Les pharmaciens autorisés à délivrer des antibiotiques sans ordonnance pour angines et cystites

Les pharmaciens autorisés à délivrer des antibiotiques sans ordonnance pour angines et cystites Les textes réglementaires encadrant la délivrance de certains antibiotiques pour traiter une angine bactérienne ou une cystite simple confirmées par un test rapide d'orientation diagnostique (Trod) ont été publiés au Journal officiel du 18 juin 2024. Ces dispositions, prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, entrent en vigueur le 19 juin et autorisent les pharmaciens d'officine, sous réserve d'avoir suivi une formation spécifique, à délivrer un traitement antibiotique sans prescription médicale dans certaines situations.

Nouvelle compétence des pharmaciens

Attendu depuis longtemps, le décret permet désormais aux pharmaciens formés de délivrer des antibiotiques sans ordonnance après réalisation d'un Trod positif. Deux scénarios sont prévus : un patient se présente avec une ordonnance de dispensation conditionnelle ou spontanément.

Un arrêté complémentaire stipule que le pharmacien doit vérifier, avant de procéder aux tests, que le patient ne présente pas de critères d'exclusion ou de signes de gravité. Par exemple, pour une angine, le pharmacien ne pourra pas traiter un enfant de moins de 10 ans, ou un patient ayant récemment voyagé dans une zone tropicale. De même, pour une cystite, des symptômes comme une fièvre supérieure à 38 °C ou des douleurs lombaires excluent une prise en charge par le pharmacien.

Conditions spécifiques de délivrance

Pour les patients de plus de 10 ans présentant des symptômes d'angine, le pharmacien peut réaliser un Trod pour confirmer une origine bactérienne à streptocoque du groupe A. Si le test est positif, il peut délivrer des antibiotiques tels que l'amoxicilline, le céfuroxime (chez l'adulte uniquement), le cefpodoxime, l'azithromycine, la clarithromycine et la josamycine. Pour les femmes de 16 à 65 ans présentant des symptômes de cystite sans fièvre, le pharmacien peut réaliser une bandelette urinaire. Si le test est positif, il peut délivrer de la fosfomycine trométamol ou du pivmecillinam.

Avant de réaliser le Trod, le pharmacien doit s'assurer que les critères d'inclusion sont respectés et qu'il n'y a pas de critères d'exclusion. Il doit également respecter les exigences de traçabilité relatives au Trod et à la délivrance des médicaments.

Formation obligatoire pour les pharmaciens

Pour pouvoir délivrer ces traitements, les pharmaciens doivent suivre une formation spécifique, validée par un organisme indépendant des fabricants de produits de santé. Cette formation couvre les critères d'exclusion, l'interprétation des tests diagnostiques et la prescription d'antibiotiques. Une attestation de formation est exigée pour exercer cette nouvelle compétence. Le cahier des charges de cette formation est détaillé dans l'arrêté du 17 juin 2024.

Enregistrement dans le DMP et rémunération

Le pharmacien doit inscrire dans le dossier médical partagé (DMP) du patient des informations détaillées sur le test réalisé et le traitement délivré. En cas de test positif, une attestation est remise au patient, mentionnant le médicament prescrit, sa posologie et la durée du traitement. Si l'inscription dans le DMP n'est pas possible, ces informations sont transmises au médecin traitant via une messagerie sécurisée.

La rémunération des tests est également fixée par arrêté : 10 euros pour un test ne conduisant pas à une prescription et 15 euros pour un test positif aboutissant à la délivrance d'un médicament. Cette revalorisation a été négociée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) avec l'Assurance maladie.

Un dispositif à double tranchant 

La décision d'autoriser les pharmaciens à délivrer des antibiotiques sans ordonnance vise à améliorer l'accès aux soins de première nécessité et à désengorger les cabinets médicaux en offrant une alternative rapide et accessible aux patients. Elle contribue à une meilleure utilisation des compétences des pharmaciens, élargissant leur rôle dans le système de santé et pourrait générer selon Aurélien Rousseau pas moins de 80 m€ d'économies par an.

Toutefois, cette décision suscite des réserves. En facilitant l'accès aux antibiotiques, cette mesure pourrait accroître leur usage abusif, favorisant ainsi le développement de résistances bactériennes. Le CNGE souligne que les bénéfices cliniques des antibiotiques pour l'angine sont limités, et que la résistance représente un enjeu majeur de santé publique.

En outre, la qualité de l'examen clinique pourrait être compromise. Les tests rapides réalisés en pharmacie ne peuvent remplacer un examen médical complet, indispensable pour diagnostiquer des conditions sous-jacentes ou des complications potentielles. Les pharmaciens, malgré leur formation spécifique, n'ont pas la même expertise diagnostique que les médecins, ce qui pourrait conduire à des erreurs de diagnostic et de traitement.

Enfin, cette mesure pose des défis en termes de coordination des soins. La fragmentation des responsabilités entre pharmaciens et médecins pourrait entraîner des lacunes dans la prise en charge des patients, notamment en ce qui concerne les arrêts de travail et le suivi des traitements. Une communication efficace entre les professionnels de santé est essentielle pour garantir des soins continus et de haute qualité dans ce contexte.

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