L’infection au SARS-CoV-2 ne protégerait qu’à hauteur de 12,4% contre les risques de réinfection selon une étude du CHU de Toulouse
La définition de seuils de protection contre l’infection à SARS-CoV-2 est essentielle pour les stratégies vaccinales et thérapeutiques à venir. Une étude du CHU de Toulouse a établi une relation entre la concentration d’anticorps et la protection contre une infection ou une réinfection. Elle met également en lumière que l’infection naturelle seule est bien moins protectrice que la vaccination. En effet, elle ne protègerait qu’à hauteur de 12.4% 79% des personnes infectées non vaccinées de la cohorte suivie.
Parue le 21 septembre 2021 dans la revue scientifique « Journal of Infection », cette étude, portée par les services de virologie, de santé au travail et d’infectiologie, a été réalisée sur une cohorte de personnels hospitaliers.
Faible protection en dessous de 140 unités/ml, protection totale au-dessus de 1700 unités/ml
L’étude se base sur les sérologies SARS-CoV-2 réalisées de juin 2020 à juillet 2021 auprès de 8758 soignants dont 276 (3 %) étaient séropositifs, dans le cadre du dépistage initial.
L'âge médian des 8 758 soignants était de 40 ans avec intervalle interquartile [IQR] 32-50). 7 039, soit 80,4% sont des femmes. Plus de la moitié de la cohorte (4 811 ; 54,9%) avaient reçu une (2 244 ; 46,6%) ou deux (2 567 ; 53,4%) doses de vaccin entre janvier et le 15 avril 2021. Parmi eux, 1 290 (26,8%) avaient reçu une dose du vaccin Oxford-AstraZeneca, 954 (19,8%) avaient reçu une dose du vaccin Pfizer-BioNTech et 2 567 (53,4%) avaient reçu deux doses.
Une moyenne de 9,65 % (intervalle [7,2-12,1 %]) des soignants qui n'avaient pas d'anticorps neutralisants (NAb) ont été infectés après un suivi médian de 275 jours (IQR : 265-281), tout comme 2,2 % [IC 95 % :0,4-4%] de ceux dont le titre de NAb était bien inférieur à 64. En revanche, seul 0,6 % [IC 95 % : 0 % - 1,5 %] de ceux dont le titre NAb était compris entre 64 et 128 ont été infectés, et aucun de ceux dont le titre NAb était égal ou supérieur à 256.
L’objectif était d’établir une relation entre la concentration d’anticorps neutralisants et d’anticorps totaux mesurés (par une méthode immunoenzymatique) et la protection contre une infection ou une réinfection par le SARS-CoV-2.
Sur la base de 365 jours de suivi, les chercheurs ont obtenu :
- 76,8 % de protection avec un titre d’anticorps neutralisants détectable et inférieur strictement à 64 ;
- 94 % de protection avec un titre d’anticorps neutralisants égal à 64 ou 128 ;
- 100 % de protection avec un titre d’anticorps neutralisants supérieur ou égal à 256 ;
- 12,4 % de protection avec une concentration d’anticorps totaux supérieur à 13 et inférieur à 141 unités/ml ;
- 89,3 % de protection avec une concentration d’anticorps totaux comprise entre 141 et 1700 unités/ml ;
- 100 % de protection avec une concentration d’anticorps totaux supérieure ou égale à 1700 unités/ml.
La vaccination confère une meilleure protection qu’une infection naturelle seule
Ces seuils ont permis d’évaluer la protection conférée par une infection naturelle seule (non suivie d’une vaccination) et celle conférée par la vaccination. Après deux doses de vaccins, 15 jours après leur deuxième dose, aucun individu ne présentait de concentration faible d’anticorps totaux, ils étaient donc tous protégés a minima à 89,3 %. En revanche, 79,3 % des personnes antérieurement infectées, mais non vaccinées présentaient 3 mois après l'infection une concentration d’anticorps totaux inférieure à 141 unités/ml et un niveau de protection contre une réinfection de seulement 12,4 %.
Chloé Dimeglio, biostatisticienne au laboratoire de virologie du CHU de Toulouse dirigé par le Pr. Jacques Izopet : « La définition de ces seuils de protection en lien avec la réponse anticorps après une vaccination ou une infection naturelle est essentielle aujourd’hui pour affiner les protocoles vaccinaux (3e dose) ou thérapeutiques (utilisation des anticorps monoclonaux) notamment pour les personnes immunodéprimées répondant mal aux schémas classiques de vaccination. »
« L’intérêt de cette étude est de déterminer un seuil -ici 141 unités/ml- en deçà duquel la personne n’est pas protégée et, pour cette personne, il faudra mettre en place une stratégie (par exemple une dose de vaccin supplémentaire, la prise d’anticorps monoclonaux pour les personnes immunodéprimées comme les transplantés). Cela permet aussi de calibrer un suivi sur le long terme et d’optimiser les stratégies de vaccination en estimant la durée de protection », explique Chloé Diméglio pour Ladepeche.
* Dimeglio C1,2 , Herin F3,Martin-Blondel G4, Miedougé M1, Izopet J1,2. Antibody titers and protection against a SARS-CoV-2 infection. J Infect.2021 Sept. doi : 10.1016/j.jinf.2021.06.016.
1 CHU Toulouse, Hôpital Purpan, Virology Laboratory, 31300 Toulouse, France
2 INSERM UMR1291 – CNRS UMR5051, Toulouse Institute for Infectious and Inflammatory Diseases (INFINITy), 31300 Toulouse, France
3 Occupational Diseases Department, Toulouse-Purpan University Hospital, 31000 Toulouse, France
4 Infectious and Tropical Diseases Department, Toulouse University Hospital, 31300 Toulouse, France
Descripteur MESH : Infection , Vaccination , Personnes , Lumière , Anticorps , Virologie , Anticorps monoclonaux , Vaccins , Travail , Santé , Santé au travail