Urgence en crise : face à la canicule, « les hôpitaux ne sont pas prêts »
L’été et le mois d’août se traduisent souvent par une période de tensions exacerbées pour le système hospitalier et les urgences en particulier. Cette année, la situation est aggravée par plusieurs facteurs : une canicule tardive et intense, une crise hospitalière persistante, la grève des Assistants de Régulation Médicale (ARM), la résurgence des cas de Covid-19 à l’hôpital ainsi que les effets délétères de la loi Rist. De nombreux médecins donnent l’alerte pendant qu’Aurélien Rousseau tente de rassurer comme il peut.
Un système de santé à bout de souffle
Depuis plusieurs années, les hôpitaux français font face à une crise sans précédent. Manque de personnel, fermetures de lits, régulation des urgences et fonctionnement en mode dégradé sont autant de problèmes qui se sont intensifiés. L’été dernier, déjà marqué par des tensions inédites, avait vu les médias se faire l’écho de cette crise. Cette année, la situation semble encore plus préoccupante. Pour Marc Noizet, président de SAMU-Urgences de France, il ne fait même aucun doute « la situation est plus grave que l’été dernier » a-t-il déclaré sur Europe 1
« L’été dernier, on avait des zones rouges. La nouveauté est que des zones extrêmement touristiques sont aujourd’hui en très, très grande précarité »
Marc Noizet souligne que désormais, des destinations très prisées par les touristes, comme Les Sables-d’Olonne en Vendée ou Arcachon en Gironde, sont en situation critique. Pour soulager les urgences, un centre de soins non programmé a été mis en place sur le parking de l’hôpital pour traiter des cas de traumatologie mineure grace au volontarait d'une vingtaine de médecins libéraux. Il mentionne aussi Saint-Tropez sur la Côte d’Azur, où le service d’urgences a failli être fermé.
« Nous sommes sur une crise qui n’est pas maîtrisée. » P. Revel (CHU Bordeaux)
En Gironde, où la demande en soins est importante, Philippe Revel, responsable des urgences du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, indique pour lemonde.fr que la situation est nettement plus tendue que l’année précédente. Le CHU de Bordeaux fait face à une pénurie, avec un déficit d’environ 25 % de son personnel médical. Il mentionne avoir dû limiter les opérations quotidiennes durant l’été, et dans des cas extrêmes, certains services ont même fermé, une situation inédite. Il prend pour exemple les urgences de Sainte-Foy-la-Grande, qui ont été inaccessibles pendant un mois. Pour Revel, le diagnostic est clair : la crise actuelle échappe à tout contrôle.
Dans le Var, la situation des urgences est peu reluisante. Les urgences de Draguignan ont dû fermer leurs portes la nuit pendant près de dix-neuf mois en raison d’un manque de médecins, et elles continuent de rencontrer des problèmes. Les urgences de Saint-Tropez prévoient également une fermeture nocturne du 18 au 22 août. A Manosque, située dans le département voisin des Alpes-de-Haute-Provence, des fermetures occasionnelles sont également enregistrées.
Ce qui inquiète surtout Marc Noizet, c’est la fermeture des Smur, ces unités hospitalières mobiles qui interviennent en cas d’urgence grave, que ce soit sur la voie publique ou à domicile. Il note que ces fermetures peuvent être temporaires, comme le temps d’une nuit ou d’un week-end. Par exemple, dans la région d’Angers, sept Smur ne sont actuellement pas opérationnels.
Canicule : une pression supplémentaire
L’arrivée d’un épisode caniculaire majeur en août a ajouté une pression supplémentaire sur des services d’urgence déjà surchargés. Les fortes chaleurs entraînent inévitablement des problèmes de santé, augmentant le nombre de patients se rendant aux urgences. Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a qualifié cette canicule d’« inhabituelle par sa durée et son intensité ». Dans des villes comme Toulouse, les appels liés à la chaleur ont déjà commencé à affluer, mettant en évidence l’impact direct de la météo sur le système de santé.
La hausse des températures entraîne une augmentation des admissions dans des services d’urgence déjà en crise. Christophe Prudhomme, porte-parole de l’AMUF, est convaincu que cette vague de chaleur entraînera une hausse de l’activité hospitalière. Il estime que les hôpitaux ne sont pas prêts à faire face à cette augmentation, d’autant plus qu’ils peinent déjà à gérer l’activité normale.
« On aura 5, 10, voire jusqu’à 20 % d’augmentation de l’activité. Aujourd’hui, les hôpitaux ne sont pas prêts et encore moins cette année, puisque nous n’arrivons pas actuellement à gérer une activité normale », déplore Christophe Prudhomme, porte-parole de l’AMUF pour BFM.
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La régulation des urgences et la grève des ARM
Face à la crise, une des solutions mises en place a été la régulation des urgences, obligeant les patients à appeler le 15 avant de se rendre à l’hôpital. Si cette mesure visait à désengorger les urgences, elle a mis une pression supplémentaire sur les assistants de régulation médicale (ARM), déjà en sous-effectif. Ces professionnels, en première ligne pour répondre aux appels d’urgence, n’étaient pas préparés à faire face à ce surcroît de travail.
Face à cette situation, les ARM ont décidé de se mettre en grève. Cette grève, qui a touché 71 des 100 SAMU français, avait pour objectif de demander des revalorisations salariales et des embauches. Les ARM, souvent méconnus du grand public, jouent pourtant un rôle essentiel dans la chaîne des urgences. Ils sont les premiers interlocuteurs des patients en détresse, et leur travail est essentiel pour orienter correctement les appels et garantir une prise en charge rapide et efficace.
La loi RIST complique la situation
La loi RIST, mise en place en avril, encadre désormais le salaire des médecins intérimaires, limité à 1 390 euros brut pour une garde de 24 heures. Bien que nécessaire selon de nombreux établissements de santé, cette loi a engendré des complications, notamment aux urgences et dans les services d’anesthésie et de chirurgie.
Frédérick Marie, directeur de deux hôpitaux normands constate une baisse de 30 % des intérimaires disponibles et souligne pour FranceInfo : « Cet été se caractérise davantage par un manque de praticiens hospitaliers. On a du mal à remplir les tableaux de service. »
La médecine libérale saturée
Orienter les patients vers la médecine de ville, afin que les urgences se concentrent uniquement sur les cas les plus graves, est une démarche d’autant plus difficile que de nombreux médecins libéraux ne sont pas remplacés pendant l’été.
Le Dr Frédéric Paing, médecin généraliste dans la Manche observe une augmentation des consultations, car « les patients qui auraient dû être hospitalisés ne le sont pas ou sont libérés plus rapidement ». Il exprime ses inquiétudes sur FranceInfo : « On est sursollicités, l’hôpital aussi. Parfois, malheureusement, on a un peu l’impression que tout le monde se renvoie les patients et on s’enfonce. C’est de pire en pire… Beaucoup de généralistes s’épuisent. Certains vont arrêter. Ça devient trop difficile pour ceux qui restent »
Vincent Bounes, directeur du Samu en Occitanie, indique avoir sollicité l'aide de médecins retraités et de jeunes médecins en formation pour faire face à la crise. Bien que tous les patients aient été pris en charge, ils n'ont pas tous été traités comme ils l'auraient souhaité. Il regrette que certains aient dû être dirigés vers l'hôpital faute de solutions en médecine de ville. Sur les 2 000 appels quotidiens au centre, 40% à 50% pourraient être gérés par des généralistes, un chiffre reflétant le manque de médecins traitants pour de nombreux patients.
La recrudescence des cas de Covid-19 à l’hôpital avec notamment des foyers d’infections nosocomiales qui touchent patients et soignants constitue un facteur d’aggravation de la crise des Urgences.
« L’hôpital a fait face, l’hôpital fera face, l’organisation du système de santé, elle est extrêmement robuste et elle sera robuste face à cet épisode de chaleur » tente de rassurer Aurélien Rousseau pour le monde.fr
Certes la méthode Coué peut donner l'illusion de fonctionner un temps, mais si l'hopital tient c'est avant tout par le dévouement et le dépassement de fonction des professionnels de santé que par une organisation administrative et des politiques de santé qui tels deux vers dans le fruit n'ont eu de cesse depuis des années de compromettre insidieusement la pérennité et l'efficacité de l'ensemble du système de santé.
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