Maladie du greffon : du rififi chez les lymphocytes T

La maladie du greffon contre l'hôte est un effet secondaire de la greffe de moelle osseuse, traitement proposé notamment dans le cas de leucémies. Cette maladie, souvent mortelle, survient quand les lymphocytes T** implantés lors d'une greffe, perçoivent comme étrangers les tissus du patient greffé. Ils commencent alors à les attaquer.

Paris, le 8 décembre 2003

La maladie du greffon contre l'hôte est un effet secondaire de la greffe de moelle osseuse, traitement proposé notamment dans le cas de leucémies. Cette maladie, souvent mortelle, survient quand les lymphocytes T** implantés lors d'une greffe, perçoivent comme étrangers les tissus du patient greffé. Ils commencent alors à les attaquer.

Comment enrayer la progression de cette destruction sans supprimer tous les lymphocytes T ? Une équipe coordonnée par Benoît Salomon et José Cohen, chercheurs à l'Inserm, vient de montrer qu'une thérapie utilisant une sous-population de lymphocytes T pourrait apporter la solution. Des travaux financés en partie par l'AFM grâce aux dons du Téléthon.

Complication due à la transplantation

La greffe de moelle osseuse, contenant les cellules souches du sang (à l'origine du développement de toutes les lignées cellulaires sanguines), est un traitement fréquent des dysfonctionnements de la moelle osseuse, tels que la leucémie. La maladie du greffon (cellules du donneur) contre l'hôte (receveur) est induite par une attaque, par les lymphocytes T du donneur, des cellules et tissus du receveur. Il s'agit de la principale complication engendrée par une greffe de moelle osseuse. La maladie du greffon contre l'hôte s'apparente, par certains aspects, à une maladie auto-immune.

En 1995, une population de lymphocytes T appelés " régulateurs ", capables de neutraliser l'action destructrice de lymphocytes T autoréactifs, a été découverte. Ces " régulateurs " ont comme rôle principal de prévenir les maladies auto-immunes*** . L'équipe de José Cohen s'est intéressée au comportement de ces lymphocytes particuliers dans le cas de la maladie du greffon contre l'hôte.

Il y a un an, les chercheurs ont démontré, chez la souris, les effets bénéfiques de l'administration d'une grande quantité de " régulateurs " associée à une transplantation de moelle osseuse. Chez les souris ainsi traitées, la progression de la maladie est ralentie.

Les travaux publiés aujourd'hui permettent de vérifier la spécificité du mode d'action des lymphocytes T régulateurs sur les seuls lymphocytes T responsables de la maladie du greffon. La démarche de José Cohen et de ses collaborateurs a consisté ici à mettre ces " régulateurs " purifiés en présence des cellules du receveur de manière à les " familiariser " avec l'organisme étranger. Les " régulateurs ", qui se multiplient dans ces conditions, sont spécifiques car ils ont " appris " à reconnaître les antigènes du futur receveur. Ainsi " éduqués ", ils empêchent les autres lymphocytes T du greffon également spécifiques des antigènes du receveur, d'attaquer l'hôte.

Leurs résultats montrent que les " régulateurs " spécifiques sont non seulement capables de contrôler la progression de la maladie, mais aussi qu'ils favorisent l'accroissement du nombre des populations de cellules immunitaires saines, nécessaires au succès de la greffe (lymphocytes B et T).

Enfin, José Cohen et ses collaborateurs vérifient que les " régulateurs " ne perturbent pas l'action des autres lymphocytes T, qui continuent de lutter contre l'apparition de tumeurs ou de leucémie.

Candidats sérieux à essais cliniques

Les auteurs soulignent ainsi l'intérêt de l'application à l'homme des propriétés thérapeutiques de telles cellules. En effet, de par leurs similitudes avec les " régulateurs " murins, les lymphocytes T " régulateurs " humains sont des candidats sérieux pour de prochains essais cliniques, estiment les auteurs. L'équipe de José Cohen vient d'initier, en collaboration avec le Service de Biothérapie de la Pitié (D. Klatzmann) et avec le soutien financier de l'AFM grâce aux dons du Téléthon, un travail visant au développement futur d'essais thérapeutiques utilisant ces lymphocytes régulateurs.

** = Les lymphocytes T sont des cellules du sang impliquées dans le bon fonctionnement du système de défense immunitaire de l'organisme. Ils reconnaissent les éléments étrangers à l'organisme (virus, bactéries, etc.), et concourent à leur élimination.

*** = maladies dues à un dysfonctionnement du système immunitaire, qui ne distingue plus les agents étrangers (virus, bactéries, etc.) à éliminer, des tissus sains de l'organisme auxquels il s'attaque progressivement.

Pour en savoir plus

- Source

"Recipient-type specific CD4+CD25+ regulatory T cells favor immune reconstitution and control graft-versus-host disease while maintening graft-versus-leukemia effect"

Aurélie Trenado (1), Frédéric Charlotte (2), Sylvain Fisson (1), Micael Yagello (1), David Klatzmann (1), Benoît L. Salomon (1) and JoséL. Cohen (1)

1 = Laboratoire Biologie et Thérapeutique des Pathologies Immunitaires, CNRS, Université Pierre et Marie Curie, UMR 7087, Paris

2 = Service d'anatomie pathologique, Hôpital Pitié-Salpêtrière

Journal of Clinical Investigation, vol. 112, n°11, 5 décembre 2003

Descripteur MESH : Lymphocytes , Maladie , Moelle osseuse , Tissus , Lymphocytes T , Leucémies , Cellules , Essais , Virus , Bactéries , Sang , Population , Paris , Soutien financier , Travail , Biologie , Anatomie , Rôle , Comportement , Transplantation , Biothérapie , Thérapeutique , Démarche , Antigènes , Éléments , Tumeurs , Lymphocytes B

Recherche scientifique: Les +