Le dépistage du cancer du foie doit devenir une priorité en France !

Le dépistage du cancer du foie doit devenir une priorité en France ! Depuis 20 ans en France, alors que le pronostic du cancer du sein est devenu excellent celui du cancer primitif du foie n'a pas évolué : les chances de survies ne sont toujours que de 10% à 5 ans. Le nombre annuel de nouveaux cancers du foie ne cesse d'augmenter avec près de 10 000 nouveaux cas chaque année. Et pourtant, le cancer du foie est un cancer qui peut se prévenir puisqu'il survient dans plus de 80% des cas chez des personnes qui ont une maladie chronique du foie. La mortalité associée au cancer primitif du foie est d'environ 7000 décès par an alors que les taux de survie pourraient être considérablement augmentés par une détection précoce des petites tumeurs, encore trop rarement réalisée. Lorsqu'elles sont de petites tailles et localisées, ces tumeurs sont en effet accessibles à un traitement curatif coût-efficace[i] qui permet d'obtenir des rémissions complètes et durables.

Les hépatologues Français réunis à Bordeaux du 28 septembre au 1 octobre 2016 à l'occasion des 40 ans de la Société Française d'Hépatologie (AFEF) sont unanimes : le temps est venu d'agir pour prévenir les maladies chroniques du foie et améliorer le dépistage précoce du cancer du foie chez les populations à risque de développer ce cancer.

Le cancer primitif du foie est caractérisé par l'une des plus fortes mortalités parmi les cancers. Il est la principale cause de décès chez les malades présentant une cirrhose à laquelle il est associé dans 90 % des cas. En cas de cirrhose, l'incidence du cancer du foie est d'environ 20 % à 10 ans. Tout malade ayant une cirrhose est donc à risque élevé de cancer et doit bénéficier d'une surveillance[ii] . Tout retard dans la détection et le diagnostic du cancer met donc gravement en péril les chances du patient de bénéficier d'un traitement curatif et d'obtenir une rémission complète et durable. Ce cancer fait partie de ces cancers dits silencieux car il reste asymptomatique jusqu'à un stade avancé de la maladie. Ceci explique son diagnostic tardif et son mauvais pronostic d'autant plus qu'il s'agit d'une tumeur qui a un fort potentiel de croissance, dont la taille peut doubler entre un mois et un an.[iii] Après apparition des symptômes, la survie à 5 ans est estimée à 10 %[iv].

75 % des cancers dépistés précocement sont accessibles aux traitements curatifs et à la guérison : une étude française confirmant l'aspect coût-efficacité du traitement curatif des tumeurs de petites tailles et localisées [1]

Les méthodes d'imagerie permettent aujourd'hui de détecter des nodules de très petite taille (1 cm de diamètre voire moins pour l'échographie) et la mise en place de thérapeutiques curatives telles que la destruction percutanée des nodules ou la transplantation hépatique qui sont venues s'ajouter à la résection[v]. Le dépistage du cancer chez les malades atteints de cirrhose est entré dans la pratique de la plupart des pays occidentaux. Fondé sur une surveillance hépatique semestrielle, il a pour but d'identifier le cancer au stade de petit nodule accessible aux traitements curatifs[vi]. Globalement, la stratégie optimale de dépistage, qui est la réalisation d'une échographie abdominale tous les 6 mois chez les patients porteurs d'une cirrhose avérée, permet de réduire la mortalité liée au CHC, de l'ordre de 40 %[vii],[viii].

Mais dans la réalité des pratiques quotidiennes, les patients cirrhotiques bénéficient rarement d'un suivi biannuel. Une étude française présentée au congrès de l'AFEF montre que la survie à 10 ans est de 76% chez les patients cirrhotiques qui ont le dépistage selon les recommandations versus 67% chez les patients qui n'ont pas ce dépistage systématique. Ce résultat est principalement expliqué par le fait que les patients qui ont un dépistage systématique ont plus souvent accès à un traitement curatif que les autres, du fait de la plus petite taille du cancer : 79% versus 43%. Et pour obtenir ce résultat sans discussion, le coût supplémentaire (coût supplémentaire des échographies et des traitements précoces des cancers dont on retranche le coût des traitements plus tardifs et des traitements palliatifs) n'est que de 530€ sur 10 ans. Les conclusions de cette étude confirment donc la nécessité de la réalisation systématique d'une échographie abdominale semestrielle chez les patients à risque.

Une étude française montre l'explosion de la prévalence de la stéatose non alcoolique (NASH) au cours des 20 dernières années parmi les patients présentant un cancer du foie.9

Le cancer du foie est presque toujours associé à une maladie chronique du foie dont les causes principales sont la consommation excessive et prolongée d'alcool, les infections chroniques par les virus des hépatites B et C, et le syndrome métabolique. Une analyse rétrospective française présentée au congrès de l'AFEF[ix] montre qu'au cours des 20 dernières années, on observe une importante augmentation de la prévalence et de la stéatose non alcoolique (NASH) due à la présence d'un syndrome métabolique parmi les patients présentant un cancer du foie résécable.
La prévalence d'une stéatose non alcoolique (NASH) a augmenté progressivement de 2,6% en 1995-2000 à 19,5% en 2010-2015, celle du VHB a augmenté de 18% à 32%, alors que celle du VHC a diminué de 44% à 19,5%. L'étiologie alcoolique était stable (13% vs 16,5%). Le cancer du foie est survenu l'absence de fibrose avancée ou de cirrhose chez 63% des patients avec NASH (F0-F2) vs 28%, 16% et 7% dans les groupes VHB, alcool et VHC, respectivement (p<0,001). Les tumeurs liées à la NASH étaient moins bien différenciées et plus volumineuses que celles observées dans les groupes alcool et VHC (87 /- 55 mm vs 54 /- 44 mm et 48 /- 31 mm respectivement, p<0,001) mais étaient comparables à celles associées au VHB (99 /- 44 mm).

L'AFEF s'est fixée un objectif ambitieux : réduire massivement la mortalité liée au cancer primitif du foie en France.
Dans cette optique, la nouvelle campagne lancée par l'AFEF s'attache à :

- Interpeller, à la veille des élections présidentielles, les pouvoirs publics sur l'urgence de mettre en place une politique responsable de lutte contre l'apparition des maladies chroniques du foie : de véritables mesures pour enrayer l'alcoolisme, une vraie politique vaccinale contre l'hépatite B en France chez les enfants pour arriver à éradiquer cette maladie comme cela a pu être le cas pour la variole ou le tétanos et des programmes d'éducation pour promouvoir les bienfaits d'une hygiène de vie équilibrée.

- sensibiliser les médecins aux enjeux du dépistage précoce et du suivi régulier des patients cirrhotiques et inciter médecins généralistes et patients à se conformer aux recommandations de surveillance de l'évolution de leur maladie.
- convaincre les patients cirrhotiques les plus réticents d'ouvrir le dialogue avec leur médecin généraliste. Une tâche complexe face à des patients souvent dans le déni de la maladie alcoolique ou de leur niveau de risque lié à une hépatite B ou C.

 

 

AFEF 79, boulevard du Montparnasse 75006 PARIS - www.afef.asso.fr

 

 

[i] Evaluation médico-économique du dépistage du carcinome hépato cellulaire: approche basée sur les données des cohortes prospectives
ANRS CO12 CirVir et CHANGH, Isabelle Durand-Zaleski, présentation congrès annuel de l'AFEF septembre 2016
[ii] European Association for the Study of the liver, Bruix J. Sherman M. Llovet JM. Beaugrand M. Lencioni R, et al. Clinical Management of hepatocellular carcinoma. Conclusions of the Barcelona 2000 EASL conference. J. Hepatol 2001; 35(3): 421-30
[iii] Sheu JC, Sung JL, Chen DS, Yang PM, Lai MY, Lee CS et al. Growth rate of asymptomatic hepatocellular carcinoma and its clinical implications [archive], Gastroenterology, 1985;89:259-66
[iv] HAS - Surveillance des malades atteints de cirrhose non compliquée et prévention primaire des complications. Argumentaire. Septembre 2007 p. 32-33
[v] Trinchet JC, Beaugrand M. Treatment of hepatocellular carcinoma in patients with cirrhosis. J Hepatol 1997; 27: 756-65.
[vi] Sherman M. Screening for hepatocellular carcinoma. Best Pract Res Clin Gastroenterol 1999; 13:623-35.
[vii] Bruix J, Sherman M : Management of hepatocellular carcinoma.Hepatology 2005 ; 42 : 1208-36
[viii] Zhang BH, Yang BH, Tang ZY : Randomized controlled trial of screening for hepatocellular carcinoma.J Cancer Res Clin Oncol 2004 ; 130 : 417-22
[ix] Carcinome hépatocellulaire sur foie métabolique : tendances évolutives sur une période de 20 ans, caractéristiques cliniques et pronostiques - Pais R. (1) ; Pascale A. (1) ; Goumard C. (2) ; Scatton O. (2) ; Rosmorduc O. (1) ; Fartoux L. (1) ; Ratziu V. (1) (1) Service d'hépato-gastroentérologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris; (2) Service de chirurgie hépato-biliaire et transplantation hépatique, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

 

 

 

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