Tramadol et codéine : des ordonnances sécurisées pour freiner les abus
À partir du 1er décembre 2024, sous l’impulsion de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), une nouvelle réglementation encadrera la prescription de médicaments contenant du tramadol et de la codéine. Ces opioïdes, utilisés pour traiter les douleurs modérées à sévères, seront désormais soumis à des ordonnances sécurisées en raison des risques de mésusage, de dépendance et d’abus qu’ils présentent. La durée maximale de prescription de la codéine sera également limitée à trois mois, en cohérence avec les règles déjà en place pour le tramadol.
Un renforcement des mesures pour limiter les risques
Le tramadol et la codéine, présents dans de nombreux médicaments, y compris en association avec le paracétamol ou l'ibuprofène, sont couramment prescrits pour traiter des douleurs ou des toux sèches gênantes. Cependant, des études de pharmacodépendance et d’addictovigilance ont montré que ces médicaments sont souvent mal utilisés, entraînant des abus, des surdosages, ainsi que des falsifications d’ordonnances. En 2022, parmi environ 2 600 ordonnances falsifiées en France, 457 concernaient le tramadol et 416 la codéine, principalement pour des indications antitussives et antalgiques, selon Philippe Vella, directeur médical de l'ANSM, cité par Libération.
Pour tenter de réduire ces risques, les autorités sanitaires imposent, à compter du 1er décembre, que les médicaments contenant du tramadol, de la codéine ou de la dihydrocodéine ne soient délivrés que sur présentation d’une ordonnance sécurisée. Ce type d'ordonnance, déjà utilisé pour d'autres substances sensibles comme la morphine ou certains psychotropes, intègre des critères techniques stricts : des mentions obligatoires pré-imprimées en bleu, un filigrane représentant un caducée, des carrés en microlettres et un grammage spécifique de 77 g/m². En outre, le dosage, la posologie et la durée du traitement devront être inscrits en toutes lettres par le prescripteur.
Ces mesures visent à protéger les patients des dangers de dépendance associés à ces opioïdes. En 2022, 14 décès liés à l’abus de tramadol et 6 décès dus à la codéine ont été enregistrés en France, ce qui montre l'urgence d'une meilleure régulation.
Vers une ordonnance numérique pour limiter les falsifications
Malgré l'introduction de l'ordonnance sécurisée, certains professionnels de santé estiment que cette mesure pourrait être améliorée par une digitalisation complète des prescriptions. Libération rapporte que Philippe Besset, président de la Fédération des Syndicats Pharmaceutiques de France (FSPF), a exprimé son soutien à cette nouvelle réglementation, tout en soulignant qu’elle aurait pu être plus ambitieuse avec l’introduction d'une ordonnance numérique. « L'ordonnance numérique permettrait d'éviter tout problème de falsification », explique-t-il, regrettant un retard technologique dans la modernisation du système de santé français.
L’ordonnance numérique, déjà utilisée dans certains pays, offrirait une solution plus fiable pour suivre la délivrance des médicaments à risque, en réduisant les erreurs humaines et en empêchant la reproduction frauduleuse des ordonnances. Ce système permettrait également un meilleur suivi des patients et une communication plus fluide entre les prescripteurs, les pharmaciens et les autorités de santé. La numérisation des prescriptions représente donc un enjeu majeur pour les années à venir, notamment pour mieux contrôler la consommation des opioïdes en France, où environ 10 millions de Français ont reçu au moins une prescription d’antalgiques opioïdes en 2015.
En France, les ordonnances numériques ont été progressivement mises en place pour moderniser le système de santé. Elles permettent aux médecins de transmettre les prescriptions via des plateformes sécurisées, une pratique accélérée par la crise sanitaire du Covid-19. Ce système présente plusieurs avantages : il réduit les risques de falsification, améliore la traçabilité des traitements, simplifie les démarches administratives et facilite la gestion des renouvellements de prescription. Cependant, ce dispositif n’est pas encore généralisé pour tous les médicaments, notamment les opioïdes comme le tramadol et la codéine, qui nécessitent encore des ordonnances sécurisées en raison des risques de dépendance et d'abus.
Informer les patients et continuer à prévenir les risques
Outre la prescription sécurisée, l'ANSM envisage d’autres mesures pour renforcer la prévention des abus. Les autorités réfléchissent notamment à l’ajout de mentions d’alerte sur les boîtes de médicaments contenant du tramadol ou de la codéine. L’objectif est d’informer directement les patients sur les risques de dépendance et de surdosage. Cette initiative s'inscrit dans la continuité des efforts déployés depuis plusieurs années, comme la réduction du nombre de comprimés par boîte pour les traitements à base de tramadol, afin de mieux adapter les doses aux prescriptions de courte durée.
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