». 

Concernant le traitement anticoagulant, « la bivalirudine se situe désormais au niveau de recommandation élevé » (niveau IB), l’enoxaparine (niveau IIbB) représentant une alternative à l’héparine non fractionnée (HNF) associée ou non aux anti-GPIIb/IIIa [1]. Ces recommandations font suite aux résultats des études HORIZONS-AMI [6] et EUROMAX [7]. L’étude EUROMAX a en effet démontré l’intérêt de la bivalirudine comparativement à l’HNF en urgence immédiate d’un SCA STEMI, avec recours optionnel aux anti-GpIIb/IIIa, le principal atout étant de diminuer le risque de saignement tout en confirmant le risque de thrombose de stent, en particulier dans les 24 premières  heures [7].

Sur la question de la thrombo-aspiration (TA), l'étude TOTAL (10 732 patients STEMI) n'a pas montré de bénéfice à une TA systématique sur le critère principal (décès de cause cardio-vasculaire, récidive d'IDM, choc cardiogénique : 6,9 % dans le bras TA versus 7 % dans le bras TA-; p=0,86) avec une augmentation modérée (respectivement 0,7 % versus 0,3 %; p=0,02) des AVC à 30 jours dans le bras TA [8].

Enfin, l'étude DEFER-STEMI a démontré l'intérêt d'un stent différé (4 à 16 heures) versus stent immédiat chez 101 patients STEMI à haut risque (= 1 facteur de risque de non-reflux) en terme de survenue de non reflux (6 % versus 29 %; p=0,006) et de préservation de l'index de fonction myocardique à 6 mois (68 % versus 56 %; p=0,031) [9]. Toujours sur la problématique des stents, les dernières recommandations de l'ESC/EATS (2014) rappellent que le stent actif est recommandé par défaut dans toutes les situations cliniques afin de réduire l'incidence des resténoses et la survenue d’événements cliniques cardio-vasculaires (classe I niveau A) [10]. Le concept EPS (Embolic Protection Stent) est quant à lui toujours en cours de validation. 

Références bibliographiques 
[1] Steg PG,  James SK, Atard D et al. Eur Heart J 2012 ; 33(20) : 2569-619 
[2] Valgimigli M, Gagnor A, Calabro P et al. Lancet 2015;385(9986):2465-76 
[3] Wiviott SD, Braunwald E, McCabe CH et al. N Engl J Med 2007;357(20):2001–15 
[4] Cannon CP, Harrington RA, Jales S et al. Lancet. 2010;375(9711):283-293 
[5] Montalescot G, van't Hof AW, Lapostolle F et al. N Engl J Med 2014; 371(11):1016-27 
[6] Stone GW, Clayton T, Deliargyris EN et al. J Am Coll Cardiol 2014 ;63(1) :15-20 
[7] Steg PG, van’tHof A, Hamm CW et al. N Engl J Med 2013;369(23):2207-17 
[8] Jolly SS, Cairns JA, Yusuf S et al. N Engl J Med 2015;372(15):1389-98 
[9] Carrick D, Oldroyd KG, McEntegart M et al. J Am Coll Cardiol 2014;63(20):2088-98 
[10] Windecker S, Kolh P, Alfonso F et al. Eur J Heart 2014;35(37):2541-619 

PATIENTS NSTEMI

D’après la communication de Thomas Cuisset (Marseille)

Dans les SCA sans surélévation du segment ST (NSTEMI), les Recommandations de l’ESC ont confirmé l’intérêt de la troponine ultrasensible (qui a permis de raccourcir les délais diagnostiques, de l’échocardiogramme et du coroscanner dans les bas risques) et de la stratification du risque ischémique (score GRACE) et hémorragique (score CRUSADE) [1].

La stratégie invasive est choisie en fonction du niveau de risque avec des indications simplifiées : 2 critères principaux justifient la coronarographie (variations des troponines et variations dynamiques du segment ST ou de l’onde T), les autres critères de risque étant considérés comme secondaires et venant essentiellement renforcer l’indication (diabète, insuffisance rénale, dysfonction ventriculaire gauche, angioplastie récente, antécédents de pontage, score GRACE intermédiaire ou élevé, récidive douloureuse après infarctus). Le moment où réaliser la coronarographie est fonction de ces différents éléments : dans les 2 heures après le 1er contact médical en cas de SCA ST - à très haut risque (angor réfractaire, variation dynamique du segment ST, arythmie menaçant le pronostic vital, instabilité hémodynamique), dans les 24 heures après le 1er contact médical en cas de risque élevé (score GRACE > 140, douleur thoracique persistante, troponine positive, variations dynamiques du segment ST ou de l’onde T) et dans les 72 heures chez les patients à haut risque (diabète, insuffisance rénale, FEVG < 40 %, antécédents de pontage, récidive douloureuse après infarctus). La pierre angulaire de la prise en charge médicamenteuse demeure le traitement antiagrégant (aspirine à dose de charge 150-300 mg, dose d’entretien 75-100 mg et un inhibiteur du P2Y12) et les anticoagulants. Sur la question de l’intérêt du prétraitement dans les SCA NSTEMI, l’étude ACCOAST [2], réalisée spécifiquement dans une population de 4 033 patients SCA NSTEMI avec majoration des troponines (= 1,5 x VLN) devant bénéficier d’une stratégie invasive, ne montre pas de bénéfice à une dose de charge de prasugrel (30 mg en amont de la coronarographie puis 30 mg au moment de l’angioplastie vs placebo puis 60 mg au moment de l’angioplastie) en terme de réduction des événements ischémiques (critère primaire : décès CV, IDM, AVC et revascularisation par anti GP 2b/3a en urgence à 7 jours) : 10 vs 9,8 % en cas de prétraitement (HR=1,02 ; p=0,81). A 30 jours, l’évolution sur ce critère principal est strictement comparable entre les deux bras : 10,8 vs 10,8 % (HR=0,997 ; p=0,98). Le prétraitement majore en revanche, et de façon significative, le risque de saignement majeur (TIMI) au moment du geste de revascularisation (2,6 % vs 1,4 % soit un HR à 1,90 ; p=0,006) et à 30 jours (2,9 % vs 1,5 % soit un HR à 1,97 ; p=0,002). « Les résultats d’ACCOAST montrent que c’est seulement après avoir réalisé l’angiographie et décidé de revasculariser qu’il faut administrer du prasugrel ».

L’orateur a ensuite discuté de l’intérêt du prétraitement par un inhibiteur P2Y12 de manière générale et de revoir éventuellement les recommandations à ce sujet. »

Concernant la durée de la bithérapie anti-agrégante plaquettaire (BiAAP : aspirine dose d’entretien 75-100 mg et un inhibiteur du P2Y12 – prasugrel ou ticagrelor ou clopidogrel), elle est en principe de 12 mois après un SCA STEMI ou NSTEMI traité par une angioplastie percutanée primaire ou retardée mais est susceptible d’être adaptée en fonction des profils de risque du patient qu’il s’agisse du risque ischémique ou du risque hémorragique. La BiAAP pourra être plus courte chez des patients âgés, en cas de traitement par anticoagulant oral ou de risque hémorragique élevé, de maladie coronaire stable. A l’inverse, l’allongement de la durée de la BiAAP se discute chez les patients jeunes, à bas risque hémorragique, en cas de DES multitronculaire, d’ICP complexe, d’antécédents de thrombose de stent, de SCA récidivant sous BiAAP, chez le sujet diabétique ou en cas de stent de type « Absorb ». « La balance doit se faire entre une période initiale – dont la durée exacte reste à déterminer et qui est fortement liée au profil patient – où le risque de thrombose est plus élevé que celui des événements hémorragiques et la période qui suit, où les risques s’inversent. »

Références bibliographiques
[1] Hamm CW, Bassand JP, Agewall S et al. Eur Heart J 2011 ;32(33) :2999-3054
[2] Montalescot G, Bolognese L, Dudek D et al. N Engl J Med 2013 ;369(11) :999-1010

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