Grande-Bretagne : une méthode pour estimer la future prévalence de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob
La détermination de la prévalence de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dans les années à venir en Grande-Bretagne passe par le dépistage anonyme de la présence de la protéine prion anormale dans les amygdales palatines et les appendices retirés chez des personnes âgées de 25 à 29 ans.
Tel est le résultat auquel parviennent des épidémiologistes britanniques au terme d’une analyse statistique sur plusieurs scénarios possibles établis à partir d’un modèle de transmission du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vCJD). Leurs résultats sont publiés dans le dernier numéro des comptes-rendus de la Royal Society.
Déterminer l’ampleur d’une possible épidémie est un exercice difficile dans la mesure où, on le sait, la période d’incubation de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob pourrait être de 15 à 25 ans, voire plus. Ceci explique que jusqu’à présent la fourchette des estimations publiées sur une future épidémie de vCJD soient extrêmement larges : entre 50 et plusieurs millions de cas.
Afin de mieux cerner l’ampleur potentielle d’une future épidémie de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, les instances sanitaires et scientifiques britanniques, en l’occurrence le Department of Health et le Medical Research Council, ont récemment décidé de soutenir deux projets d’évaluation de la prévalence de l’infection par le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Amygdale et appendice
Ces projets reposent sur la recherche en immunochimie du prion pathologique, la PrPSc. Des travaux publiés en 1998 et 1999 indiquent en effet que la forme anormale du prion peut être détectée, avant l’apparition des symptômes, dans certains tissus, comme l’amygdale et l’appendice.
Disposer d’informations sur la prévalence d’une maladie en période d’incubation permettrait de réduire la marge d’incertitude sur la taille d’une future épidémie et fournirait aux autorités sanitaires des estimations plus fiables, un peu à la manière de ce qui s'est fait en matière d’infection à VIH dans les années 1980 avec les tests sérologiques de dépistage sur les dons de sang dans la population générale.
Cela dit, l’interprétation des résultats de ces études est compliquée du fait que l’on ne sait pas à quel stade de la période d’incubation les tests immunochimiques actuels peuvent détecter le prion pathologique et que la plupart des cas confirmés de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob sont apparus chez des personnes ayant entre 20 et 40 ans. Or la majorité des amygdales et des appendices sont retirés chez des enfants et des adultes jeunes.
En Grande-Bretagne, 50 % des amygdalectomies sont pratiquées chez les enfants de moins de 10 ans (sans doute moins exposés à l’infection que les adultes), 10 % sur des personnes de plus de 40 ans.
De ce point de vue, l’appendice apparaît donc être un tissu plus informatif que l’amygdale pour estimer la taille d’une épidémie de vCJD. En tout état de cause, il sera sans doute nécessaire pour interpréter les résultats de disposer de l’âge précis des personnes dont les tissus seront analysés.
Un modèle mathématique prenant en compte l’effet temps et l’effet cohorte a été utilisé par Azra Ghani et ses collègues de l’Université d’Oxford (Wellcome Trust for the Epidemiology of Infectious Disease). Il intègre le risque de consommer des animaux infectés par l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et la distribution de l’âge des 39 cas de vCJD recensés en Grande-Bretagne fin-1998.
Dans la mesure où tous les cas de vCJD identifiés à ce jour concernent des personnes homozygotes pour la méthionine au codon 129 du gène du prion (40 % de la population britannique), les chercheurs ont limité leur analyse à cette partie de la population. Cela dit, il n’est pas impossible que les individus non homozygotes pour la méthionine soient également susceptibles de développer la maladie, avec peut-être une plus longue période d’incubation.
Trois scénarios ont été établis sur la base de ce que l’on sait de l’incidence des cas de vCJD et des données dont on dispose sur l’âge des patients chez lesquels on pratique une amygdalectomie ou une appendicectomie. Ils ont été utilisés pour déterminer la meilleure tranche d’âge pour entreprendre un dépistage anonyme et calculer l’ampleur d’une future épidémie de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob en Grande-Bretagne.
Les 25-29 ans
Les analyses montrent que le groupe d’âge qui convient le mieux est celui des 25-29 ans, à supposer que le test soit capable de détecter une infection asymptomatique dans les derniers 75 % de la période d’incubation.
Dans ce cas, le fait de ne détecter aucune infection dans un échantillon pris au hasard de 1.000 appendices correspond à une épidémie de vCJD qui sera comprise entre 58 et 349.000 cas. Si une seule infection est détectée, l’ampleur de l’épidémie sera comprise entre 810 et 600.000 cas. Elle touchera entre 21.000 et 1 million de personnes si trois infections sont détectées.
Si aucune infection n’était dépistée parmi les 1.000 premières amygadales testées, les chercheurs estiment que l’épidémie de vCJD touchera moins de 870.000 personnes.
Au vu des ces projections, on est donc loin des scénarios les plus sombres qui faisaient état de plusieurs millions de morts. On serait donc tenter de dire que, si elle devait survenir, une épidémie de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob toucherait probablement plusieurs centaines à plusieurs milliers de personnes, mais pas des millions. Selon les chercheurs, il faudrait que l’on détecte 20 infections sur 1.000 appendices pour que l’épidémie de vCJD atteigne un maximum de 2,9 millions d’individus.
Selon les auteurs, même si un dépistage anonyme n’était pas entrepris, il devrait être possible, en se basant sur le nombre de cas de vCJD rapportés, de revoir à la baisse la taille d’une possible épidémie dans les deux ans à venir.
" Si moins de 15 cas de la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob sont confirmés en 1999, et en considérant que la vCJD n’affecte que les homozygotes pour la méthionine (soit 40 % de la population), la taille maximale de l’épidémie serait réduite à 500.000 cas. Si moins de 30 cas étaient confirmés au cours des deux prochaines années, la taille maximale de l’épidémie serait réduite à environ 14.000 cas ", concluent les auteurs.
Source : Proceedings of the Royal Society, Biological Sciences, 2000, 267, 23-9.
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