Rapport du Congrès de l’AFU : Les urgences en urologie

Rapport du Congrès de l’AFU : Les urgences en urologie C’est un rituel, chaque congrès de l’AFU se clôt par la présentation du rapport annuel. En 2021, il sera dédié aux urgences en urologie, un sujet qui constitue le quotidien des urologues, mais qui n’avait encore jamais fait l’objet d’une recension.

Le thème est vaste et les trois rapporteurs ont mené une enquête fouillée afin de mettre à la disposition des spécialistes des données inédites qui enrichissent leur connaissance du sujet et simultanément de divulguer une information accessible pour tous les généralistes et urgentistes, moins souvent confrontés à ces sujets. Le rapport sera présenté le samedi 20 novembre à 15 h par ses auteurs le Pr Jean-Alexandre Long, le Pr Romain Boissier et le Pr Pierre-Henri Savoie.

Le premier et le dernier article d’un rapport sont souvent les plus importants ou du moins les plus novateurs. Le rapport 2021 n’échappe pas à cette logique. Il débute par une enquête totalement inédite sur les urgences urologiques et se clôt par un article, véritable « bouquet final », rédigé par le Pr Pierre-Henri Savoie, urologue militaire, sur le damage control chirurgical en cas d’attentat (chirurgie de sauvetage visant à stabiliser un blessé pour l’amener le plus rapidement possible en réanimation).

Au commencement était le chaos…

« Nous avions pour objectif, pour introduire le sujet, de faire l’état des lieux des urgences urologiques en France explique Romain Boissier. Nous avons cherché des publications existantes, nous n’avons rien trouvé. Il a fallu être innovant et partir nous-mêmes quérir les informations à la source.» Grâce au réseau de suivi OSCOUR, qui regroupe plus de 90 % des services d’urgence sur le territoire national, le Pr Boissier a pu remonter les données de toutes les urgences urologiques sur 5 ans (hors épidémie Covid). Ces données ont permis de dresser un tableau exhaustif de l’activité (fréquence, profil type du patient, pathologies les plus récurrentes, temps de passage aux urgences et type de traitement proposé…). L’enquête a montré que 4 % de l’ensemble des visites aux urgences concerne la sphère urologique. Sans surprise ce sont les urgences infectieuses (cystites, prostatite, pyélonéphrites…) qui sont les plus souvent retrouvées. En seconde ligne, les urgences du haut appareil urinaire, comme la colite néphrétique ou les rétentions d’urine.

Non moins intéressant, le temps de passage aux urgences et le taux d’hospitalisation. Les estimations montrent que globalement, pour chacune des pathologies, les recommandations sont bien respectées. « Le taux d’hospitalisation est seulement de 40 % pour les rétentions d’urine ou les colites néphrétiques ce qui correspond aux recommandations et montre que les médecins urgentistes font un bon triage» souligne le Pr Boissier.

Après ce riche florilège, une succession d’articles permet de faire un tour complet des urgences, des plus rares aux plus fréquentes, des plus bénignes aux plus complexes.

Un rapport résolument pratico-pratique

Le Pr Long a traité des urgences et traumatismes du bas appareil urinaire (vessie, prostate, urètre…) et des traumatismes du rein. « À Grenoble, où le ski et les sports de montagne sont très pratiqués, ce sont des accidents que nous observons fréquemment. » Certaines chutes, certains chocs peuvent provoquer des fractures d’organes. L’organe se brise, se fragmente, entraînant des saignements, des fuites d’urine potentiellement mortelles. Ces urgences urologiques recourent volontiers aux techniques mini-invasives pour arrêter les saignements, notamment l’embolisation. Toutes ces approches sont développées dans le rapport.

Le comité d’infectiologie de l’AFU (CIAFU) a réalisé un article de fond sur les urgences infectieuses. Cet article collégial est l’occasion de présenter d’authentiques recommandations de bonne pratique pour chaque type d’infection et chaque organe. Une sorte de bible de l’urgence infectieuse.

Des articles spécifiques sont dédiés à des urgences fréquentes comme les coliques néphrétiques ou encore les rétentions aiguës d’urine, avec des conseils pratico-pratiques sur le drainage vésical, la pose et le retrait de sonde, les gestes à réaliser pour éviter une chirurgie dans les suites immédiates d’une rétention aiguë. « Sur la colique néphrétique, qui est la seconde urgence urologique après les urgences infectieuses, nous avons voulu éviter de faire un cours d’urologie, nous avons donc choisi un angle précis, autour des protocoles de prise en charge de la douleur des plus classiques aux plus inattendus» précise le Pr Savoie. L’article évalue notamment la place du paracétamol et des anti-inflammatoires (jamais l’un sans l’autre !), de la morphine, mais également des traitements prometteurs comme la lidocaïne ou la kétamine en intraveineuse. Ou encore d’autres approches plus étonnantes fondées sur le détournement des voies nociceptives (voir encadré l’eau qui guérit).

Un autre texte collige au contraire les urgences les plus insolites, comme la gangrène de Fournier ou la pyélonéphrite xanthogranulomatheuse. Ces deux pathologies sont potentiellement mortelles et d’évolution parfois fulgurante note le Pr Pierre-Henri Savoie. Dans la gangrène de Fournier par exemple, de véritables « fusées bactériennes » partent dans toutes les directions. « La maladie progresse d’heure en heure». Ces urgences restent rares ; elles sont toutefois de très mauvais pronostic et il convient de savoir les identifier rapidement pour proposer le traitement le plus adéquat. Autres urgences rares — mais également graves — la pyélonéphrite et la cystite emphysémateuses, deux affections liées à la présence de bactéries sécrétant du gaz dans les voies urinaires.

« Même si nous n’avons pas sur tous ces sujets un niveau de preuve qui permet d’émettre des recommandations, nous avons essayé de produire des articles pratiques, auxquels chacun pourra se référer pour se sortir rapidement de certaines situations d’urgence» explique le Pr Long qui coordonne le rapport.

Au cœur de l’actualité, 8 ans après les tueries du Bataclan, le Pr Pierre-Henri Savoie, propose un article de synthèse sur la traumatologie pénétrante dans un contexte de terrorisme : triage des victimes en cas d’afflux massif de blessés, gestes chirurgicaux urologiques ou non à réaliser lors d’une laparotomie écourtée. Le rapport a en revanche sciemment omis certains sujets afin de ne pas empiéter sur celui qui sera présenté en 2022 (complications de la chirurgie urologique)

Une alternative au drain pour les rétentions d’urine

Inventé par le Pr Marian Devonnec des hospices civils de Lyon, le Stent EXIME, écarte les lobes prostatiques. Mis au lit du malade sous anesthésie locale, ce stent qui garantit la continence dans les suites immédiates d’une rétention d’urine aiguë est une alternative à la pose de sondes et de poches.

L’eau qui guérit

Injecter de l’eau stérile pour calmer la douleur peut sembler relever du placebo. Et pourtant, cette méthode expérimentée initialement chez des femmes enceintes, au moment du « travail », pourrait être d’un grand secours pour les patients souffrant de coliques néphrétiques. En pratique, il faut réaliser, en intradermique, des petites papules d’eau au niveau lombaire (quatre petites injections en bas du dos pour la colique néphrétique). Des études récentes montrent l’efficacité de cette méthode pour soulager les symptômes de la colique néphrétique « Ces injections concourent à réduire la prescription de drogues antalgiques non dénuées d’effets secondaires comme la morphine», note le Pr Savoie. Le mode d’action repose sans doute sur la notion de « gate control » et de détournement de douleur par les voies nociceptives.

Le Damage control, l’urgence des urgences

Très connu en chirurgie de guerre, le principe du damage control consiste à agir prioritairement pour stabiliser chirurgicalement le patient afin de l’amener rapidement en réanimation. Cette notion repose sur un concept issu de l’US Navy : quand un navire est touché, l’urgence est de colmater les brèches à minima pour que le navire flotte afin de le ramener au port où l’on pratiquera les réparations définitives. Il en est de même pour les blessés par armes de guerre : en choc hémorragique, l’objectif est de les stabiliser chirurgicalement pour les amener en réanimation. « Dans la chirurgie de sauvetage, on n’est pas là pour faire le traitement idéal, mais le plus rapidement efficace : l’hémostase, parfois même en laissant une pince ou un champ, la fermeture sommaire des organes notamment digestifs afin d’éviter une contamination bactérienne, l’urostase pour drainer les urines, l’aerostase si des blessures sont situées au niveau du poumon…» résume le Pr Savoie. Après quelques jours salvateurs en réanimation vient le temps du traitement chirurgical définitif. Les récents attentats ont mis sur le devant de la scène ces pratiques de damage control qui doivent pouvoir être appliquées aujourd’hui par n’importe quel chirurgien. Lors de son enquête, le Pr Savoie a ainsi donné la parole à des urologues qui se sont retrouvés en première ligne en novembre 2015 à Paris ou en 2016 à Nice et ont dû apprendre à gérer des situations techniquement et émotionnellement très déstabilisantes.

 

D’après des entretiens avec les Prs Jean-Alexandre Long (CHU de Grenoble), Romain Boissier (AP-HM, Hôpital de la conception), Pierre-Henri Savoie (Médecin chef -Service de santé des armées, Toulon)

Extrait du dossier de presse de l'AFU

 

Crédit photo : AFU

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