L'UFMLS dénonce dans un rapport l'échec couteux des CPTS
Dans un rapport publié en novembre 2024, l’Union Française pour une Médecine Libre (UFMLS) dénonce les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) comme un échec coûteux et inefficace. En filigrane, ce modèle d'organisation est accusé de préparer une transition vers un système de capitation. Représentativité limitée, coûts disproportionnés et lourdeur administrative sont au cœur des critiques.
Les CPTS, un autre modèle d'organisation des soins primaires
Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) ont été créées pour répondre aux défis du système de santé français. Leur mise en place a été initiée sous le mandat du Président François Hollande et renforcée par le Président Emmanuel Macron dans le cadre du plan "Ma Santé 2022". L'objectif principal des CPTS est d'améliorer la coordination des soins sur l'ensemble du territoire français, en facilitant la collaboration entre différents acteurs de santé tels que les médecins, infirmiers, pharmaciens, et autres professionnels médicaux. Depuis leur création, les CPTS ont été financées par l'Agence Régionale de Santé (ARS) et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) via des Accords Conventionnels Interprofessionnels (ACI).
Pour l'UFMLS, les CPTS incarnent un modèle organisationnel qui entre en contradiction avec les valeurs et les pratiques traditionnelles de la médecine libérale qu'elle défend. Il n'est donc guère surprenant que le rapport qu'elle présente soit clairement à charge.
Durant deux mois, un groupe de travail composé de dix médecins du syndicat a analysé en détail les données de la Cnam ainsi que les rapports d’activité des CPTS. Cette étude visait à évaluer le coût global des structures en fonction de leur taille, en prenant en compte les frais de fonctionnement, les financements fixes alloués aux missions socles, ainsi que la part variable maximale liée aux objectifs optionnels. L’analyse s’est appuyée sur les données de 875 CPTS identifiées, incluant celles en phase de projet ou en négociation avec la Cnam, et a été menée département par département.
Des coûts financiers vertigineux pour des résultats limités
Le rapport de l’UFMLS avance des chiffres impressionnants : le coût total des CPTS pourrait avoisiner les 2 milliards d'euros sur cinq ans, avec un coût moyen annuel de 400 000 euros par CPTS. Pourtant, les résultats sont jugés dérisoires. Un exemple marquant concerne une CPTS de taille 3, qui n’a pu attribuer un médecin traitant qu’à 9 patients en une année, pour un coût estimé à 10 000 euros par patient.
Les disparités territoriales aggravent ce constat. Le coût par habitant varie entre 3,54 euros à Paris et 15,94 euros dans la Creuse, des écarts que l’UFMLS qualifie d’« aberration manifeste ». « Ces structures suradministrées absorbent des ressources colossales sans générer de bénéfices concrets pour les patients », déplore le rapport.
Participation et représentativité : une adhésion confidentielle
Les CPTS peinent à fédérer les professionnels de santé, avec des taux d’adhésion très faibles :
- 21 % des médecins libéraux,
- 14 % des infirmiers libéraux,
- 7 % des kinésithérapeutes,
- 5 % des pharmaciens.
Le rapport souligne que ces chiffres interrogent la légitimité des CPTS à représenter l’ensemble des professionnels de santé d’un territoire. « Comment prétendre structurer une organisation de soins avec une aussi faible mobilisation ? », interroge l’UFMLS. Cette faible participation est interprétée comme un rejet des CPTS par une majorité de praticiens, qui craignent une perte d’indépendance et une "mise sous tutelle" des libéraux.
Des structures perçues comme opposées aux principes de la médecine libérale
-
Perte d’indépendance des professionnels
L’une des principales critiques formulées par l’UFMLS est que les CPTS, par leur structuration administrative et leur modèle de financement, pourraient restreindre l’indépendance des praticiens. La mise en place de coordinations territoriales, souvent imposées par des objectifs et des indicateurs de performance, est perçue comme une contrainte qui éloigne les professionnels de leur pratique individuelle et centrée sur le patient. -
Vers une capitation ?
Le rapport met en lumière une potentielle transition vers un système de capitation, où le paiement à l’acte serait remplacé par une enveloppe globale à partager entre les soignants. Ce système, promu dans le cadre des CPTS, est vu comme une menace pour la liberté d’exercice des médecins libéraux, en leur imposant des objectifs collectifs et en les rendant dépendants de résultats administratifs pour leur rémunération.Ce modèle remplacerait le paiement à l'acte par des enveloppes globales à partager entre soignants, dans le cadre de parcours patients coordonnés. Selon l'UFMLS, une telle évolution mettrait à mal la liberté et l’indépendance des professionnels de santé.
Le rapport cite une déclaration de M. Fatome, Directeur Général de la CNAM, affirmant que la capitation était une volonté émanant de l'Élysée et qu’elle « ne pouvait se négocier ». Ces propos, selon l’UFMLS, confirment que les CPTS pourraient être un cheval de Troie pour introduire progressivement ce modèle de financement.
-
La figure du médecin traitant remise en cause
L’UFMLS craint que les CPTS ne cherchent à substituer au médecin traitant une « équipe traitante », où les responsabilités seraient partagées entre plusieurs acteurs. Cette évolution pourrait diluer la relation singulière entre le médecin et son patient, pierre angulaire de la médecine libérale.« Il s’agit d’un basculement majeur qui fragiliserait profondément notre système actuel », avertit le rapport.
Des critiques acérées sur l’utilité et la gouvernance des CPTS
L’UFMLS fustige également la gouvernance des CPTS. Les réunions fréquentes et les processus administratifs complexes sont qualifiés de « perte de temps » détournant les professionnels de leur cœur de métier. Les activités de convivialité organisées par certaines CPTS, comme des galas ou soirées festives, sont décrites comme « irresponsables dans un contexte de crise budgétaire pour le système de santé ».
Certaines déclarations du rapport sont particulièrement marquantes :
- « Les CPTS, c’est comme l’hydroxychloroquine du Pr Raoult : efficaces sur papier, désastreuses en réalité. ».
- « Ce gouffre financier n’apporte aucun réel retour sur investissement et alourdit un système de santé déjà saturé. ».
Vers une réforme ou une suppression ?
Face à ces constats, l’UFMLS réclame un audit indépendant pour évaluer objectivement l’efficacité des CPTS. « Si les résultats confirment l’échec actuel, il faudra en tirer les conséquences et supprimer ces structures », conclut le rapport. L’étude souligne également la nécessité de recentrer les investissements sur des solutions plus pragmatiques et adaptées aux besoins des patients.
Voir le rapport
Descripteur MESH : Santé , Médecine , Patients , Médecins , Objectifs , Soins , Liberté , Infirmiers , Papier , Investissements , Assurance maladie , Assurance , Rémunération , Pharmaciens , Maladie , Travail , Temps , Lumière , Négociation , Solutions