Les fermetures de services hospitaliers se multiplient avec la mise en place de la loi Rist
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Rist, de nombreux services hospitaliers en France ont été contraints de fermer leurs portes ou de fonctionner « en mode dégradé », laissant les patients sans prise en charge adéquate. La grogne s'amplifie à l'hôpital.
Malgré les déclarations rassurantes du ministre de la Santé François Braun, force est de constater que les fermetures de services hospitaliers se multiplient. Ce lundi 3 avril, les centres hospitaliers de Bry-sur-Marne, Bastia, Metz et Alès ont dû fermer temporairement ou partiellement leurs portes.
La situation est très compliquée dans les hôpitaux de Bastia, Metz et Alès. À Bastia, l’unité d’hospitalisation de courte durée est fermée du 3 au 10 avril. Les patients sont orientés et pris en charge au sein du secteur de post-urgence. L’unité de surveillance continue est également fermée du 3 au 30 avril inclus, et les patients sont transférés au service de réanimation.
Rien que pour le @CHBastia fermeture de l’UHCD, de l’USC, de l’activité Interventionnelle de neuro et cardio, ou transfert sur le continent, si la météo le permet !
— SNMRH (@cdmrehp) April 3, 2023
Belle anticipation M. @FrcsBraun @Corse_Matin @FTViaStella @Prefet2A @Prefet2B @ARSCORSE1 @corsenetinfos pic.twitter.com/0xzNVaS4CA
À Metz, les services des urgences ne peuvent pas assurer leur fonctionnement 24 heures sur 24, car le nombre de médecins en poste ne permet pas de couvrir toutes les lignes nécessaires pour répondre aux besoins des patients. L’ARS Grand Est a lancé un appel à la solidarité territoriale pour apporter un appui médical rapidement.
Même en Île-de-France, les urgences de l’hôpital Saint-Camille à Bry-sur-Marne ont fermé, délestant la traumatologie vers les centres hospitaliers et cliniques alentour. Les urgences de Bry-sur-Marne prennent en charge entre 150 et 200 passages par jour, et leur fermeture est un coup dur pour les patients.
La situation n’est pas meilleure dans les autres hôpitaux de France. Le service des urgences du pôle santé Sarthe et Loir, au Bailleul, est fermé de nuit du 1er au 7 avril, de 18 h 30 à 8 h 30, ainsi que tout le week-end. Les services de soins de suite et de réadaptation du centre hospitalier intercommunal Montdidier-Roye sont également temporairement fermés en raison des difficultés de recrutement. Les urgences du centre hospitalier de Montval-sur-Loir seront fermées du lundi 3 avril 2023, à 8 h 30, au jeudi 6 avril à 8 h 30.
« Durant les 3 prochaines semaines, il n’y a pas de services qui vont fermer de façon sèche » F Braun au micro De BFMTV
Le ministre de la Santé François Braun avait pourtant affirmé que « aucun service ne va fermer en avril », mais cette affirmation est en contradiction avec la réalité. Les représentants des intérimaires médicaux estiment que « 300 services sont à court terme menacés de fermeture ». Le Dr Éric Reboli, président du Syndicat national des médecins remplaçants des hôpitaux, juge que François Braun allie « l’incompétence et le mensonge », ce qui crée des situations ingérables dans les services.
Le département de la Loire semble sur la même longeur d'onde. En assemblée plénière, le conseil départemental a adopté vendredi à l'unanimité un vœu exhortant le ministre de la Santé, François Braun, à suspendre la mise en œuvre de la loi Rist. La demande vise à entamer immédiatement une réorganisation personnalisée de l'offre de soins, tout en intégrant la possibilité d'autoriser des sur-rémunérations temporaires dans les établissements en sous-effectif médical.
À l’hôpital la grogne prend de l’ampleur
Si la réforme de la loi Rist génère de nombreux dysfonctionnements et rajoute une pression considérable sur les équipes en poste, elle fédère aussi les mécontentements notamment des praticiens hospitaliers et des internes qui militent pour que les 1500 millions d’économies qui pourraient être générées par cette loi soient utilisées pour financer une revalorisation de leur statut respectif.
Or pour le moment, sur ce point, la communication du ministre reste floue et provoque l’ire des PH. Si le ministre a bien invité les syndicats de praticiens hospitaliers à des concertations, ceux-ci ont bien noté qu’il ne s’agissait pas de négociations en bonne et due forme avec un calendrier et un ordre du jour clair.
« Les PH n’accepteront plus l’enfumage de pseudoconcertations sur des sujets à la marge de leurs préoccupations professionnelles. Ils ont besoin d’une réelle reconnaissance concrète de leur travail quotidien. »
L’InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI), syndicat représentatif des médecins de demain, lance un avertissement aux institutions : les internes ne sont pas des variables d’ajustement ! Alors que les hôpitaux économiseront 1,5 milliard d’euros annuels grâce à une mesure censée être redistribuée aux médecins hospitaliers investis dans l’hôpital public, les internes en médecine, représentant jusqu’à 40 % de ces médecins, ont été une fois de plus oubliés lors des auditions et négociations avec les parties prenantes. Payés actuellement 5,42 euros par heure, ils réclament leur juste part des économies réalisées !
Pourtant, les internes sont des professionnels de santé indispensables au bon fonctionnement des hôpitaux. Leur assignation abusive et systématique lors des mouvements de grève en est la preuve. Leur temps de travail moyen de 58 heures par semaine, pouvant atteindre jusqu’au double, en est une autre. Le non-respect de leur repos de sécurité après leurs astreintes en est encore une.
Depuis 2021, un interne en médecine se suicide tous les dix-huit jours en raison de ces conditions de travail désastreuses. Un tel mépris n’est plus tolérable. « Nous veillerons à ce qu’aucun interne ne subisse de pressions pour combler le manque de médecins dans les hôpitaux suite à la décision prise par le gouvernement. Nous ne pouvons pas demander à ces jeunes praticiens un effort supplémentaire : leur travail les tue déjà », prévient Olivia Fraigneau, présidente de l’InterSyndicale Nationale des Internes.
La loi Rist, qui plafonne à tort ou à raison le tarif des médecins intérimaires a créé de vives tensions sur la gestion des ressources humaines médicales qui se traduisent par des dysfonctionnements, des fermetures de services hospitaliers et au final des pertes de chance pour de nombreux patients. Les représentants des médecins intérimaires estiment que la situation risque de s’aggraver, avec 300 services menacés de fermeture à court terme. Les praticiens hospitaliers et les internes en poste sont soumis à une pression maximale et s’impatientent face à l’incurie du gouvernement à leur endroit.
Crédit photo : DepositPhotos
Descripteur MESH : Services hospitaliers , Patients , France , Médecins , Hôpitaux , Urgences , Travail , Santé , Pression , Médecine , Gouvernement , Face , Communication , Sécurité , Syndicats , Économies , Réanimation , Soins de suite , Risque , Suicide , Médecins hospitaliers , Repos , Soins , Traumatologie , Temps