Un gène altéré associé à un excès de proline chez certains patients schizophrènes et des enfants atteints de retard mental
L'équipe de Dominique Campion et de Florence Thibaut (équipe Inserm 9906, dirigée par Thierry Frebourg) a observé chez plusieurs patients schizophrènes des altérations d'un gène particulier du chromosome 22, entraînant une hyperprolinémie modérée. Des anomalies de ce gène associées à des hyperprolinémies importantes ont également été retrouvées chez des enfants présentant un retard mental sévère. Des taux de proline élevés ont montré un effet toxique sur les neurones chez l'animal. Cette découverte ouvre des perspectives de prévention et de thérapie chez certains sujets à risque pour la schizophrénie ou pour un retard mental lié à un désordre du métabolisme de la proline.
Inserm, Paris le 15 septembre 2002
L'équipe de Dominique Campion et de Florence Thibaut (équipe Inserm 9906, dirigée par Thierry Frebourg) a observé chez plusieurs patients schizophrènes des altérations d'un gène particulier du chromosome 22, entraînant une hyperprolinémie modérée. Des anomalies de ce gène associées à des hyperprolinémies importantes ont également été retrouvées chez des enfants présentant un retard mental sévère. Des taux de proline élevés ont montré un effet toxique sur les neurones chez l'animal. Cette découverte ouvre des perspectives de prévention et de thérapie chez certains sujets à risque pour la schizophrénie ou pour un retard mental lié à un désordre du métabolisme de la proline.
La schizophrénie est une maladie psychiatrique qui touche 1% de la population mondiale, soit 600 000 personnes en France. Les causes de cette maladie familiale à hérédité complexe, ainsi que les voies biologiques concernées sont encore mal connues. Les symptômes observés chez les patients schizophrènes sont principalement attribués à un développement neuronal anormal, se manifestant à la fin de la maturation du cerveau. Plusieurs gènes ainsi que des facteurs environnementaux sont vraisemblablement impliqués mais à ce jour, aucun gène de susceptibilité n'a été identifié avec certitude. Cependant, des travaux réalisés aux Etats-Unis ces dernières années ont suggéré qu'une région du chromosome 22 pourrait contenir un tel facteur de risque génétique. Cette région, qui contient environ 25 gènes, est altérée dans le syndrome de DiGeorge. Ce syndrome, caractérisé au cours des années 1980, touche un enfant sur 4000. Il associe diverses manifestations cliniques et s'accompagne fréquemment d'un retard mental léger et de troubles psychiatriques. Parmi les patients atteints du syndrome de DiGeorge, la prévalence de la schizophrénie s'élèverait jusqu'à 30 % selon certaines études.
L'équipe de Dominique Campion et de Florence Thibaut (Inserm EMI 9906-IFRMP, dirigée par Thierry Frebourg à la Faculté de Médecine de Rouen) a donc entrepris une étude détaillée de cette région chromosomique chez des patients schizophrènes. Si les techniques d'analyse classiques permettent d'identifier des mutations ponctuelles des gènes (mutations entraînant la modification d'une seule base), aucune n'avait permis de caractériser de manière fine des microdélétions (pertes d'un fragment chromosomique de petite taille). C'est grâce à une nouvelle technique de PCR quantitative (technologie brevetée par l'Inserm), que les chercheurs de l'Inserm ont pu procéder à l'étude de 23 gènes de la région en question du chromosome 22 chez un groupe de 63 patients schizophrènes.
Une délétion isolée d'un gène appelé PRODH (proline déshydrogénase) a été identifiée chez deux patients schizophrènes, alors que chez d'autres, des mutations ponctuelles de ce même gène ont été mises en évidence. Les altérations de PRODH se manifestent par un déficit de la synthèse de la proline déshydrogénase, enzyme impliquée dans la dégradation de la proline. Chez tous ces patients, une augmentation modérée du taux de proline sanguin est observée.
Ces mêmes altérations génétiques ont été retrouvées chez des enfants souffrant d''hyperprolinémie de type 1, maladie métabolique rare caractérisée par une hyperprolinémie importante et un retard mental sévère. Chez ces enfants, les mutations touchent les deux copies du gène PRODH et la déficience de l'activité de la proline déshydrogénase est complète alors que chez les patients schizophrènes une seule copie du gène est touchée et l'hyperprolinémie est modérée.
L'identification de cette corrélation entre une forme de schizophrénie et l'altération du métabolisme de la proline ouvre une perspective pour commencer à comprendre les désordres biologiques à l'origine de la maladie. Ces résultats suggèrent également que l'hyperprolinémie contribue aux troubles psychiatriques et cognitifs observés chez certains patients atteints du syndrome de DiGeorge.
Les chercheurs envisagent de doser le taux de proline sanguin dans une large population de patients schizophrènes, ce qui permettra de mesurer la fréquence exacte de ce trouble métabolique dans cette population. Les apparentés à risque de patients schizophrènes présentant un trouble de la prolinémie ainsi que les enfants atteints du syndrome de DiGeorge pourraient bénéficier à terme d'un dépistage précoce. Les effets de l'hyperprolinémie sur le cerveau pourront être explorés afin d'envisager des mesures thérapeutiques adaptées visant à diminuer le taux de proline.
Source :
"PRODH mutations and hyperpolinemia in a subset of schizophrenic patients"
Hélène Jacquet (1), Grégory Raux (1), Florence Thibaut (1,2), Bernadette Hecketsweiler (3), Emmanuelle Houy (1,2), Caroline Demilly (2), Sadeq Haouzir (2), Gabrielle Allio (2), Gael Fouldrin (2, Valérie Drouin (4), Jacqueline Bou (1), Michel Petit (1,2), Dominique Campion (1,2) et Thierry Frébourg (1,4)
1 = Inserm EMI 9906, IRFMP, Faculté de Médecine, 76183 Rouen,
France 2 = Département de psychiatrie,
3 = Département de biochimie,
4 = Département de génétique, CHU de Rouen, 76031, France
Human Molecular Genetics, 2002, vol 11, N°19, p 2243-2249.
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