La formation continue des médecins : un échec dénoncé par la Cour des comptes

La formation continue des médecins : un échec dénoncé par la Cour des comptes Seul un médecin sur sept respecte l’obligation de développement professionnel continu (DPC). Entre superposition de réformes et fraudes institutionnalisées, la Cour des comptes alerte sur les dérives du système. Les formations se multiplient mais manquent de rigueur, mettant en cause la montée en compétence des praticiens.

Un constat alarmant : 73 % des médecins en dehors des clous

Dans son rapport de septembre 2024, la Cour des comptes dresse un bilan sévère de la formation continue des médecins en France. Seuls 14,4 % des praticiens ont respecté leur obligation de développement professionnel continu (DPC) durant le cycle 2020-2022. Pire encore, 73 % des médecins ne sont pas du tout engagés dans une démarche de formation conforme à la réglementation. Ce constat, largement basé sur des données partielles, souligne l’incapacité du système actuel à assurer la montée en compétence des professionnels de santé. « Seul un médecin sur sept a satisfait à l’obligation de développement professionnel continu (DPC) au cours du cycle triennal 2020-2022 » précise le rapport (page 17).

La Cour des comptes pointe du doigt une accumulation de dispositifs et de réformes qui ont rendu le cadre du DPC particulièrement opaque. Cette complexité décourage de nombreux médecins, qui peinent à valider leurs actions de formation dans un référentiel souvent mal adapté à leur pratique. Dans certains cas, les formations suivies ne sont même pas prises en compte, faute de traçabilité suffisante ou de conformité aux parcours officiels. Résultat : un médecin sur sept seulement respecte l’obligation imposée par la loi.

Des réformes coûteuses et inefficaces

Malgré plusieurs réformes visant à améliorer la formation continue, la Cour des comptes souligne l’échec persistant du dispositif. L’introduction de la certification périodique, effective depuis 2023, n’a fait qu’ajouter de la confusion sans remédier aux problèmes de fond. Les médecins doivent désormais cumuler deux obligations distinctes – le DPC et la certification – ce qui complexifie davantage un système déjà critiqué pour son manque de lisibilité.

Les dépenses publiques liées à la formation continue des médecins sont également pointées du doigt. Entre 2019 et 2023, la Cour des comptes estime que ces dépenses ont atteint en moyenne 140 millions d’euros par an, une somme colossale qui, pourtant, n’a pas permis de résoudre les dysfonctionnements. Le rapport insiste sur l’absence d’un suivi rigoureux des actions de formation, ce qui rend difficile d’évaluer l’efficacité réelle des investissements consentis.

De plus, la Cour soulève la question de la transparence et des conflits d’intérêts. Elle observe que « certains conseils nationaux professionnels, qui définissent les parcours de formation, préconisent la participation à des congrès qu’ils organisent eux-mêmes, posant ainsi la question de leur impartialité » (page 62). Cette situation remet en cause l’indépendance des formations proposées et soulève des inquiétudes quant à la qualité des parcours suivis par les médecins.

La fraude : un problème systémique dans la formation continue

Le rapport de la Cour des comptes souligne également la recrudescence de fraudes et de comportements abusifs dans le système de formation continue des médecins. L'Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a révélé en 2024 une montée en puissance des pratiques frauduleuses, tant du côté des organismes de formation que des professionnels eux-mêmes. Selon l'agence, certains organismes de développement professionnel continu (ODPC) intègrent même la fraude comme un modèle économique : « Pour certains ODPC, la fraude fait partie de leur business model » (page 121). Les contrôles menés par l'ANDPC ont permis de récupérer plus de 2,2 millions d'euros en 2022 et 2023 suite à des cas de fraudes détectées.

Les signalements d'irrégularités sont nombreux et concernent notamment l'inscription de médecins à des formations sans leur consentement, l'absence de suivi effectif des sessions de formation, ou encore des incohérences entre les fiches descriptives et les formations réellement dispensées. En 2023, l'ANDPC a ainsi reçu 1 096 signalements pour divers motifs, mettant en lumière la gravité et l'ampleur de la fraude.

Ces pratiques menacent l'intégrité du système et compromettent l'efficacité des formations, rendant encore plus urgente la nécessité d'une régulation plus stricte et de contrôles renforcés pour assurer que les fonds publics soient utilisés à bon escient et que les médecins bénéficient d'une formation de qualité.

Une refonte nécessaire du système

Face à ce bilan accablant, la Cour des comptes recommande une réforme en profondeur de la formation continue. Elle propose de fusionner le DPC et la certification périodique en un dispositif unique, plus simple et mieux adapté aux besoins des praticiens. Harmoniser les référentiels et renforcer les contrôles sont également des mesures jugées essentielles pour garantir la qualité des formations suivies.

Le rapport souligne enfin l’importance de rendre le système plus attractif pour les médecins. En l’état, les contraintes administratives et le manque de valorisation des parcours de formation découragent l’adhésion, alors même que l’actualisation des compétences est nécessaire pour maintenir un haut niveau de qualité des soins. La Cour des comptes appelle les pouvoirs publics à agir rapidement pour éviter que la formation continue ne devienne une simple formalité sans réel impact sur la pratique médicale.

 

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Descripteur MESH : Médecins , Formation continue , Organismes , Confusion , Démarche , Lumière , Soins , Santé , Investissements , France

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