PMA post mortem : une question éthique et juridique qui divise
En France, la procréation médicalement assistée après le décès d’un conjoint est strictement prohibée. Le cas de Charlotte Ngoma, dont le projet parental a été interrompu par la mort de son mari soulève des enjeux éthiques et juridiques, et relance les demandes de réforme.
Un projet familial brisé et une bataille judiciaire
Charlotte Ngoma et son mari avaient initié un processus de PMA avant que ce dernier ne décède en décembre 2023. Mère de deux enfants issus d’une précédente union, elle espérait donner vie à un projet familial partagé avec son époux défunt. Les embryons, toujours conservés au CHU de Caen, ne peuvent être utilisés en France, où la loi exige que les deux membres du couple soient vivants pour procéder à une PMA.
Face à ce blocage, Charlotte a engagé une bataille judiciaire en plusieurs étapes :
- Printemps 2024 : sa requête devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
- Transfert à l'étranger : elle sollicite l’autorisation de transférer les embryons en Espagne, un pays qui permet la PMA post mortem dans un délai d’un an après le décès du conjoint.
- Conseil d'État : mi-novembre 2024, la plus haute juridiction administrative française confirme l’interdiction.
Malgré ce refus, Charlotte envisage de porter son combat devant d’autres instances juridiques, espérant ouvrir la voie à une évolution législative pour d’autres femmes dans des situations similaires.
Des arguments partagés entre éthique et droit
Le cadre juridique français repose sur des principes inscrits dans le code de la santé publique et les lois de bioéthique de 1994. Ces dernières, malgré des révisions successives, notamment en 2021, ont maintenu l’interdiction de la PMA post mortem, y compris pour les couples ayant entamé un parcours avant le décès de l’un des partenaires.
Plusieurs arguments justifient cette interdiction :
- Consentement posthume : vérifier que le défunt souhaitait explicitement cette procréation peut s’avérer complexe.
- Bien-être de l’enfant : certains avancent qu’un enfant délibérément privé de père pourrait en souffrir, bien que des études montrent que les enfants nés après la mort d’un parent ne rencontrent pas davantage de problèmes psychologiques.
- Droits successoraux : la loi française ne reconnaît pas les enfants nés plus de dix mois après le décès d’un parent biologique, soulevant des questions patrimoniales et familiales.
Cependant, des experts comme le professeur Grégoire Moutel appellent à revisiter ces positions. Il met en avant les modèles étrangers, notamment espagnol et portugais, où des délais raisonnables permettent de concilier éthique et réalisations familiales.
Une question d’harmonisation européenne et de révision législative
L’Europe offre des exemples de législations plus souples. En Espagne, par exemple, la PMA post mortem est autorisée dans l’année suivant le décès du conjoint. Ce modèle montre qu’il est possible d’encadrer cette pratique tout en répondant aux attentes des familles endeuillées.
Le cas de Charlotte Ngoma souligne également l'absence d'harmonisation européenne : des patientes françaises se tournent parfois vers des pays voisins pour contourner les restrictions nationales, ce qui pose des questions d’équité et de cohérence.
Une évolution inévitable ?
Malgré le rejet de sa demande par le Conseil d'État, Charlotte continue de militer pour un changement. Si la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a validé l’interdiction française d’exporter des gamètes ou embryons pour une PMA post mortem, elle a aussi indiqué que l’évolution des lois nationales pourrait réviser cette position.
Cette affaire pourrait donner l'occasion de rouvrir le débat législatif en France, en tenant compte des réalités familiales, des progrès scientifiques et des évolutions sociétales. À l’image de Charlotte, de nombreuses femmes espèrent voir ce combat aboutir à une réforme qui concilie respect des choix individuels et cadre éthique.
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