La génomique dans la lutte contre la Covid-19

La génomique dans la lutte contre la Covid-19 Le séquençage du génome complet du SARS-CoV-2 par les équipes chinoises et mis à disposition en accès libre à l’ensemble de la communauté scientifique internationale a permis de développer très rapidement des tests diagnostiques. Le partage des données génomiques permet aujourd’hui de constater la grande stabilité de ce virus, qui n’est ni moins virulent, ni moins pathogène, ni moins contagieux qu’au début de l’épidémie. La génétique a aussi ouvert la voie au développement de vaccins, dont certains très innovants.

Les tests diagnostiques du SARS-CoV-2 ont pu être développés très précocement grâce à la plateforme GISAID* de partage des données en accès libre. Cette plateforme a été créée en 2006 pour mettre en ligne les nouvelles données concernant la grippe aviaire afin de suivre les mutations du virus dans les différentes régions du globe.

Elle a eu un rôle clé pour la reconnaissance de ce nouveau coronavirus. Dès le 7 janvier, les équipes chinoises, qui ont été les premières à séquencer le SARS-CoV-2, ont déposé sur la plateforme la totalité de la séquence virale. C’est ainsi que tous les laboratoires ont été en capacité de développer des tests PCR. Dans notre pays, le premier patient a présenté des symptômes le 23 janvier, le 24 il a été prélevé et le diagnostic a été posé par PCR, à l’Institut Pasteur où ont été développés les premiers tests.

L’excellente performance de la PCR

Ces tests PCR présentent des performances excellentes avec une sensibilité de plus de 95 %. Les rumeurs selon lesquelles la PCR ne serait pas fiable sont tout à fait infondées, si elle « rate » des diagnostics c’est parce que le prélèvement a été fait trop tardivement. La durée de détection des ARN viraux est en effet limitée, en moyenne à 10 jours, même si, chez certains patients, la durée d’expression peut atteindre 30 jours.

Mais attention… la présence d’ARN détectée par la PCR ne signifie pas que le virus est

infectieux. Compte tenu de sa sensibilité, elle peut détecter de très faibles quantités virales, or il faut une charge virale suffisante pour qu’il y ait un risque de contagion. C’est d’ailleurs à partir de ce constat que la durée d’isolement préconisée pour les malades a pu être raccourcie à 7 jours au lieu des 14 jours recommandés jusqu’à présent.

Les différentes stratégies de dépistage

Concernant les nouveaux tests attendus, tests rapides et tests salivaires (ces derniers viennent d’obtenir un avis favorable de la HAS dans certains cas i), il faut distinguer d’une part la technique de détection virale, les tests moléculaires (RT-PCR, LAMP, autres) et les tests antigéniques, et d’autre part, la méthode de prélèvement.

Les tests développés depuis le début de la pandémie et utilisés actuellement dans les laboratoires de ville comme à l’hôpital pour le diagnostic de l’infection par le SARS-CoV-2 sont des tests de détection moléculaire PCR qui identifient l’ARN viral.

Les tests moléculaires rapides utilisent une autre technique, la LAMP, technique d’amplification isotherme, qui détecte également l’ARN viral. Ils ne nécessitent pas les plateformes requises pour la PCR, ils sont simples à réaliser à partir d’un prélèvement nasopharyngé ou salivaire et assurent une réponse en 10 à 20 minutes, mais leur sensibilité est moins bonne que celle de la PCR.

Les tests antigéniques, qui détectent les antigènes du virus et non son génome, reposent sur une autre technique, l’immunochromatographie. Ils ne nécessitent pas d’équipement lourd et sont faciles à utiliser. Ils permettent aussi d’obtenir un résultat rapide à partir d’un prélèvement nasopharyngé, mais leur fiabilité est également moins bonne que celle des tests PCR. Ils ont été autorisés depuis quelques jours (arrêté du 15 septembre 2020).

La mise à disposition de ces différents tests va permettre le développement d’une politique de diagnostic relevant de deux cadres :

- le diagnostic du patient symptomatique et des cas contacts par PCR qui assure la meilleure sensibilité,

- la stratégie de dépistage de masse, qui, elle, pourrait bénéficier des tests rapides malgré leurs limites.

Un virus très stable

La plateforme GISAID est alimentée en permanence avec chaque jour un millier de virus séquencés. Nous disposons ainsi aujourd’hui de quelques cent mille séquences du génome entier du SARS-CoV-2. Ce qui permet d’affirmer qu’à ce jour, ce virus est extrêmement stable. Seule une région du génome présente quelques variations mineures, mais elles sont sans conséquence sur sa pathogénie ou sa contagiosité.

L’hypothèse d’un virus moins pathogène ou moins transmissible est donc écartée. Le SARS- CoV-2 de septembre 2020 est le même que celui de l’hiver dernier.

La différence vient de la population qui est actuellement contaminée. Dans la dynamique de l’épidémie observée ces dernières semaines, la reprise de la circulation virale concerne surtout les jeunes, notamment la tranche des 25-35 ans, mais la dissémination du virus risque, bien entendu, de s’étendre à d’autres populations et d’atteindre les personnes les plus fragiles.

Des hôtes plus sensibles ?

Des études récentes ont montré qu’il existe des facteurs génétiques exposant au risque de développer une forme plus sévère de la maladie. On ne serait donc pas tous égaux devant la Covid-19.

En revanche, la transmission peut toucher tout le monde, même si les enfants sont moins contaminés que les adultes. Le récepteur ACE-2, qui est la voie d’entrée du virus dans l’organisme, est ubiquitaire, mais le développement de ces récepteurs se fait au cours de l’enfance. Il faut donc une quantité plus importante de virus pour qu’un enfant soit infecté. Ce qui explique aussi le fait que les enfants soient moins contaminateurs.

Le défi de la vaccination

Actuellement, près de 200 vaccins sont en cours de développement, la majorité en phase préclinique, 20 % environ en phase clinique et 5 % en phase 3. Plusieurs stratégies sont à l’étude, la plupart sont des vaccins « classiques », inactivés, atténués ou recombinants. Mais on teste aussi des stratégies d’immunisation différente avec des vaccins innovants, ADN et ARN. L’un des vaccins les plus avancés est d’ailleurs un vaccin ARN.

La vraie difficulté réside dans les incertitudes concernant la réponse immunitaire vis-à-vis de ce virus. On ne connait toujours pas le niveau de la réponse immunitaire et la qualité de cette réponse nécessaires pour avoir une protection durable contre la COVID-19.

La protection naturelle après l’infection reste un sujet de discussion, certains patients même

s’ils ne sont pas nombreux se sont réinfectés, la réponse immunitaire post infection ne semble donc pas très efficace à 100 %. On essaie donc avec les vaccins de faire mieux que la « nature », un défi qu’il n’est pas certain de gagner… Néanmoins, les nouveaux vaccins y parviendront peut-être ouvrant la voie à des stratégies vaccinales innovantes.

Ou nous disposerons d’un vaccin assurant une protection limitée dans le temps et il faudra, comme pour la grippe, vacciner tous les ans.

 

D’après un entretien avec Bruno Lina, Institut des agents infectieux, centre de référence virus des infections respiratoires. Hospices civils de Lyon. Ce document est extrait du dossier de presse du 6ème Congrès Société Française de Médecine Prédictive et Personnalisée — SFMPP qui s’est tenu le 24 et 25 septembre à Paris

 

* Global initiative on sharing avian influenza data (www.gisaid.org)

i https://www.has-sante.fr/jcms/p_3202317/fr/covid-19-les-tests-salivaires-peuvent-completer-les- tests-nasopharynges-chez-les-personnes-symptomatiques

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