Résistance aux antibiotiques : une nouvelle approche prometteuse
De nouveaux antibiotiques pourraient limiter l'apparition de nouvelles souches bactériennes résistantes. Une nouvelle stratégie, mise au point par des chercheurs américains, permettrait de réduire l'exposition des bactéries aux antibiotiques dans la nature.
Les antibiotiques sont parmi les médicaments les plus prescrits dans le monde. Leur utilisation massive a conduit aujourd'hui à un problème majeur de santé publique : l'apparition de nombreuses souches bactériennes résistantes. Les antibiotiques ne sont en général pas métabolisés par l'homme ou l'animal. Ils se retrouvent ainsi introduits dans la nature où ils continuent à tuer les bactéries sensibles favorisant ainsi l'émergence de souches résistantes. Les souches pathogènes ainsi sélectionnées sont encore plus difficiles à traiter.
L'équipe de S. Mobashey (Wayne State University, Michigan, USA) a eu l'idée de concevoir des antibiotiques biodégradables qui limiteraient la sélection de souches résistantes dans l'environnement.
Leurs travaux portent sur un nouveau type de béta-lactamines susceptibles de perdre leur activité antibiotique après une exposition de quelques heures à la lumière naturelle. Ils ont ainsi synthétisé un analogue de la céphalosporine qui, lorsqu'il est activé par la lumière, est capable d'éliminer le noyau béta-lactame responsable de son activité antibiotique. Les chercheurs ont ajouté sur la molécule de céphalosporine un groupement photo-activable qui déclenche la dégradation du noyau béta-lactame.
S. Mobashery indique que "les propriétés de ce type d'antibiotique devraient limiter leur disponibilité et leur temps d'exposition dans l'environnement". Il en découlerait ainsi une diminution de la pression de sélection des souches résistantes.
La dégradation de cet antibiotique par la lumière (photolyse) conduit à la formation de plusieurs sous-produits mais aucune trace du dérivé de céphalosporine n'est détectable par RMN. La photolyse de ce composé est totale après 10 à 16 heures d'exposition à la lumière.
Les scientifiques ont également montre que ce composé conserve ses propriétés antibiotiques et reste spécifique des bétalactamases bactériennes. Les propriétés antibiotiques ont été évaluées par mesure de la CMI (µg / ml). Plusieurs souches ont été testées : Klebsiela pneumoniae, CMI = 32 ; Enterococcus faecalis, CMI = 32 ; Staphylococcus aureus, CMI = 1 ; Bacillus subtilis, CMI = 1. Le composé semble plus efficace sur les bactéries à Gram positif.
Selon les auteurs, cette molécule n'est que "le prototype d'un concept plus général qui peut être exploité de plusieurs manières". Ils envisagent ainsi la possibilité de synthétiser "des molécules dégradables par les moisissures ou sensibles au pH de l'environnement auquel elles seraient exposées". Ce concept apparaît également généralisable à d'autres classes d'antibiotiques.
L'équipe de S. Mobashey s'est attaqué à la base du problème de la résistance bactérienne. Il est évident que limiter les causes de ce phénomène majeur constituent un excellent choix stratégique. En effet, bien que de nouveaux antibiotiques encore plus efficaces restent nécessaires, leur utilisation massive pour éliminer ces souches résistantes n'aboutirait qu'a la sélection de bactéries encore plus difficiles à traiter.
Source : Journal of Medicinal Chemistry, 13 janvier 2000 ; 43(1):128-32
Descripteur MESH : Bactéries , Nature , Lumière , Environnement , Photolyse , Bactéries à Gram positif , Michigan , Pression , Santé , Santé publique , Temps